Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l'avenir
PAUL ELUARD
.
Beau monde des masures
De la nuit et des champs
Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups
Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d'exemple
La mort coeur renversé
Ils vous ont fait payer la pain
Le ciel la terre l'eau le sommeil
Et la misère
De votre vie
Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l'aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s'accablaient de politesses
Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde
Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs
Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent
Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang
La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile
Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché
Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l'avenir
Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.
.
.
.
PAUL ELUARD
.
.
.