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Channel: EMMILA GITANA
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LA GUERRE

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Terriblement, tristement, violemment, la guerre s’invite dans notre histoire de siècle en siècle . « La guerre » ? Peut-on évoquer ce fléau identiquement de siècle en siècle ? Le doit-on ? Dans un regard moral, assurément oui. Mais d’un point de vu politique, c’est à dire avec l’exigence de combattre et vaincre ce fléau, je suis convaincu que non. Nous avons un chemin de pensée à reprendre, une recherche de sens à trouver pour l’efficacité de l’engagement pacifiste.

Tout bouge, tout change, tout influe, venant ainsi jeter un voile de complexité qui paralyse l’engagement citoyen. Cet engagement qui est seul capable de permettre d’échapper à l’abîme collectif  se dessinant sur notre horizon. Aujourd’hui s’étend l’état de guerre comme des métastases destinées à la fatalité. Notre pays, avec notre Président chaussé de ses nouvelles lunettes, s’enfonce dans la gloire de sa nouvelle guerre annuelle contre les forces du mal. L’Histoire avance, comme une fatalité déroulée. Que faire lorsque tout bouge en tout sens ?

Qu’est-ce qui bouge ? L’armement, la façon de faire la guerre, les idéologies ouvrant à l’affrontement… ? Tous ces ressorts sont inhérents à la loi de la guerre. Ce sont les ressorts de chaque déflagration et de chaque époque dont les « progrès » ne sont que des capacités techniques destructrices plus raffinées et gigantesques, des suprématies de savoirs guerriers et de technologies invariablement contestées par les perdants qui tôt ou tard inventent des parades, des idéologies nouvelles ouvrant à l’acceptation de la guerre qui abandonnent les mots usés pour en adopter de plus modernes (« démocratie » prend la place de « civilisation », et Dieu trouve toujours àêtre invoqué au goût du jour). Ce n’est pas sur ces points que la guerre prend sens. Simplement, sur ces dimensions s’affiche l’ampleur de la capacité destructrice qui s’avance. Nous sommes capables de détruire beaucoup mieux et nous pouvons encore mieux faire.

Pendant de longs, très longs siècles, l’homme invoquait Dieu pour trouver la paix. Ni l’appel à sa puissance, ni le sens moral qu’Il était censé induire en l’homme n’ont eu beaucoup d’efficience. Indiquer ce constat n’est pas faire injure aux croyants ni même mépriser une aspiration au respect de la vie qui a pu marginalement limiter les souffrances. L’invocation du Ciel n’ayant pas répondu aux attentes il a bien fallut trouver d’autres voies.

Puisque, le cœur déchiré, l’humanité parvenait au constat que « l’homme n’est qu’un loup pour l’homme », alors les esprits les plus éveillés ont entrepris d’instituer l’interdiction de l’usage de la violence. « Instituer », fabriquer de l’institution pour œuvrer à l’humain. Créer à partir de l’idée un objet virtuel capable d’action concrète par la seule conviction humaine. Une Révolution. Un nouveau regard sur la guerre en est né, remis à main humaine éclairée, civilisée. Une justice haute mais qui ne vient pas de Dieu. Main d’un monarque désigné par le peuple pour Hobbes, main du droit et de la Loi pour Kant. La force pour interdire la force, la légitimité de la justice qui doit s’opposer à la sauvagerie avec l’assentiment des peuples renonçant à leur liberté de violence. Quelque chose, à la lenteur du temps, était né et s’imposait aux consciences.  Une voie pour faire front à la tentation de la guerre faisait son chemin. De « Concert des Nations » en SDN, puis en ONU, c’est à dire d’échecs en échecs, s’élaboraient des réponses se voulant toujours plus adaptées et efficaces. Aujourd’hui, c’est la panne.

Nous vivons pire que la panne. Nous vivons le retour en arrière, le retour à la banalité de la loi de la force. Retour réjouis pour les uns ravis de pouvoir jouer de leurs biscotos d’acier, de technologie et de ruse. Retour plaintif pour les autres déplorant l’état de guerre en ne l’attribuant qu’aux seuls ressorts du fatal appétit des exploiteurs capitalistes.

Notre Jaurès, après grand-père Marx, avait identifié une source terriblement dévastatrice pour la paix : le capital. Le capital avait besoin de la guerre, absolument besoin de la guerre. Celui-ci doit garantir son rendement, affronter sa fatale tendance à la baisse de son taux de profit. Assurer des rendements prestigieux à des capitaux toujours grandissants impose l’extension infinie de la mise en marchandise de tout, partout. Les destructions momentanées de capital, de vies humaines, de relations internationales ne représentent guère plus que ce que nous nommerions dans le jargon d’aujourd’hui de simples « dégâts collatéraux ». L’espérance de paix se mariait donc à l’attente des temps nouveaux libérés du capitalisme. Du temps de notre cher Jaurès la « sociale »était pour bientôt. Dans le coût intermède, inutile de focaliser les intelligences sur les conditions de l’émergence de la paix, du « traité de paix universel »

La « sociale » n’est pas venue, les guerres sont revenues, plus étendues d‘année en année. Ah, prédire l’avenir est un exercice bien difficile ! Surtout s’il est attendu des certitudes.

Mais en sommes nous aux mêmes guerres que celles du 20e siècle ?

Pour moi, notre monde est entré dans une nouvelle phase. « La guerre » y revêt à présent 2 sens distincts. Deux profondément différents dont le second porte sa part de destruction de notre monde. Je n’évoque pas, parce que marginales, certaines explosions localisées qui peuvent se manifester d‘autant plus aisément que les institutions de régulation sont à plat. Ces conflits ne sont que vestiges d’ancestrales relations de voisinage et bien souvent utilisées / absorbées par les dynamiques bien plus actuelles. Même pour guerroyer comme au Moyen âge il faut aujourd’hui des armements coûteux qui soumettent à des regards plus larges.

Alors, quelles guerres du 21e siècle ?

En premier lieu, il y a les guerres prophétisées par le roman « 1984 », supranationales. Elles répondent bien à la soif d’espace de développement pour le capital en mal vital d’extension. Elles sont aujourd’hui généralement initiées par l’occident, USA en tête, mettant à profit une supériorité militaire momentanée. Irak, Libye, Ukraine… répondent à ces visées. Comme au 19e siècle européen, des espaces économiques s’affrontent visant àétendre leur zone de domination. Simplement  la dimension n’est plus la nation mais l’espace de marché intégré. La zone occidentale est en confrontation avec l’espace en constitution autour des « BRICS ». Les guerres qui s‘en suivent, du moins dans leur première phase, peuvent être humainement ravageuses mais ne représentent « que » la « normalité» de notre monde. Tout est sensé s’achever par des négociation entérinant le rapport de force obtenu sur le terrain. Dommage pour les morts mais la vie de profit reprend ses droits.

« Normalité» ? Pas exactement. Ou alors normalité sous jacente jusqu’ici et contrariée par la conviction trouvant son origine dans l’espoir de fin des guerres : la Justice. Nous vivons un basculement où même l’idée que nos sociétés modernes se font de la Loi, de la Justice se trouve bouleversée. Pour les initiateurs, merveilleux utopistes créatifs, le champ de justice devait faire pousser le juste, l’équitable, la réponse raisonnable fruit de l’intérêt commun. Certes ce qui passe d’une idée pour se concrétiser ne peut qu’être confronté aux dures réalités. Ce qui naît de l’idée créatrice ne peut qu’être infléchi par l’idée dominante, de la classe dominante. Mais l’idée de bonne justice représentait une force tangible dont bien des faibles ont pu se parer face à des puissants. Le Droit du travail, par exemple… si menacé.

Aujourd’hui, la justice tend à se marchander, se négocier, que ce soit à l’échelle internationale ou nationale (les USA étant en pointe pour le national et Israel championne sur la scène internationale). C’est le retour à la loi de la force. Les Tribunaux (pas uniquement internationaux) ne sont plus quête de justice (même bien imparfaite, même de classe) mais champs de bataille pour les armes juridiques. Ici aussi le plus fort y gagne, le juste étant secondaire. (l’affaire DSK (coupable ou non) est à cet égard éloquente, cette justice par la négociation instaure un droit de viol pour le riche. Sur le plan international, c’est l‘absence de suite au rapport Goldstone qui est lourd de signification).

Ce retour à la folle loi de la force, en une ère de puissance technologique immensément destructrice, infère un chambardement aux ferments de la guerre. Si de grandes puissances peuvent fourbir leurs armes de ruses, d’alliances, de stratagèmes pour s’affronter dans un jeu sanglant qui trouve son équilibre périodique, des peuples en sont exclus pas même à la hauteur de 5e roue de carrosse. Alors tout regard de légitimité de l‘organisation mondiale s‘effondre. Alors la cohérence des idées constitutives de ce monde, favorables ou oppressives, s‘effondre. Tout s’effondre. Totalement. Voilà la situation que connaît aujourd’hui la Somalie, la Libye, une part de l’Irak, du Congo, du Nigeria. Et d’autres sont appelés à se joindre à cette terrible liste.

Ces guerres là n’entrent plus dans l’affrontement des puissances, dans l’enjeu des possessions de marchés. Elles n’apportent plus rien de nouvellement marchandisable puisque même les armes sont payées d‘expédients et de rapines, de piratages et d‘otages.  Ces guerres là ne sont pas porteuses d’absorption de l’accroissement nécessaire de la marge de rentabilité. Ces effondrements là, tout comme l’appauvrissement populaire, portent l’asphyxie et donc la fin de cette organisation de notre monde. Ces guerres constituent le second axe de notre réalité du 21e siècle. L’axe le plus annonciateurs de l’abîme.

Notre organisation économique engendre ces désastres, mais nous ne pouvons plus nous satisfaire de rager contre ce « système économique«. Nous ne pouvons renvoyer notre sauvegarde à son changement. Il était évident pour nos grands parents que cette révolution annoncée, chantée, n‘allait pas tarder avec à la clé d’immédiats jours heureux . Mais pour nous ? Savons nous seulement dessiner notre rêve ? Et s’affronter à dessiner un monde futur sans guerre n’est-il pas un  morceau de ce rêve ? Un monde sans guerre, comme s’y sont coltiné ces hommes et ces femmes aux sortir de la guerre mondiale, ces Stéphane Hessel pour faire naître une ONU à la promesse certes non tenue, ou mal tenue car dévoyée, mais à la promesse demeurant si actuelle. Ce sont ceux qui l’ont dévoyé qui veulent nous détourner de ce dessein.

Nous avons une promesse à réécrire. Nous avons un sens à retrouver.

Et nous avons un immédiat qui appelle réponse. Un immédiat sanglant avec son chant de guerre.  Laisser faire, ce n’est pas notre guerre ?

SI ! C’est « notre » guerre ! Parce que d’immenses souffrances sont propagées. Parce que d’immenses oppressions sont engagées. Parce que d’immense dénis d’humanité sont diffusés. Parce que l’humain est nié. Alors c’est notre guerre, mais pas comme ceux qui mènent ces guerres.

Nous ne pouvons nous taire et laisser faire. Nous ne pouvons pas plus être complices de ceux qui nourrissent les conditions de cette désagrégation. Alors pour faire, pour agir, il nous faut retrouver le sens à la guerre. Il nous faut la comprendre, l‘expliquer, la combattre politiquement. Le retour à la refondation du droit international, à son exercice transparent et rassurant doit être notre préalable à tout geste armé défensif et très provisoire.

Il y a urgence ? Sans nul doute ! Les atrocités sont de chaque jour, mais comment oublier que ces atrocités sont l’enchaînement d’interventions militaires issues de nos pays puissants ?  Comment oublier que chaque fois ces interventions nous étaient vendues à fins humanitaires, pour sauver des vies (25 000 en Libye, où en est ce malheureux pays ? Et les autres ?)  Notre monde fabrique ses guerres, fusse involontairement. Alors à quoi bon lancer de nouvelles bombes ?  Elles tueront pour apaiser nos consciences et nourriront les fureurs de demain. Il n’est d’autre arme que la justice et le droit. Nous avons à nous en emparer pour libérer cette justice et ce droit.

Nous avons à faire de notre monde autre chose qu’un champ de bataille et d’affrontement.

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SERGE GROSSVAK

Le citoyen sans dents
Dueil la Barre, le 22 septembre 2014

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stefano rosa4,

Oeuvre Stefano Rosa


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