C'est un temps de rien,
C'est votre voix, Monsieur Marielle,
qui à jamais retentit
sur ce chemin d'absence où les heures se perdent.
C’est un temps de rien, un temps de tout.
C'est votre rire, Monsieur Rochefort, qui s'égare dans des nuits d'océan.
C'est la présence indistincte d’un oiseau blessé
et le jour qui revient sur la pointe des rêves.
C’est un chandail de brumes oublié Hôtel du Nord
et Arletty qui traverse le cri d’un amour,
c’est une gueule d'atmosphère qui s’éloigne sur la pointe des pieds.
C’est le rire des oubliés qui claque à contre silence,
Raimu qui "nous fend le cœur",
la nostalgie qui cherche ses mémoires au royaume des disparus.
C'est une dernière larme au rebours d’une montre arrêtée.
C'est encore entendre Jean Gabin dire "T'as d' beaux yeux tu sais"
et ne rien oublier du regard de Michèle Morgan.
C'est à l’encre du rêve et du cauchemar,
ce Vieux fusil, aux mains de Philippe Noiret.
C'est revoir Michel Simon dans Le vieil homme et l'enfant.
C'est Casque d'or aux bras de Serge Reggiani.
À l’heure où le jour s'assombrit,
c’est la nuit qui tombe sur les rires du matin,
Bourvil et Galabru dans leur dernière tirade,
Jean Cocteau et Jean Marais à la Victorine,
Annie Girardot qui retrouverait la mémoire,
Anémone sur Le grand chemin,
Agnès Varda surfant sur la dernière vague,
et la voix de Sacha Guitry qui nous conte Paris.
C’est un temps de tout, un temps de rien,
une vieille nostalgie oubliée Quai des Brumes.
C'est une muraille de mots
que le silence enferme.
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JEAN-MICEL SANANES
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