Dans l'épaisse chaleur
Des petites cuisines
Qu'un pauvre lustre à fleur
Chaque jour illumine
D'un éclat tamisé
Echaudant les paupières
Pour parfois nous griser
D'une étrange manière;
Entre un panier de fruits
Issu des poteries,
Les champêtres récits
De la tapisserie
Nous parlant de gibiers
De chasseurs et de crosses
La fenêtre et l'évier
Où on lavait les gosses;
Aux tomettes en sang
Sous les plis de l'éponge
Et sur les bords cassants
D'une table à rallonge,
A deux pas du frigo
Et de la gazinière
Se faisait tout de go
Le repas des grand-mères.
C'est là que revenant
De leur sortie marchande,
Les mémés cuisinant
" Pour qu'on soit fort " la viande,
Se mettaient à brandir
L'huil' de foie de morue
Tant de nous voir grandir
Elles étaient férues
C'est là qu'en subissant
Un interrogatoire
Sur les aboutissants
D'une quelconque histoire,
On pouvait rencontrer
A leur féminin dogme
De la difficulté
A devenir un homme,
Et la peur d'être homo
Au devant des pupilles
enjouées des nanos
Qui nous parlaient de filles
De la femme qu'un jour
On choisirait pour mère
Pour que dure toujours
Le repas des grand-mères
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SIMON DEMURU-ANTONA
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Oeuvre Edouard Vuillard