Dans ce bleu qui nous pousse vers Lorient
me revient de l'autre mer
un goût de sel et d'oursin
en ce mois d'août finissant
je me souviens d'une naissance accordée à l'aube
et d'un poète crucifié dans les caves d'une ville blanche
ni en Orient
ni en Occident
ni même entre l'œil et l'épine
la douleur n'a de cadastre
elle est un point incarnable
qui tient en éveil au bord de la falaise
des mains sans âge
fouillent ma poitrine
exhument d'un limon de désordre
des visages des maisons des arbres
je ne veux plus rêver
les flaques des villes mortes
suffisent à ma soif
donnez-moi une route
vers le point noir de ma voix
donnez-moi un mot qui soit une aiguille de boussole
je cherche l'œil
que nulle paupière ne limite
il connaît l'eau qui chante dans la fracture de l'âme
et le versant brûlé du ciel
autour de ma gorge la racine a encore fleuri
je la croyais vaincue par les sables de la prière
est-ce des pétales ou des épines qui tombent
sur la page
et dans ma gorge
savez-vous que l'angoisse fait la fête
avec la gouge et le burin
ma préhistoire n'en finit pas de s'écrire
les masques nous creusent
pourquoi nous lamenter sur les miroirs sans tain
avons-nous seulement besoin d'apparence
.
RABAH BELAMRI
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Geoffrey Oryema par Françoise Dexmier 2017