Il faut absolument que les hommes parviennent à préserver autre chose que ce qui leur sert à faire des semelles, ou des machines à coudre, qu’ils laissent de la marge, une réserve, où il leur serait possible de se réfugier de temps en temps. C’est alors seulement que l’on pourra commencer à parler d’une civilisation. Une civilisation uniquement utilitaire ira toujours jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’aux camps de travail forcé. Il nous faut laisser de la marge. Et puis je vais vous dire… il n’y a pas de quoi être tellement fier, n’est-ce pas ? il n’y a plus vraiment que la tour Eiffel pour nous permettre de regarder de haut en bas sur le reste de la création. Vous allez m’envoyer composer des poèmes, comme le gouverneur, mais dites-vous bien que les hommes n’ont jamais eu plus besoin de compagnie qu’aujourd’hui. On a besoin de tous les chiens, de tous les chats, et de tous les canaris, et de toutes les bestioles qu’on peut trouver…
Il cracha soudain par terre, avec force. Puis il dit, la tête baissée, comme s’il n’osait pas regarder les étoiles :
— Les hommes ont besoin d’amitié.
↧
LES RACINES DU CIEL...Extrait
↧