Quel bruit étrange glissait le long de la rampe d'escalier au bas de laquelle rêvait la pomme transparente.
Les Vergers étaient clos et le sphinx bien loin de là s'étirait dans le sable craquant de chaleur dans la nuit de tissu fragile.
Ce bruit devait-il durer jusqu'à l'éveil des locataires ou s'évader dans l'ombre du crépuscule matinal? Le bruit persistait. Le sphinx aux aguets l'entendait depuis des siècles et désirait l'éprouver. Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir la silhouette souple du sphinx dans les ténèbres de l'escalier. Le fauve égratignait de ses griffes les marches encaustiquées. Les sonnettes devant chaque porte marquaient de lueurs la cage de l'ascenseur et le bruit persistant sentant venir celui qu'il attendait depuis des millions de ténèbres s'attacha à la crinière et brusquement l'ombre pâlit.
C'est le poème du matin qui commence tandis que dans son lit tiède avec des cheveux dénoués rabattus sur le visage et les draps plus froissés que ses paupières la vagabonde attend l'instant où s'ouvrira sur un paysage de résine et d'agate sa porte close encore aux flots du ciel et de la nuit.
C'est le poème du jour où le sphinx se couche dans le lit de la vagabonde et malgré le bruit persistant lui jure un éternel amour digne de foi.
C'est le poème du jour qui commence dans la fumée odorante du chocolat et le monotone tac tac du cireur qui s'étonne de voir sur les marches de l'escalier les traces des griffes du voyageur de la nuit
C'est le poème du jour qui commence avec des étincelles d'allumettes au grand effroi des pyramides surprises et tristes de ne plus voir leur majestueux compagnon couchéà leurs pieds.
Mais le bruit quel était-il? Dites-le tandis que le poème du jour commence tandis que la vagabonde et le sphinx bien-aimé rêvent aux bouleversements de paysages.
Ce n'était pas le bruit de la pendule ni celui des pas ni celui du moulin à café. Le bruit quel était-il? Quel était-il?
L'escalier s'enfoncera-t-il toujours plus avant? Montera- t-il toujours plus haut?
Rêvons acceptons de rêver c'est le poème du jour qui commence.
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ROBERT DESNOS
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Photographie Romain Barré