La fin se lève.
Qui a parlé.
Moi, un inconnu, un fantôme.
Nous habitons une terre féroce où les « Droits de l’homme »
sont au mieux notre misérable butin.
Dans la mort qui monte, j’entends tourner les roues maléfiques qui broient
victimes et bourreaux, pêle-mêle.
Le flanc percé d’une lance longue et fourbe, l’homme saigne.
La lumière a rétréci dans notre regard
jusqu’àépouser la dimension de la plus minuscule piécette d’argent.
La fin se lève ?
Mais nous n’avons pas encore donné notre accord.
Égarés, déchirés d’amour, d’un désir d’amour surgi le premier jour
avec nos os, nos vertèbres, nous tentons parfois de nous redresser
hors de la bauge de fatalité et d’ennui.
Nous contemplons les étoiles glacées sans signification.
Nous questionnons la bête morte, putride, abandonnée au bord du chemin,
et le caillou muet.
Nos poings se serrent, se souvenant toujours des antiques rébellions,
des songes plus anciens que la mousse au pied des arbres.
La foi a déserté nos cœurs.
Elle a fait place à la terrifiante lucidité.
Mais la lucidité est plus amère que le plus pauvre pain.
Nous nous tenons au bord de l’aube, au bord de la nuit,
nous écoutons les voix sourdes des camarades
qui agonisent dans les prisons bâties par des mains d’hommes.
Et nous creusons des labyrinthes pour parvenir jusqu’à eux,
dénouer les haillons, déchirer les chaînes.
Nous tendons à travers les ténèbres l’oreille des désespérés.
Le feu s’est refroidi dans nos muscles.
Devenu matière dure, infracassable,
il nous maintient debout, irrémédiables dissidents
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ANDRE LAUDE
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Photographie Sarolta Ban