Quand je marche et pleure dans la rue Gît-le-Coeur je regarde
Les hirondelles en fleur celles qui s'arrêtent quand
Le ciel prend son temps avec les roses J'arrive matin d'or
Du boulevard Saint-Michel ou soir sang de la rue Saint-André
Des-Arts Je marche dans la rue Gît-le-Coeur pour son nom
J'ai des rivages vagues dans les yeux Gît-le-Coeur quand
J'invente que je vais y retrouver une femme sans odeur
Dont je n'ai pas touché le verso de la peau ni les pleurs
Et je cours comme un sucre affolé sous la pluie avec
Ma pelote de chagrin car je ne sais si je vais froisser ses pas
Je glisse et silence rue Gît-le-Coeur quand les matins sont
Des tempêtes qui marchent et je vois parfois venir la Seine
Une robe sublime une robe rouge comme un chat
Mais les murs cherchent l'oubli tout près du Beat Hotel
Où Ginsberg et Burroughs écrivaient à leurs arbres
La vie ne se joue pas rue Gît-le-Coeur mais où donc se joue
Celle pourtant là près de l'Hôtel de Luynes qui fût l'Hôtel d'O
Ils sont deux qui se serrent comme sur le quai noir d'une gare
Et se disent : ta voix je la bois c'est une couleur liquide tu vois
Oh j'aime tant la soie des choses douces qu'on se dit le soir
Il n'y a presque rien à voir rue Gît-le-Coeur le soir et je l'aime
Jusqu'à la pluie sur ses trottoirs sales comme des monstres
Et même si des oiseaux s'y battent pour du vent j'aime que
La rue Gît-le-Coeur soit belle comme une robe qui tombe
Car de la Seine aux Arts là le monde m'emporte
.
ALAIN DUAULT
" Les sept prénoms du vent "
.