Il y a dans les incertitudes électorales passées et à venir des traces évidentes de nervosité, un désir d’autre chose contrarié… un sentiment de tant d’impasses. Nos idées ne sont pas incarnées, ou mal, ou par des leaders que l’on ne veut pas voir ne serait-ce que deux secondes à la tête du pays, alors on vote comme aurait pu le chanter Stromae, on vote résigné, on vote machin pour éviter bidule, Paul pour déshabiller Jacques, on espère peser, pulvériser les plans prévus, on détricote les combines, les plans des officines, on flaire la mauvaise colle derrière le courage affiché, la droite qui se cache derrière la gauche, l’autorité derrière l’insoumission, alors on vote. On se croit malin mais on sait bien… Nous ressemblons en fait à ces familles dont un lourd secret plombe chaque réunion, qui s’engueulent et se brouillent pour des détails lors même que l’essentiel les ronge ; il pèse sur les silences et fait hurler les couverts dans la faïence, ça additionne les cancers, muré dans d’impossibles aveux. Il manque un Festen à la France. Notre lourd secret est notre conscience écologique. Nous savons tous que notre monde ne peut pas continuer comme ça, nous connaissons les grandes lignes des véritables enjeux environnementaux ; nous savons que la démographie pèse chaque seconde plus lourdement sur nos destinées ; nous savons que nous devons changer radicalement et le plus vite possible notre façon de consommer, de se déplacer et de travailler. Que l’on soit de droite ou de gauche, aux extrêmes ou au centre, la conscience d’un bouleversement climatique inquiétant est en nous. Nous savons que nous ne pouvons pas vivre derrière des barbelés en raclant les fonds de tiroirs d’une planète exsangue devant les trois quarts de l’humanité tenus à distance par des murs, du barbelé et des mitrailleuses… On le sait, mais si on additionne les intentions de vote des trois principaux leaders, Le Pen, Macron, Fillon, dont l’écologie est quasiment absente des programmes, on arrive à 65 % des voix.
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PHILIPPE TORRETON
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