L’enfance, les herbes, le lac
le jadis du monde
je pense comme le granit
Des temps immémoriaux
bien des fantômes reviennent
dans la forteresse des mots
Des lieux, des gens s’entrecroisent
la nuit, le temps
les oliviers et les oiseaux
le temps semble fait de lumière
pas d’obscur sur les places
il fait beau.
Des tziganes cheminent
Et jouent le long de la rivière
L’air entraine la danse
il y a dans l’air des prières païennes
des appels magiques et des pans silencieux d’histoire
des prairies entrevues remplies de mémoire
des vallées forgées de mots et de combats
des victimes étrangères, des rivières tapies
au creux des rochers. Vérité et cendres des rêves
il vit encore le vent
il vit toujours le souffle
et les oiseaux parlent aux nuages
il fait beau. Nous allons sous l’aile fraternelle
écrasés sous un poids d’histoire
nous nous souvenons des ruines et des massacres.
Nous songeons à la vie, l’éphémère fin du temps
Nous allons en passage discret nous recueillir
A la rencontre des tziganes et des marchands ambulants
Qui côtoya ici l’horreur et l’inhumanité ?
Qui eut froid et faim ?
Qui commença àécrire un poème pour dire l’inoubliable ?
Qui survécut et vit libre malgré les balafres de la guerre ?
Le temps, sarment intérieur brûle
Sans nostalgie, savoir partir.
Voilà les arbres plus humains qui bordent la route
Un éclat de lune les couvre
Dans la brume des survivants appellent
Je suis là, je suis là dans le feu
Et la neige descend de la montagne
Glace des mots sur la route tournoyante
Sur la route, une énigme, la clartéélémentaire du givre
Et la mémoire remonte de l’obscurité des arbres
Un appel des chemins de glaise, des passages de frontières
Quand les douaniers apposent leur sceau sur la tempe du passeport
Nous sommes étrangers et sombrons avec le monde
Nous portons chacun un amour à sauver
Notre errance des marches, nos visions prophétiques
Nous titubons dans le chaos du monde
Cherchons le soufre et l’eau
Au crépuscule, nous trouvons la lumière
Nous arpentons l’or du couchant
Nous adossons notre vie aux clôtures
La nuit descend de la montagne enroulée de neige
la vie descend entre les songes d’oiseaux
Comme revenants du vent.
Taciturne est le vol des oiseaux, avance en brûlant le temps
errance à la lisière des humains, et des forêts
où murmure encore le sang des bouleaux
et se cognent aux plaines, le fleuve, aux pierres, la lune,
la neige au vent, les images aux mots, abrupts, rugueux,
surtout la nuit, des pleurs sans larmes
les murs n’ont plus cours, reste cette élégie de tristesse
un éclair plus fort dans la douleur de l’étreinte.
et le bonheur qu’un effleurement de tendresse aurait sauvé.
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NICOLE BARRIERE
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Photographie Jeannette Grégori
www.jeannettegregori.com