CE TISSU DE FEUILLES découpées, les oiseaux le relient d’un bout à l’autre de leur vol, une longue fibre au bec. De temps à autre une navette multicolore traverse dans un cri l’enchevêtrement des rameaux et des branches.
Un léger souffle, et les feuilles flexibles tournent à demi, tels les morceaux d’acier d’un mobile. Les bengalis amarante et les bengalis noirs dessinent je ne sais quel quadrille.
Quel licier saurait ainsi placer et déplacer dans la trame du tapis une rose vivante, rouge ou noire. Pour quel camp du drap d’or cette tente animée aux écussons multiples.
Et comment dire tous les cris, roulades et trilles étagés en profondeurs, aussi mêlés et agités que les feuilles. Car tout le feuillage chantait, respiration furtive au rythme déconcertant – l’on ne pouvait qu’avec peine s’arracher à son emprise.
Paradis, paradis, perdu… Nous étions là, immergés dans notre pesanteur, soucieux de mille choses, collés au sol, tandis que là haut tout un monde vaquait à ses jeux et plaisirs. Parfois un flèche vive plongeait vers une flaque et reprenait le jeu mouvant. Un bref instant nous nous assimilons à ces créatures ailées aux cris joyeux, nos soucis s’enfuyaient et nous nous prenions à sermonner aux autres « regardez les oiseaux du ciel ».
Cependant nul jardin n’est un enclos défendu. Pourquoi la brèche continue-t-elle à saigner sans répit. Tout le chant des oiseaux, toute la féérie de leurs couleurs, de leur brillance, toute l’harmonie drapée en plein ciel, n’est-ce donc que des ombres diverses projetées au plafond de la chambre d’un malade.
Pourquoi la blessure saigne-t-elle encore, cette fontaine de douleur doit-elle bruire à jamais dans le commerce du feuillage allègre. Ou bien l’un et l’autre cesseront-ils ensemble leur chant dans une solitude sans limites.
Il faudrait mieux écouter les oiseaux, déchiffrer leur chant fugace destinéà périr – (peut-il être, malgré tout, transmis comme un message). Mais lequel, parmi les humains, a compris le chant des oiseaux sinon celui qui leur parlait autrefois, les soumettait à sa parole.
Du même coup nous avons oublié d’entendre les feuilles, si légèrement entrechoquées par le vent. Peut-être nous attendent-elles pour notre guérison.
Jusqu’à la fin la douleur s’insinuera dans le cœur des hommes et des peuples. Les feuilles bénéfiques seront-elles encore là pour éloigner à tout jamais l’ennui, la misère, pour rendre à la joie, pour toujours, l’âme et le corps accessibles.
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PIERRE ETIENNE
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Oeuvre Georgi Petrov