"La maison est tantôt le coffre de nos souvenirs, tantôt un état d’âme. Cela veut dire que, même avant de devenir figure onirique ou lieu imaginé de notre passé-futur, la maison abrite et rend possible le processus de la mémoire. Et, parce qu’elle révèle une intimité, soit aux éléments extérieurs, soit aux détails intérieurs, elle fait toujours figure de présent. Renfermant un univers personnel et familier, pourtant, en même temps, exhibant des mécanismes d’ouverture, la maison trace une ligne entre le soi et les autres, entre le groupe et le pluriel. Avec ses murs, ses fenêtres et ses portes, la maison permet le dialogue. La porte, par exemple, s’ouvre à l’ami bienvenu et se resserre face à l’ennemi, ce qui fait de la maison la place de l’hospitalité aussi bien que de l’hostilité. Enfin, elle comporte le seuil, marque distinctive de l’ensemble sémantique de la maison, parce qu’il est le corridor que l’on traverse aussi bien pour entrer que pour sortir. Toujours début et fin, le seuil surpasse la face de Janus en obligeant la confrontation des
deux faces, comme si l’identité ne pouvait rien voir sans l’altérité. C’est notre objectif d’éclairer le rôle que la maison accomplit comme grande mémoire de nos souvenirs, devant laquelle le seuil signale une ambiguïté pas toujours pacifique, soit du point de vue du sujet qui habite, soit du point de vue de celui qui frappe à la porte: l’hôte, l’intrus, l’étranger. "
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GASTON BACHELARD
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Oeuvre Henri Lebasque