Long silence, nuits chevauchées, spirales dans la gorge. Râles, ruisseaux de sons précipités, sources d'échos entrecroisés, cataractes de murmures, chuchotements en taillis tressés, surgeons sussurant sous la langue, chuintements, et souque la voix courbe qui, dans la soute de sa mémoire, retrouve souffles souillés de soûlerie ancienne.
Râles de cymbale qui renâcle, cirse ou ciseaux de cette tessiture, tessons de soupirs naufragés, clapotis qui glissent contre les courtines du lit, rires épars striant l'ombre claustrale, plaintes tiédies puis diffractées sous les paupières closes dont le rêve s'égare dans quelque cyprière, et le navire des désirs cule, avant que craille l'oiseau de volupté.
Mots coulis, tisons délités, diorites expulsés des lèvres béantes, brandons de caresses quand s'éboule le plomb d'une mutité brutale, et le corps recherche sa voix, comme une plie remontant l'estuaire.
De nouveau râles, escaliers d'eau jusqu'au larynx, éclaboussures, aspersion lustrale, sourd la plainte puis le chant long, le chant lent de la voix femelle luxuriante enveloppe l'accouplement, en suit le rythme et les figures, s'exhale en oxygène, dans la chambre et le noir, torsade tumescente de "forte" restés suspendus.
Soufflerie souffreteuse ou solennelle du temps d'amour, soufrière de quelle attente, fièvre des staccato.
Silence rempart autour de la fortification du plaisir, et de sa digraphie.
Création chaque nuit. Or broché du silence.
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ASSIA DJEBAR
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