Jouissance,
en étroit contact
l'argile fraîche et ma peau.
Chemins ouverts
sources bavardes
résineux et térébinthes
désordre d'herbes,
c'était jouissance...
Un stylet
a pris place en mon âme.
Maintenant sans mâture
tout a goût de cendres
tout m'est étranger
indifférent.
Jambes fantômes
usées par trop d'errance
jambes griffées
ensanglantées...
Mémoire d'un autre sang
d'une hémorragie primitive
plaie épaisse ouverte
lochies lambeaux d'images
qui s'égarent et que je perds
lentement.
Mémoire d'un cri de délivrance
et de cet autre
plus pénétrant
ma vie en une autre
incarnée.
Perséphone...
À peine nubile
déjà convoitée,
mon étoile en souffrance.
Par l'avidité de l'homme
ma fille courbée.
Mains mêlées,
mes mots recueillaient ses mots
mon souffle entourait son souffle.
Il ne me reste de son nom
que syllabes
sonores encore
pour combien de temps ?
Voler vers ses tournoiements
vers sa joie sa lumière
courir à son chant
danser dans ses pas
me fondre en son ombre.
Papillon noir démesuré
j'arpente rocailles grèves
et jardins clos,
papillon noir desséché
de ténèbres
je marche je dérive
inutile répétition
d'une recherche avortée.
Quelle ironie le fugace
quelle torture la finitude...
Tant me reste à parcourir !
La terre noire étouffe les germes
et les racines retiennent
leur puissance.
Tout se rétrécit tout s'éteint
tout se meurt
ceps et yeuses
oliviers et orangers.
Voici un blé qui ne lèvera pas
des feuilles mortes avant d'être
et la faim terrible
pour cette engeance aveugle.
La faim fouaillera
leurs entrailles
comme l'absence noue
les miennes.
La rumeur qui m'accompagne
est incantation de mort.
Lignes chevauchées
images floues inversées
sons étouffés
ombres multiples
sans cesse plus denses
et mes yeux aveuglés
et mes mains inutiles.
Perséphone !
Je cherche ta voix
tes traits sous les masques.
J'imagine je crains,
sauvage solitude
noyade.
Plus pierre que ce roc
plus froide
ma voix sombre
n'a plus d'écho.
Ce point à trouver
ce lieu terre stérile
à laquelle je refuse
ardeur et vitalité
sève asséchée ou figée
ce lieu s'éloigne s'obscurcit..
Sous l'écume sous les pierres
j'ai cherché.
Le vent déserte
mon errance.
Mon fruit ravi,
il ne reste que voile parfumé
rides sur l'eau calme
mouvement évanescent
et cette image qui tremble
en mon image.
Mon cri ne déchire que moi
ne défait que moi.
Seule.
Mon pas sur la glèbe nue
mon pas brisé.
J'aimerais
mes os blanchis par la vague
coquille vide
bois mort
sillage unique presque effacé,
mes pas
traces éphémères.
Sans elle ?
La mort seule, lénifiante
et que tout meure
avec moi !
Vague unique sans ressac
sans retour
je suis portée
au delà des mes pas
plus loin encore.
En creux son poids
en mes bras tannés
en creux son rire.
Ma vie sa vie
désaccordées
ma vie sans elle mutilée.
Jours incendiés
nuits de vertige
tout m'exile.
La terre abandonnée
stérile soudain.
Poussière...
nulle incandescence
pour la réchauffer.
Me voici rompue
inapaisée
poing tendu
pierres récoltées
pour frapper.
Qui ?
.
AGNES SCHNELL
Extrait de « Flâneries mythologiques » Inédit
09/02/04
.
Oeuvre Gustav Klimt