c'est dans une âme qu'elle doit se regarder.
Platon
.
Pénétré de silence
l'espace ouvert
d'une mémoire tourmentée.
Mes mots y habitent
un peu à l'étroit
parmi les questions.
Ils sont dans l'œil rond
de l'oiseau enivré de son chant
dans le miroir mouvant
du fleuve
dans la fragilité
du présent.
Moiteur
des images calcinées
moiteur d'un temps échevelé
de genoux salis
d'élans sauvages .
Dans l'argile
une empreinte figée
l'évidence d'une présence.
Parfois des bruits de pas
qui s'en retournent
crissant sur le sable grossier
ou un frôlement discret,
pattes d'oiseau
ou plumes d'anges ?
Nomades échappés de l'informe
mes mots habitent
où ils peuvent
cœur boiteux
arbres fléchis
ou mains inoccupées
telles des ailes se croisant.
Ils disent la pluie visqueuse
le goût crayeux des villes
qui ronge et corrompt.
Ils disent les voix
éperdues
s'écorchant vers un ailleurs
mutique encore.
Un pas après l'autre
dans le brumeux
ils croissent
et s'appuient
aux limites.
Les nôtres et d'autres.
Ils s'y enroulent
s'y enlacent
s'y fixent et s'y cramponnent.
Un pas puis un autre
dans le tremblé des ombres
à l'écoute des paroles aimées.
Un pas vers le noyau serré
qui heurte et cogne
bien trop souvent.
Un pas peut-être
vers l'aurore farouche
ou l'averse patiente
les visages se tournent
enfin vers nous.
.
AGNES SCHNELL
.
Photographie Alexandria Lens