Au bout de mes doigts je détiens
ces blancs oiseaux cunéiformes
mon souffle mon amour mon désir voyageur
ces oiseaux effilant le loin
fortuits & brefs dans l'incessant
combat du feu & de la mer
ces moments d'ailes donnant ciel
à mes mots
insoucieux de moi
lointains déjà
comme les vagues & le vent
& miens oh rythmiquement miens
Dans la cendre & le sable
à ce delta du temps
Alasia Samara
appelant de leur nuit
la source
que nous serons peut-être
Creusant ameublissant le sens
trembler de ne sauver
l'insignifiant
Arracher à leur mort
lacunaire
hommes & dieux leurs noms
érodés
Rallumer ce soleil
oxydé qu'ils déclineront
dévastant de désert en désert
toutes les nostalgies
sur des chemins inusités
qui ne sauront que partir
O bateliers du Siyannu
vous marins mangeurs d'Infini
rapportez-nous l'abécédaire
de tous les peuples de la mer
Ensevelie sous quelques lettres
le visage l'âme lissée
par une Phénicie de songe
elle vient d'un silence
de quatre millénaires
juste à temps pour sauver
ce moineau tombé dans décembre
O vaisseaux O jardins
Soir où s'abattent les oiseaux
Flou d'élégie sur le bassin
Le même insecte tarde
à mourir sa mort circulaire
Site d'étoiles de beauté
Ici l'été s'exalte
Le poème sent battre
ses sèves jugulaires
.
RAYMOND FARINA
Extrait de Archives du sable, Ugaritica,
Editions Rougerie, 1982
.
Oeuvre Charles Gleyre