Sous les arcades de la bonté, à l’ombre des rêves tu t’assieds. La mélodie de ta voix nous protège dans les jardins de l’errance.
Confiante comme un zéphyr, tu es la main qui ramasses mon dénuement et ma richesse et les jettes dans les compassions de l’abîme, abîme du passé de l’âge, l’âge qui ; s’effaçant sans pourtant effacer, ouvre ses tiroirs et me lance de nouveau vers les lacs des nuées fécondant l’arbre de la solitude par le pollen du voyage.
De plus petit que toi, je n’ai connu que l’esprit et de plus fort je ne connaîtrai que la mort. Je chantais quand j’étais en quête de liberté; en toi j’ai connu le chant le plus proche, celui de l’instant ultime: le fond du cœur, lorsque l’émotion des adieux noue la gorge jusqu’à l’étouffement, et l’instant s’est uni à la sérénité en une union sans jeu aucun.
Sans jeu aucun et toi mon jouet. Comment alors l’espace ne se déchire-t-il pas par le poignard de la contradiction et comment l’univers ne s’enflamme-t-il pas par la folie de l’amour?
Dans tes yeux rieurs tu portes l’insouciance de l’innocence et la vieillesse de la mer, et quand je rencontre mon destin, la souplesse de ton corps me rend plus beau que mon destin. Quelle histoire qui n’en finit plus! Avant que je ne fusse déçu, je portais ma malédiction. Avant la découverte de la malédiction, j’étais une île insupportable, une île de transparence et d’extase. Après la déception, il ne resta rien. Semblable à la mort après la mort. Même les larmes avaient perdu la puissance de guérison, non pas qu’elles soient taries mais parce qu’elles sont devenues les pleurs d’un vaincu parmi des étrangers.
Et je n’ai plus sollicité personne.
Mais tu t’es arrêtée.
Tu t’es arrêté parce que tu es un amour rebelle et parce que tu es aussi cette complicité plus légère que l’amour et cette association qui dépasse de loin l’amour. Et quel est l’amour dont le parfum est le senteur de l’oubli plus que cet amour?
Au milieu des villes où le parler est au-dessous du niveau de la terre, je réalise maintenant, lucide entre deux soûleries, que je n’avais pas tort. Mes fautes étaient des fautes de conduite, dont quelque-unes étaient impardonnables. Mais je n’avais pas tort quand j’avais peint ce tableau où j’avais tout mis aux pieds d’une femme qui surgit maintenant, toujours et pour tous les siècles, des vagues de mon imagination. Je n’avais pas tort, car entre les vagues de l’imagination qui m’engloutissent et la taille des vagues de la réalité, il y a des coïncidences parfois heureuses, incroyables, et qui sont toutes l’existence.
Et ce sont les paroles de la séparation et en même temps le salut annonciateur du nouveau rivage. Et c’est grâce à toi, ô fille des deux vagues, que l’homme oublie que où qu’il regarde, il voit ce qu’il le pollue, et qu’il entend partout où qu’il écoute, des paroles plus stériles que le sable. Tes yeux ailés qui ravagent la tranquillité du cœur raniment l’espoir, à travers les tourments du délire, dans quelque chose qui mérite les souffrances.
Tu t’assieds à l’ombre des rêves sous les arcades de la bonté. La mélodie de ta voix nous protège dans les jardins de l’errance. Dorée comme le miel du matin tu aveugles le temps. Dorée comme la surprise de la fable, comme les braises des hauteurs, comme la couronne de la mariée, comme un miracle dans le péché. Dorée, le météore ralentit subitement sa chute pour te permettre de finir tes souhaits.
De plus petit que toi, je n’ai connu que l’esprit et de plus fort je ne connaîtrai que la mort. Délicieuse est cette répétition, fertile cette distance! Tu as fait halte auprès de ma solitude, car la nuit intrigue le soleil. Tu t’es arrêtée, car j’ai fait semblant de n’attendre plus personne.
Et demain tu deviendras cette aria, la plus belle de toutes, où l’oubli et son jumeau le souvenir se substitueront, se relaieront, s’entrelaceront, et chacun d’eux étouffera dans l’autre les feux de son enfer.
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OUNSI EL HAJJ
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