Je ne sais pas devenir. Je ne sais pas réussir.
Je suis depuis toujours cette même question posée à la vie et ce que le poème répond.
Je cherche au travers du bruit froissé des mots le chemin d'un silence.
Mais je ne suis pas écrivain, ni bavard, je suis inquiet.
Je suis de l'inquiétude des pauvres gens, de leurs cités et pour sûr maintenant
Je ne serai plus jamais poli
J'ai tant de temps d'enfance à rattraper.
Je ne sais pas devenir, je suis des passants
Et nous arpentons le même décor grotesque et fonctionnel
Avec tout juste le talent du désespoir.
L'inutile est notre nécessaire et le poids de nos vies
Bien souvent dépend de celui de la mort.
Nous sommes de saisons blêmes et du petit matin
Du peu de vie qu'on nous laisse.
Nous rejetons par avance toutes les tentatives d’équilibrage de la misère libérale avancée.
Nous préférons le déséquilibre lucide.
Nous préférons parler aux arbres écorce contre écorce
Suivre la course du soleil sans pronostic
Marcher pieds nus dans l'herbe.
Nous avons le désir d'une vie entière, phénoménale,
Le désir d'une trajectoire d'étoile vibrante et marrante
En plein jour avec en plus la patience des pierres
Et les amours cycliques de l'eau.
Mais nous n'existons pas vraiment.
Nous sommes des passants indéterminés
Infiniment fragiles
Des passants d'argile
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© PATRICK CHEMIN
1979
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Oeuvre Eva Czaplicki