L'histoire se situe vers la fin du XVIIe siècle et met en scène une fée et un homme nommé Poli d'Olmiccia. Ce dernier était propriétaire du domaine de Tulono le long duquel coulait la rivière du Rizzanèse. Un jour qu'il se promenait sur ses berges. Poli s'arrêta stupéfait : au bord du trou d'eau qu'on appela par la suite Lava di a Fata (Lac de la Fée) ou encore Tufone di a Fata (Trou de la Fée), il surprit une fée en train de faire sa toilette. Selon une autre version, la fée avait profité de la belle journée pour faire sa lessive qu'elle était en train d'étendre sur une pierre. Ce jour-là, Poli n'intervint pas de crainte que la jeune femme découverte ne disparût à jamais. Mais il revint le lendemain et les jours suivants, observant cette belle dame qui, inconsciente du danger qui la menaçait, vaquait à ses occupations avant de disparaître, telle une couleuvre, dans le creux situé dans un banc rocheux de la berge droite du Rizzanèse.
Poli finit par tomber amoureux de celle à qui, chaque matin, il venait secrètement rendre visite. Et vint le jour où germa en lui l'idée de la capturer afin de persuader la belle de partager sa vie. Donc, un jour que celle-ci était tout absorbée à démêler son abondante chevelure, Poli jeta promptement un filet sur la rivière et ramena sans difficulté sa belle captive. Prise au piège, la fée écouta Poli qui, lui déclarant avec flamme son amour, lui demanda de bien vouloir l'épouser. Celle-ci en fut émue et accepta les propositions de Poli, mais à une seule condition : que jamais Poli ne cherchât, au cours de leur vie conjugale, à savoir comment elle mangeait et buvait.
Selon une autre version, elle demanda à Poli de ne jamais tenter d'apercevoir son épaule nue. Poli accepta cette condition et épousa l'élue de son cœur. Il n'y avait pas d'épouse plus admirable à Olmiccia. Celle-ci donna le jour à trois filles et trois beaux garçons qui firent le bonheur de Poli. Mais chaque jour, elle se retirait peu après dans sa chambre en emportant les restes. Nul ne savait comment elle les absorbait ni comment elle buvait. C'était là la condition du bonheur de Poli et pendant des années, il sut résister à la tentation d'en savoir davantage.
Mais un beau jour, hélas, la curiosité l'emporta... et après avoir soupé, Poli se dirigea
vers la chambre où, enfermée avec les restes du repas, la fée était secrètement en train de se sustenter. Il colla donc son œil au trou de la serrure et vit, oh ! surprise, sa femme introduire ses aliments dans une ouverture située dans son dos, ouverture dont Poli n'avait jusque-là jamais soupçonné l'existence. Mais Poli, en satisfaisant sa curiosité, venait de rompre sa promesse, ce qui allait être lourd de conséquences...
« Hélas, s'écria soudain son épouse, la fée, surprise en son secret, tu viens de faire notre malheur! » Le regard indiscret de Poli, brisant le contrat qui le liait à sa femme, détruisit du même coup leur bonheur. Ils partagèrent leurs six enfants : Poli choisit les garçons et la fée disparut avec ses trois filles. Au moment de partir, sur le seuil de la maison, la fée prédit à Poli que dès lors et jusqu'à la septième génération, la famille Poli ne compterait parmi les siens pas plus de trois héritiers mâles. Prédiction dont les mots restèrent gravés dans la mémoire des Poli « Fino alla settesima generazione, la stirpe dei Poli più di tre barbe mai generar non potrà ! » L'avenir prouva que la fée ne s'était pas trompée...
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