Ne me lis pas au pied de la lettre
Ni à sa tête
Tu pourrais croire que je fus pétrie dans le noir
Que tu n'as rien pu faire
Ou que tu n'as rien fait
Quand je me dissolvais en larmes
Qu'âne bâtéà bras le corps
Je tirais des chariots de lourdes stèles et d'amphores
Emplies de vins frelatés
De cendres d'hosties et de poussière de morts
Depuis longtemps je sais que je n'ai pas pris ton visage
Seulement l'effroi
De l'enfant froissée
Grimpé comme un lierre sur mon image
Par lequel mes traits se sont pliés
Rentré comme secret dangereux
Au plus profond des yeux
Bien malin qui saura en déraciner le serpent
Bien sot qui croira en avoir déroulé le ruban
Je suis enroulée dans un fil barbelé
Etonnante endurance d'un être malmené
La main qui frappe sa victime en apnée
Cogne à la porte d'une maison vide
Si la queue du scorpion n'était aussi enragée
L'oeil aveugle de la bête se fendrait
Derrière l'arbre qui cache la forêt
La figure du souffre-douleur
Le scrute hébété
Comme on regarde quelqu'un qui meurt
Lui qui déjà est de l'autre côté
Du haut miroir brisé
Regarde-toi! lui murmure-t-il
Regarde tes débris, tes éclaboussures
Regarde ce trou en plein dans le mille
Ce caveau où peu à peu tu descends
Les phalanges brisées sous le gant
Les jambes coupées dans tes chaussures
Quand tu m'auras agonie d'injures et de parjures
Au bord de mon cratère, tu t'effondreras
Je vois et sais ce que tu ne vois et ne sais pas
Tu finiras dans l'une de ces amphores
Que je traîne derrière moi
Mon héritage mortuaire
Ne me lis pas au pied de la lettre
Ni à sa tête
Hier, tu m'as vu penchée
Sur les coutures du passé
Je me suis piqué le doigt avec l'aiguille
J'ai eu mal, tu l'as vu
Tu es resté sur ton trône froid
La lèvre marmoréenne
Mes eaux perlaient sur ton impénétrable peau
Dans ton foyer, on ne voit pas trembler de flammes
Mais tu sais comment sont les poètes
Avec leurs fleurs coupées aux cordes des lyres
Ne me lis pas au pied de la lettre
Ni à sa tête
Peut-être à sa lampe tempête
Dans l'obscurité
A son esprit qui s'est fait chair
Se déchirant dans les colères
Surtout au fruit caché de son gynécée
Aurais-tu besoin de me lire
Si tu m'avais écoutée?
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ANNA MARIA CARULINA CELLI
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