...
Cependant ce que je sais, et dont je peux témoigner, c’est que cette voix est unique, qu’elle vous bouleverse, et que quand elle vous surprend sur les bancs d’une église ou sur un strapontin, quelque-chose d’indéfinissable se joue, de l’ordre du viscéral, de l’intime résonance ; que quand sa note décroche dans le vertigineux abîme d’un mélisme hérité de nos plus anciennes traditions (et que beaucoup aujourd’hui négligent), c’est la voix de l’enfant affamé qu’on entend, le berger qui, avec son chien, a perdu son unique compagnon et qui pleure, et tout un territoire, dans l’espace et le temps. Ainsi, au-delà du récit des heures, des péripéties d’une carrière, des vicissitudes d’une personnalité trop entière dans un univers de compromis, ces instants passés avec elle m’ont fait comprendre ce qu’elle fait vraiment quand elle chante: faire vivre une identité (au-delà même des textes), une identité forcement complexe puisque méditerranéenne, et où chaque note, chaque inflexion de voix, est généalogie. ( Jean-Marc Graziani - Voix de corps- https://assomusanostra.wordpress.com/2017/09/11/jacky-micaelli-voix-de-corps-par-jean-marc-graziani )
.
.
.
Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit "La peine sera de courte durée"
Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas ?
Robert Desnos - Contrée (1936-1940)
.
Jacky Micaëlli par Antoine Giacomoni