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Comment crois-tu qu'ils sont venus?
Ils sont venus, les poches vides et les mains nues
Pour travailler à tours de bras
Et défricher un sol ingrat
Comment crois-tu qu'ils sont restés?
Ils sont restés, en trimant comme des damnés
Sans avoir à lever les yeux
Pour se trouver tout près de Dieu
Tous ensemble
Ils ont vois-tu, plein de ferveur et de vertu
Tous ensemble
Bâti un temple à temps perdu
Comment crois-tu qu'ils ont tenu?
Ils ont tenu, en étant croyants et têtus
Déterminés pour leurs enfants
À faire un monde différent
Les émigrants
Comment crois-tu qu'ils ont mangé?
Ils ont mangé, cette sacré vache enragée
Qui vous achève ou vous rend fort
Soit qu'on en crève ou qu'on s'en sort
Comment crois-tu qu'ils ont aimé?
Ils ont aimé, en bénissant leur premier né
En qui se mélangeait leurs sangs
Leurs traditions et leurs accents
Tous ensemble
Ils ont bientôt, créé un univers nouveau
Tous ensemble
Sans holocauste et sans ghettos
Comment crois-tu qu'ils ont gagné?
Ils ont gagné, quand il a fallu désigner
Des hommes qui avaient du cran
Ils étaient tous au premier rang
Les émigrants
Comment crois-tu qu'ils ont souffert?
Ils ont souffert, certains en décrivant l'enfer
Avec la plume ou le pinceau
Ça nous a valu Picasso
Comment crois-tu qu'ils ont lutté?
Ils ont lutté, en ayant l'amour du métier
Jusqu'à y sacrifier leur vie
Rappelez-vous Marie Curie
Tous ensemble, avec leurs mains
Ils ont travaillé pour demain
Tous ensemble
Servant d'exemple au genre humain
Comment crois-tu qu'ils ont fini?
Ils ont fini, laissant un peu de leur génie
Dans ce que l'homme a de tous temps
Fait de plus beau fait de plus grand
Les émigrants
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CHARLES AZNAVOUR
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Choquer l'ordre établi pour imposer ses vues
Pourfendre
Choisir, saisir, comprendre
Remettre son travail cent fois sur le métier
Salir la toile vierge et pour mieux la souiller
Faire hurler, sans pudeur, tous ces espaces nus
Surprendre
Traverser les brouillards de l'imagination
Déguiser le réel de lambeaux d'abstraction
Désenchainer le trait par mille variations
Tuons les habitudes
Changer, créer, détruire
Pour briser les structures à jamais révolues
Prendre les contrepieds de tout ce qu'on a lu
Écrire ta peur de sueur, d'angoisse
Souffrant d'une étrange langueur
Qui s'estompe parfois mais qui refait bientôt surface
Usé de sa morale en jouant sur les moeurs
Et les idées du temps
Imposer sa vision des choses et des gens
Quitte àêtre pourtant maudit
Aller jusqu'au scandale
Capter de son sujet la moindre variation
Explorer sans relâche et la forme et le fond
Et puis l'oeuvre achevée, tout remettre en question
Déchiré d'inquiétude
Souffrir, maudire
Réduire l'art à sa volonté brulante d'énergie
Donner aux sujets morts comme un semblant de vie
Et lâchant ses démons sur la page engourdie
Écrire, Écrire
Écrire comme on parle et on crie
Il nous restera ça
Il nous restera ça