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Channel: EMMILA GITANA
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SERGE SAUTREAU

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 De toutes leurs faibles forces ils faisaient face.

 

Puissamment seule, l’adversité avait coutume de vaincre.

 

Aucune accalmie ne se présentait.

 

Des millénaires que ça durait.

 

De toutes leurs faibles forces ils faisaient face.

 

Le travail les écartelait.

 

Impossible de croiser les bras une fois pour toutes.

 

Où diable trouvaient-ils donc moyen de rire, de pleurer,

 

de vivre ?

 

Des siècles et des siècles que ça durait.

 

Dédale de lianes, jungles obscures des lois contre eux.

 

Menaces contre eux, menace.

 

De toutes leurs faibles forces ils relevaient pourtant le front.

 

Ils faisaient face.

 

*

 

Un passage dérobé dans les coursives de l’entendement.

 

Nul n’y entre qu’à pas de loup.

 

Ce jour-là je nageais personne ne m’a vu.

 

La suite se devinait à vue d’œil.

 

Avec de l’or et des flammes ils faisaient des présages.

 

Avec de l’or, des flammes, des loups.

 

Passage de l’entendement les coursives se dérobent.

 

Je nage aveuglément dans l’œil qui devine tout.

 

*

 

Quoi vous ne le saviez pas que j’étais immortel

 

Que je forge sans fin de la rime assoiffée

 

Chaque jour sur l’enclume à mains nues je martèle

 

Du mot porté au rouge le marteau y fait

 

La courbe et l’angle vif et Vulcain et Morphée

 

Un mythe sous le coude et l’autre à la bretelle

 

Ainsi vous ignoriez que je suis immortel

 

Que je lis dans le feu et le marc de café

 

Que j’ai forgé aussi la flèche du grand Tell

 

Des siècles que ça dure à ne pas voir les fées

 

Des siècles d’Alexandre et de rois et d’autels

 

La rime est riche hélas c’est un très vieux forfait

 

La rime est rouge assurément comme un orage

 

*

 

A force de faiblesse, quel feu soudain quel feu.

 

A incendie à vendre à spécial petit prix.

 

A brûlez-moi ça tout de suite ou je fais un bonheur.

 

A brides abattues sans fouet sans cheval et sans éperons.

 

A fond de cale et jusqu’aux greniers ivres.

 

A la va comme je te tousse.

 

A la déroute des collimateurs.

 

A mets-toi là que je m’en aille.

 

A lames tirées il faut l’éclair.

 

A crime perdu à vis sans fin à puits sans fond.

 

A incendie à vendre à spécial petit prix.

 

A force de faiblesse.

 

A feu.

 

A feu.

 

A feu.

 

*

 

Et je déteste effrayer terrifier épouvanter tous pouvoirs au demeurant hors de portée et quant à sidérer la mort elle-même rions un peu sourions beaucoup et soupirons les bras m’en tombent puisque ladite mort me clouera tranquillement sur place avant que je n’atteigne la première patte de mouche de cette nébuleuse d’alphabet de ce qui s’appelle écrire et dont je ne peux que rêver de loin avant d’y passer mais c’est ainsi que roulent les fameux dés qui carambolent pour m’assurer que si j’écrivais vraiment de ce qui s’appelle écrire il surviendrait des phénomènes dont nous n’avons pas le moindre commencement de début d’initiale d’idée et pourtant nous le savons comme je le sais d’ignorance vive et grave et pas de quoi se vanter nous le savons bien du plus lointain qu’il y aurait du sport du grabuge du kâli-yugâ pour un lâcher de mémoire sur les rives du grand fleuve avec du feu bleui d’iceberg et des symboles incontrôlés gravés dans les lichens tandis que le vertige du mot de passe sous les météores nous fouaillerait le cœur nous le savons bien qu’il se passerait sous cape des choses inouïes et que des éclaircies radieuses nous attendraient à la surface de l’encre noire de la tulipe qui nous tiendrait lieu d’ivresse et de partage et tout ceci ne serait encore qu’un battement de cils de l’ourlet du rideau de ce théâtre à ciel ouvert où se jouerait le prologue annonciateur de l’alphabet si longuement pressenti de ce qui s’appelle écrire et si je l’écrivais il n’y aurait rien de tout ceci ni de l’ourlet du rideau de prologue ni de l’encre noire de la tulipe ni des radieux lichens ni du passage du mot de passe ni de l’iceberg en feu ni des symboles ni du grand fleuve ni des lâchers de mémoire dans les combles à minuit puisqu’il n’y aurait à proprement parler plus d’heure si j’écrivais vraiment de ce qui s’appelle écrire sinon des grappes d’éternité encore et encore à guetter la première lettre comme on se prend à chuchoter pour

 

*

 

Longtemps que la joie. Longtemps.

 

Mais celui-là, y est-il ?

 

Que fait-il dès que j’ai trois minutes de feuille blanche ?

 

A part apparaître, que fait-il ?

 

Il surgit comme la grâce – mais est-ce bien la grâce ?

 

Avec fourrure – il n’en a pas.

 

Avec souffrance – il en a presque.

 

Dès que j’ai trois minutes de feuille blanche

 

Il monte il neige il envahit.

 

Déchirer la page n’y changerait rien.

 

Son visage serait de la prochaine.

 

Même recouvert de dizaines de lignes noires écrites à l’encre noire dans une rage d’effacement de l’intrus, de l’inadmissible intrus, de l’inadmissible intrus en pleine félicité d’on ne sait quelle transe,

 

Même absolument nié par l’hérésie des mots lui qui s’en passe et les dépasse,

 

Il persiste, il persiste.

 

Longtemps que la joie, semble-t-il dire en ne disant rien.

 

Longtemps que la joie.

 

Pour un peu, avec des mains,

 

Il signerait.

 

*

 

A la trappe mesdames messieurs on ferme

 

à la trappe les trappeurs d’astres

 

à la trappe les satrapes

 

à la trappe les ça-ne-s’attrape-qu’au-ciel

 

à la trappe-moi ça ou je pleure un tango

 

à la trappe les trappistes

 

à la trappe les millimétreurs de sensation

 

à la trappe les paillettes les tremblements les nerfs

 

à la trappe le spectacle ses environs ses tueurs

 

on verra s’il en reste des irréductibles

 

pour refuser encore la godille du big bang

 

à la trappe les têtes brûlées

 

les pistes les papistes les soupapes à la trappe

 

les flèches les anses les isthmes

 

les gongs les cloches les cataclysmes

 

– rien que fagots dans l’âtre

 

poivres d’ascèse en robe de givre

 

un feu pour s’y frotter les mains

 

*

 

A genoux mouchez-vous signez-vous.

 

Sortez toutes vos majuscules sur les trottoirs

 

Et puis criez bravo bravo bravo ?

 

Le p le pr le pré approche.

 

Bravo bravo bravo.

 

Le président ah kilébo

 

Le président de la courte échasse va

 

Passer.

 

Ah kilébo bravo bravo.

 

Le présichasse de la courte dent

 

Passe.

 

Bravo bravo ah kilébo.

 

Le dentichasse de la courte pré–

 

Zip kilétébo bravo bravo brav

 

O.

 

O-o – ho-au.

 

Au travail maintenant au

 

Travail.

 

Genoux mains jointes narine fière bravo bravo.

 

Au beau travail qui tue vous serez les meilleurs.

 

Bravo.

 

*

 

Travaillez+plus+.com :

 

Les plus

 

Performantes recettes de suicide en milieu salarié

 

Vous attendent.

 

Votre prochaine visite sera la bonne.

 

Sans hésiter gagnez devenez propriétaire.

 

Votre tombe ne s'ennuiera plus.

 

*

 

Le miracle.

 

Explorer sa misère, sa maladie, sa mort, son absence

 

De résurrection, et lui caresser la glotte

 

Avec des syllabes muettes.

 

Qu’il puisse se taire.

 

Qu’il aille où il veut.

 

Qu’il neige.

 

Qu’il se passe de signaux.

 

Qu’il ignore les témoins.

 

Qu’il soit libre, enfin.

 

Libre de ne pas croire, de ne pas se croire.

 

Sans reflet dans la glace,

 

Hors miracle,

 

Le miracle de mourir libre.

 

*

 

J’ai pratiqué des hérésies, pratiqué des croyances, pratiqué des distances, pratiqué des silences , pratiqué des pratiques. Heureux moments. Me voici sans pratique, sans silence, sans distance, sans croyance, sans hérésie, et pourtant le niveau des mers, les climats démâtés, , le Gulf Stream à l’envers, les continents changés d’adresse, la fin des temps, tous contre tous dans les ténèbres – avec d’invraisemblables obstinés du bonheur qui opteront pour une lumière intense et la découvriront.

 

*

 

Glisser

 

glisser en chute libre

 

hors les vents

 

sur un fil

 

il peut bien hululer l’oiseau aux yeux immenses

 

glisser

 

glisser sans mots de passe

 

sans royaume

 

sans exil

 

*

 

Glisse te dis-je il n’y a pas de main courante.

 

.

 

SERGE SAUTREAU

 

.

 

 

YAHNE

Oeuvre Yahne Le Toumelin

 

 

 

 

 

 

 


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