Un ruisseau de montagne
traversait le sentier de mon enfance
son eau vive bondissait
du talus
étirant vers elle la soie verte des herbes
À la fin de l’hiver, l’eau clapotait sous la glace
comme chante un poète dans une langue étrangère
je l’attendais
L’été venu, mon ruisseau découvrait
de grandes dalles calcaires blanchies comme des os
l’attente changeait de rive
les mains plongées dans les remugles de son ventre
j’arrachais des pierres
je raclais la terre
j’excavais des bosses
je dressais un barrage
pour qu’un fleuve renaisse de la vigueur de mes bras
Mes parents n’ont jamais su
que j’étais devenu l’aventurier d’un lointain canyon
l’enfant-castor d’une vallée engloutie sous les eaux
Aujourd’hui l’asphalte
a tué le sentier
l’eau s’est terrée
comme une bête
Mais je reste l’Indien des mots de mon enfance
L’eau coule dans ma nuit et je détourne encore
des ruisseaux de montagne
pour entendre le temps battre contre mes paumes.
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BRUNO DOUCEY
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