Entre les mouvements croisés des voix, celle qui ne ressemblait à personne et à qui on a dû donner un nom… à l'inconnue de Cochem ce poème à deux voix.
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Le regard est présent
immensément
passage infime
vers un infini troublant
dénudé
un lacis de pensées
alourdies engluées
une lecture prudente
de tant de jours sans appuis
un partage silencieux
et irrésistible.
Appel profond
humain
qui cherche écho
en nous, l'Étranger.
On reconnaît alors
en sa respiration
une espérance chargée de sève
une pointe acide de bourgeons.
On créerait
une lenteur nouvelle
une cascade de lait et de miel
de grandioses orgues
végétales
des rives d'eau vive
pour retenir – un temps -
dans la clarté
cet Autre qui n'est peut-être
que nous.
Songes aériens
ou brisés
naufrages peut-être
en mémoire mutilée,
d'autres ont vu avant d'être…
L'ange a laissé
le creux du secret
la marque de l'indicible.
Les yeux ont vu
avant de naître
et l'on s'épuise
dans l'ultime inachevé
dans la poursuite
d'un monde duel
noué de silence.
On s'épuise
dans l'inexprimé
et l'on s'étonne
de la marge maîtresse
où s'écrit
la précarité.
Dans l'imprécision
ou la tragique lucidité
l'âme guide les mots…
Rivière en crue
ou fleuve paisible ?
Inquiétantes
parfois
de silence,
naissent de longues spirales
aux creux déliés,
sans ombre
sinon celles posées
sur le papier.
Le jeu s'achève
dans la mémoire vive
dans le souffle de l'autre.
Tu as recueilli le souffle
tu l'as défriché.
S'échappent
l'acidité des brumes
les hanches rugueuses
des chênes
et ton regard,
chemin en suspens sans écho.
Tu as recueilli le souffle
tu l'as transporté.
Alourdi de ton audace
démuni
retiré de la lumière
dans l'échancrure infinie
tu as essayé le chant.
Tu as recueilli le souffle
tu l'as amplifié.
Dans ta gorge
glisse une coulée de mots
déposée par erreur
sur mes rives.
Je m'enlise
vers l'ombrageux
déjà sensible.
Tu as recueilli le souffle
alors que je sombre
ailleurs…
Rien ne s'établit
sans souffrance.
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AGNES SCHNELL
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