Il y a des mots qu'on emmène en voyage parmi les chemins pierreux,
Les sentiers envahis d'abeilles, de fruits rouges et d'empreintes animales.
Il y a les mots qui cachent des souffrances, des interdits, des noires paroles,
Des parlers amoureux déçus, des musiques inachevées et des lettres désespérées.
Les phrases alors témoignent de la fécondité des chagrins et des rires printaniers.
Avec les mots, je dégomme les servitudes austères et les relents de fausses nouvelles.
Je pèle les doutes parmi les ombres dansantes et les voiles incrédules.
Il y a des mots qui portent des saveurs sucrées et des douceurs éphémères,
Des lointains appels, des accents trop épicés et des heures trop amères.
Les phrases alors traduisent les états sémaphoriques au long cours.
Dans les grands vents de l'oubli, quelques mots soufflent la tiédeur de l'enfance,
Les paravents de l'adolescence, les premiers émois et les rigueurs du labeur.
Il y a des mots qui décrivent de profonds silences, des vitraux gorgés de soleil,
Des lieux environnés d'une nature abondante pleine de corbeilles de fruits
Et d'arbres qui suçotent sans fin la sève qui sculpte toute l'arborescence saisonnière.
Les phrases appellent au renouveau, au verdissement sentimental,
Aux feux de la Saint-Jean, aux soleils couchants, aux pleines lunes,
Au bon pain, au goût sucré des pommes sauvages et à l'acidité des agrumes.
L'enjambement des mots invite jusqu'au pavillon de verdure où le langage foisonne
Parmi les nappes damassées étalées dans l'attente d'un repas bucolique.
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CHRISTIAN MALAPLATE
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Oeuvre Duane Alt