Quand la musique de mes yeux se sera tue
quand mon Ombre descellera le jour de pierre
quand mes mains ne feront plus obstacle aux nuées
quand mon oreille aura son lit parmi les astres
quand les cieux oubliés ma bouche ensableront
Alors l'amère lassitude du néant
ayant quitté ce corps qu'elle avait fait pesant
et Un jusqu'à l'inanition, après des âges
d'usure contre dieu absent et de désir
de froids et résistants mouvements vers l'absurde
centre vertigineux de la douleur ignée,
ce corps qui gravitait satellite des morts
dans l'orbe rigoureux tracé en pure gloire
par Rien, et qui jamais ne fut écrit en rien
Alors la lassitude illustre d'être un moi
— appareil de somptuaire ennui et de limites
mécanisant de l'œil et du geste le Ciel —
s'évanouira dans l'aube tendre de son vide
qui l'enveloppe et la pénètre et la soutient.
Car tout est vu de l'intérieur par son absence
tout prend en se niant sa forme la plus nue
qui seule comprend dieu. Ce monde que je fus
avare, sans un vent de fraîcheur, sans un arbre
ce poids en dieu de la détresse de mes morts
jamais il n'inclina vers lui les douces larmes
jamais il ne défigura le front du ciel
Jamais : Ô nom terriblement muet du monde
que je fus qui ne fut jamais car Je est mort.
Mais que reprenne la musique d'autres yeux
qu'une autre Ombre voilée de jour mûrisse l'aube
que d'autres mains jouent de la laine des nuées
qu'une autre ouïe s'éveille au chant de nouveaux astres
que d'autres lèvres soient humectées de cieux marins
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PIERRE EMMANUEL
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