On dit qu'à une époque, lorsque la terre était encore mariée avec le ciel, les Roms étaient des oiseaux. Ils volaient entre la terre et le ciel et rien ne pouvait les arrêter. Ils trouvaient dans le ciel et sur la terre leur nourriture et ne manquaient de rien. Ils vivaient libres et heureux.
Un jour, alors qu'ils volaient au-dessus de la terre, ils virent un magnifique palais qui brillait au soleil. Alors ils descendirent le voir. Ce palais était habité par de gros oiseaux : des poules, des dindes, des oies et des canards. Ces gros oiseaux, éblouis par la beauté des Roms-oiseaux leur offrirent toutes sortes de bijoux précieux et les plus délicieuses des friandises, et ils les invitèrent à rester avec eux. Les Roms-oiseaux s'installèrent dans le palais et bientôt devinrent tous gras et couverts de chaînes en or, de la tête aux pieds.
Un seul oiseau n'avait pas touché aux friandises, ni voulut se couvrir d'or. C'était l'oiseau rouge "e tchirikli loli". Pendant longtemps il essaya de convaincre ses frères que toutes ces richesses n'étaient pas bonnes pour eux et qu'ils feraient mieux de sortir de ce château dans lequel ils s'étaient eux-mêmes enfermés, mais hélas, aucun ne voulut l'écouter.
Alors, "e tchirikli loli" s'éleva dans les airs, monta très haut, très haut, et se jeta du haut des cieux sur les pierres. C'est seulement à cet instant que les Roms-oiseaux se réveillèrent. Ils commencèrent à battre des ailes pour s'envoler dans les airs. Mais tout l'or qu'ils portaient les tirait vers le bas et ils ne pouvaient plus quitter le sol.
Soudain, une petite plume rouge, portée par le vent, fit son entrée au palais et se posa aux pieds des Roms-oiseaux. Alors, tout l'or tomba de leurs corps, mais les ailes n'obéissaient plus. Ils étaient devenus trop gras et trop lourds, et ils n'arrivaient plus à s'envoler. La petite plume rouge, emmenée par le vent, quitta le palais et s'en alla errer sur les routes de la terre.
Les Roms-oiseaux la suivirent comme ils le purent et, ne pouvant plus voler, ils perdirent peu à peu leurs plumes. C'est ainsi que, petit à petit, ils se transformèrent en humains. Hommes de corps, oiseaux dans l'âme, ayant désappris à voler à jamais.
On dit aussi que parfois, les Roms, dans leurs rêves, voient un bel oiseau rouge traverser le ciel. Alors ils s'envolent à leur tour pour suivre "e loli tchirikli"à travers le ciel. Mais ça… c'est dans leurs rêves
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CONTE ANONYME
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Photographie de Roger Schall (1904-1995).
Paris, musée Carnavalet.