Vos visages désenchantés émaciés
mais si fiers
vos regards insistants
vos têtes penchées
yeux fermés dans vos mains
montrent vos traits accablés
vos silences perçants
les gerçures de la souffrance
l’ensemble des arbustes et sarments grimpants
de jasmin
que l’on a arrachés partout de vos corps
de vos esprits
et jetés à brûler jusqu’au dernier
dans le feu le plus lent des caves des prisons
et qui n’en finit plus de se consumer
le livre est ouvert sur vos visages
à la page de la torture
même le vent le plus incisif
n’arrive pas à la tourner
vos visages me retiennent
m’interrogent
ils se sont arrêtés de vivre
au moment du clic déclencheur
de l’appareil-photo
ils naîtront de nouveau et resplendiront
des fleurs de jasmin de la Tunisie
une fois que leurs geôliers
auront défilé au banc des accusés
et auront été confiés aux prisons de l’État
ensuite le sceau de la torture
se décèlera de vos chairs
ouvrant les portes des cellules de la parole
qui courra libre à travers champs
les bras ballants le long de vos silhouettes
les gestes que vos mains n’ont plus portés
depuis longtemps
se tendront et prendront d’autres mains
pour danser
pour semer du jasmin
partout où il aura été arraché
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© MARIE CHOLETTE
Québec – Le 12 octobre 2014
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