Je m’envoie le bleu Klein, l’outre bleu et le lapis lazuli, le bleu de chauffe, les révoltes ouvrières, les congés payés et les vacances à la mer, le turquoise et le polaire bien sur.
Je m’envoie ton ciel ardent, tes plages sauvages et celles bondées qui sentent la sueur et l’huile de coco, je m’envoie tes dents blanches entre le baiser et la morsure.
Je m’envoie des vers glacés à la pistache, des laits orgeat et grenadine, le lait de mère aussi, les sucettes à l’anis de Serge à pleine bouche et les petites orgies de Pasolini.
Je m’envoie le bleu fauve de Zéno Bianu et l’oiseau de Prévert, tous les bleus qui font mal, et ceux qui font la profondeur et le libre, ceux qui au blanc et au rouge mêlés font une Nation.
Je m'envoie la trompette de Miles Davis et celles de Jericho, tous les bras levés et les chants d’espoir, les cris de joie et les notes de Chopin à me soulever l’âme, les rondes d’enfants et les cours de récrée, toutes les racines carrées à faire pousser sur le tableau noir des solutions, et des arbres dans la terre du sens.
Je m'envoie le jardin d'Eden et la nature dévastée, les pleurs du gorille et les cendres du koala, toutes les larmes de la souffrance humaine à irriguer la terre.
Je m’envoie la voix des Jeanne Moreau et Orient qui me traverse comme un vent chaud et habille les mots de peau et de soie, et celle de la pucelle à combattre et résister mieux qu'un homme.
Je m’envoie des mots de colère et d’instinct, animés comme des dessins à faire bouger, du bruit dans les oreilles, des cris de gorge sous mon clavier sans oublier toutes les fausses notes.
Je m’envoie enfin les étincelles dans ton regard, de la lumière à projeter, la chaleur de son éclat et celle de ton étreinte à m’embraser.
Je m’envoie au front avec mon poème chargé comme un fusil, la peur au ventre et la gorge déployée à dire n’importe quoi mais surtout ce qu’il ne faut pas dire.
Je m'envoie la censure pour la vomir.
.