L’automne trempe ses prés dans le rêve
et les flammes du paysage se lèvent devant nous
à mi-chemin entre les touffes de ronces, les cailloux,
les puissances de la solitude
du côté des pommiers en retard sur la noce
pressée d’en finir
avec cette journée qui remue sous l’empois
une journée de grand vent
nue et sèche au milieu des prairies et des fièvres
quand passent dans la campagne une haleine de bataille
une lumière d’orage qui met tout à l’envers
le cœur de la mariée sous le voile couvert de baisers
les tristes lessives de la semaine
l’équilibre des voix sur les routes de la mer
et sous la blouse du marchand ambulant
au fond de sa carriole verte
dans l’odeur des pommes et des foins
la photographie pâlie d’un enfant qui ne vient pas bien
la tête pleine de géants, de sommeil
pendant qu’un grain venu sur le chemin des écoliers
emporte sur un petit nuage de sang
le char à bancs, les tables du verger et les musiciens en redingote. »
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ALBERT AYGUESPARSE
« La rosée sur les mains » 1938
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