On a voléà l'homme sa part imaginaire, mythique, et cela ne donne pas un homme «vrai», cela donne un homme infirme et mutilé, parce qu'il n'y a pas d'homme sans part de poésie, il n'y a pas d'Europe sans part d'imaginaire, sans la «part Rimbaud», ce n'est pas le règne du réalisme, c'est le règne du zéro. Or, s'il est une part humaine qui ne peut pas se passer d'imaginaire, c'est notre part d'amour. Tu ne peux pas aimer une femme, un homme, sans les avoir d'abord inventés, tu ne peux pas aimer l'autre sans l'avoir d'abord inventé, imaginé, parce qu'une belle histoire d'amour, ce sont d'abord deux êtres qui s'inventent, ce qui rend la part de réalité acceptable, et indispensable même, comme matériau de départ. Ce qu'on appelait jadis le «grand amour», c'est le dévouement pendant toute une vie et souvent jusqu'à l'extrême vieillesse de deux êtres à cette œuvre d'imagination qu'ils ont créée ensemble et réciproquement, deux êtres qui se sont d'abord inventés...