Non, faux magicien des vocables,
L'alezan ne s'enracinera
Pas plus que l'érable ne détale,
De pierre demeurera la roche,
Et l'odeur, sur l'océan, des roses
Ne laissera qu'illisible sillage
Où ni l'écuyer n'éperonnera les vagues
Ni le monstre marin la cavale écumante.
Branchu, feuillu, danseur et murmurant,
Jet d'ombre et de soleil vert sera l'arbre,
Geste somptueux et calme de la vie,
Cependant que du col, des naseaux et des flancs,
De ce grand œil de sultane languide,
De ce panache sur la croupe volant,
Telle encore te séduit ta conquête
Que le mors non les mots à domptée.
Par étincelle ou par éclat cueillerais-tu le roc
Que tu n'y capterais cette sève d'énigme
Qui passe aux couleurs, à la chair des pétales ;
Quant à l'arôme plus aérien que l'air,
Plus vagabond que les saisons,
Et qui porte loin vers sa jeunesse enfuie
Ou son enfance heureuse le voyageur,
Tu ne sus le changer en plus léger que l'eau,
En beau navire voguant sur la mémoire.
Alors pour chaque son, chaque signe enlacés
Ainsi soit-il ! Et que pèsent les noms
De leur poids juste en tes regards
Comme aux balances de ton sang.
Que les chevaux foulent les fleurs au fond du songe !
Enfourche-les, chevalier sans royaume,
Pour humer l'odeur éphémère du monde,
Et sens l'arbre épouser la croisée de tes bras
Ou la houle soulever d'une terrible joie
Ton corps, ta vie jusqu'à l'étreinte des origines !
Accueille en toi, humblement, et partage
En l'hostie des syllabes le dieu vrai des choses.
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GEORGES EMMANUEL CLANCIER
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Photographie Magnificent _ Entropy
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