Une bourrasque féroce s'abat sur les moissons
les hurlements claquent les champs
une buée cahoteuse aveugle les frusques du désert
la poussière des sables danse avec les pas du vent
les présences mémorielles s'affolent entre les mains du sirocco
l'amoncellement des nuits orphelines s'effondre en sanglots
une goutte de sang prémonitoire sombre dans une marche blanche
la folle guerre s'empare des frontières
un fantôme rôdeur pénètre la ville tranquille
se jette sur les gardiennes du sol
les muses silencieuses offrant la sagesse à l’intrus
partent sans défense au-delà des mers en colère
pleurent une lumière enceinte sur les genoux du périple
laissant derrière elle l'écorce de l'arbre-ancêtre
d'où qu'elle vienne la négritude de l'âge éternel absorbe
pour qu'un jour la racine qui naît du ventre de l'Afrique
reconnaisse le bourgeon qui fleurit des peaux exilées
le sourcier interroge les langues ancestrales
des murs endeuillés par le néant
des squelettes encore endormis par l’assommoir des siècles
les consciences témoins du supplice
vagabondent au seuil de la mémoire prisonnière de sécheresse
pour que l'éveil de l'âme s'adonne à l'univers
l'odeur du pourpre qui émane de l'occupant
envenimé par l'incontournable histoire du visage
afin que les Afriques s'émerveillent de leurs entrailles
nous vous reconnaissons chères statues de nos miséricordes
nous vous chantons parce que vous manquez à nos chairs
nous avons tété le lait de nos bois et bu notre transe
nous à la croisée des confins hantons les chemins
nous traversons les ronces à travers les lueurs du continent fiévreux
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KAMEL YAHIAOUI
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