A Dom Gabrielli
De l'oignon cru de l'huile d'olive
du pain et une pincée de sel
tel est ton repas aujourd'hui
succulent en ces jours de disette
et tu te souviens
d'une colline devant Jérusalem
où un petit chevrier te souriait
assis sur un rocher
sous le ciel radieux de Palestine
tu te souviens
du paysan crétois aux yeux bleu clair
qui remplissait ton verre de raki
un jour de Pâque inondé de lumière
avec la mer éblouissante à perte de vue
tu te souviens
au bord d'un chemin de cailloux
sous un soleil ardent
des jeunes femmes berbères rieuses
s'en revenant du puits
et du goût de l'eau froide des jarres
qu'elles versaient entre tes lèvres desséchées
tu te souviens d'une nuit d'été
sur un trottoir parisien
d'amis libanais qui chantaient
au son d'un luth fêlé
la nostalgie de Beyrouth assiégée
autour de petites tables garnies de mezzes
tu te souviens à Istanbul
d'un poète au visage creusé de larmes
torturé dans les prisons turques
qui pensait à haute voix
dans un café sous le pont de Galata
à la beauté des années perdues
tu te souviens du Vallon des Fleurs
à Nice dans le sud-est de la France
de ce vieux veuf à l'haleine anisée
qui te racontait sa jeunesse intrépide
en épluchant des fèves tendres
tu te souviens des citronniers au printemps
du vent du sud et de la poussière dorée
sur les blessures d'amour
Tu te souviens du miracle
d'une poignée d'olives
et de quelques mots d'exil
pour savourer la vie.
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ANDRE CHENET