Il existe un pays semblable à ma mémoire
Où l'approche d'un pas fait un doux bruit de clefs
On se sent le besoin de poser les genoux
Et d'aller à genoux vers cette forme humaine
Qui respire et qui bat sans qu'on sache comment
-Car saura t-on jamais quelle main voyageuse
Fait chanter tristement le coeur hanté du bois
Afin que cette nuit un homme se demande
La raison de ce chant qui monte jusqu'à lui.
Aussitôt que j'entends s'épouvanter ton aile
Lourde porte du temps qui m'aura vu passer
Alors que jeune encor je croyais en des routes
Douces à la fatigue épaisse du marcheur
C'est un peu comme si un vent des hautes sphères
Écornait le front blanc du monde et me lançait
Pomme de pin rongée par des dents de colère
Sur l'océan où nul vaisseau ne hanterait.
Rien de moi n'est plus moi ni mes genoux dans l'herbe
Ni cette obscure main qui cherche à dérober
Un vil morceau de plomb au sommeil de la terre
Ni ce coeur de vingt ans dont les bords sont brisés
Je marche loin de moi sur des routes sans nombre
Une porte d'azur ouverte à mes côtés.
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RENE-GUY CADOU
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Oeuvre Claude Monet