"Quant aux anges... ils ne viennent, quand ils viennent, que pour une seconde. Mieux vaut leur parler avec peu de mots pour avoir chance de se faire entendre. Et d'ailleurs quoi leur dire. Ils ne viennent pas en leur nom. Ils viennent au nom de la vie, ils nous apprennent quelque chose et à peine nous l'ont-ils apprise, cette chose , qu'ils repartent dans un tournoiement d'ailes.Les anges et les écrivains font le même métier, métier de plume, métier d'éclair. Mais là aussi prenons un exemple. Un exemple récent, vieux d'à peine deux mille ans. Un ange s'approche d'une jeune femme de Palestine, il lui dit bonjour, vous allez avoir un enfant, il ne sera pas de votre mari, pas d'un autre homme, ce sera l'enfant béni de dieu, au revoir. C'est, vous me l'accorderez, une annonce qui afait depuis quelque bruit. Rien de plus simple, rien de plus bref qu ces paroles : l'ange ne s'est pas embarrassé de grandes formules, de longues phrases méditatives, de théories sur la génétique ou sur la psychanalyse. Il a dit ce qu'il avait à dire. Il l'a dit simplement, ce qui ne veut pas dire : sans ombre. C'est d'ailleurs çà un ange, ce n'est rien d'autre : une parole. D'où qu'elle vienne. Une parole qui vient nous délivrer par sa simplicité, nous éclairer par son mystère.Le frôlement d'ailes d'une parole pauvre."
Christian BOBIN