Souverain, l’échange naît dans la déchirure de soi, là où dans un renfoncement de l’esprit, le neuf et
l’ancien font orage.
Les phrases transportent des fagots aux allures martiales. Un escadron de mots traverse le brouillard des plaines matinales avant de glisser sur des plaies mal refermées. Je sens la matière proche et pénétrable.
Des centaines de serments demeurent attachés les uns aux autres dans l’attente d’une libération providentielle.
Il m’aura fallu sarcler, puis labourer encore et encore pour extraire de la pulpe sauvage toutes les graines nourrissantes de l’espoir qu’une sobre existence a pelé jusqu’à l’effroi.
Dans ce vagabondage de l’insaisissable, les pages se tournent et se retournent. Celles qui collent font ressac. Des gestes et des histoires brisées errent sur l’horizon inachevé puis flottent au-dessus de l’absence dans un vide croissant.
Le chagrin intolérable qui se manifeste encore au centre de mon corps est l’usurpateur de mes sens. Il est cet imposteur qui ne tolère pas le bonheur délivré gratuitement. Il est ce purulent labyrinthe exhortant d’avoir mal pour dire.
Je ne désespère pas de fuir du mal-être contenu, réprimé et cadenassé au fond de mes impasses négligées.
Au cœur de soi-même, poitrine contre poitrine, l’âme et le corps échappent à toutes les voies closes de l’abstinence. Elles désagrègent les carences dures de la rationalité.
Si tu le peux, écoute, toi aussi, gémir au fond de ton sang cette larme pénétrante, cet enfant affamé et qui ne sait le dire, ce vieillard usé qui a perdu la voix.
Aux fenêtres de l’existence et dans une présence subliminale subsistent encore l’aube fleurissante et l’été mourant d’une saison invraisemblable.
Voix élastique, les ruisseaux de ma gorge sont la cathédrale de tes expressions. De ce baptême naissant en moi s’habillent les cliquetis et les accents de la furie qui occupe mon sang.
Une mélodie neuve chante sous les arbrisseaux. Il y a un décalage insidieux entre le son de ma parole et celle de la convenance. Des grillons déblatèrent à l’ombre de mon contenu.
Temps incertains où les langues remuent, vacillent, tressaillent, pirouettent, mutent chaque jour s’enflammant d’éléments nouveaux, d’intentions primitives et de résurgences latentes.
Nasses déchirées, drailles survolant les crêtes de l’azur, inaliénables voies du patrimoine humain, un troupeau de sons s’effondre des mémoires dégoulinantes d’abondantes giclées séculaires.
Quels sont ces mots qui se cambrent sur mes lèvres ? Quelles sont ces ondes infinitésimales défiant les murmures de ma pensée ?
Aujourd’hui, l’imaginaire épouse la nostalgie du silence des étoiles et mon cœur se retrouve encagoulé par des parasites velus comme des chenilles sur une ligne d’infini.
Il y a un autre monde en dehors de nos têtes brûlées. Une flamme roborative du cordon humain lèche l’absence recluse dans son lait d’oubli.
Il y a une langue commune sculptée dans le rocher où la pluie n’efface que la surface. Je veux être disponible à ce qui vient du dehors, aux bruits des flèches et aux murmures de la corde tendue reliant le monde à ma petite voix intérieure.
C’est entendu ! Je redeviens un buisson après l’orage et je cache sous ma poitrine la matrice d’un foyer endémique. Mais, la vérité de mon être suppute toujours les concepts et les dogmes ruminant à l’intérieur de mon crâne.
De toute façon, qui m’observe excepté le miroir insonore de l’éternité où ma figure se disperse ?
Ici, il n’y a que le vide répressif des lumières traversant les branches.
Ici, dorment les eaux déchues d’oxygène et le parfum fumigène des rôts d’existence.
Allons ! Ne restons pas là ! Filons de cette mort invisible où tout s’efface.
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BRUNO ODILE
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Oeuvre Jaya Suberg