Tu regardes vivre le soir. Le ciel, la terre
Nus, allongés sur leur couche commune.
Et lui, rien que nuées,
Il se penche sur elle, prend dans ses mains
Sa face respectée.
Dieu ? Non, mieux que cela. La voix
Qui se porte, essoufflée, au-devant d'une autre
Et riante désire son désir,
Anxieuse de donner plus que de prendre.
Ne vas-tu pas penser, ce soir encore,
Que puissent devenir un même souffle
La matière, l'esprit ? Que de leur étreinte
Apaisée, desserrée,
De la couleur, de l'or retomberait,
Quelque débris de verre, taché de boue,
Mais à briller, dans l'herbe ?
Et la mort, comme d'habitude ? Et n'avoir été
Qu'une image chacun pour l'autre, tisonnant
Un âtre, dans rien que nos mémoires, oui, je veux bien,
Mais souviens-toi
Des prairies de l'enfance : de tes pas
Pour t'allonger à regarder le ciel
Si lourd, de tant de signes, mais se faisant
Immensément en toi cette bienveillance,
Les éclairs de chaleur des nuits d'été.
Heure présente, ne renonce pas,
Reprends tes mots des mains errantes de la foudre,
Écoute-les faire du rien parole,
Risque-toi
Dans même la confiance que rien ne prouve,
Lègue-nous de ne pas mourir désespérés.
.
YVES BONNEFOY
.
Oeuvre Bahram Dabiri