Lumière de loin.
Je voudrais t'insuffler la fraîcheur
capillaire par capillaire que t'enfantent le glissement de l'air
et le resserrement des papilles te faire des mots verts
au matin des mots que tu aies envie de toucher de broyer t'écrire avec les ongles dans l'âge paresseux
des roches dans les yeux — te convaincre de la terre.
La mer
le soir
les corps
parois intérieures du toucher
cueillir au ventre crépi d'oiseaux
le ressac déroulé et le même point bref
goût d'amandes vertes
et tabac amer.
Lèvres blessées de brûlures plus longues que le jour —
ce picotement et ce fin bruit
de mailles claquées dans l'air vertical.
Herbes à peine
et l'œil patient de poissons voraces
dans la boue sombre des fonds.
Clairière de forces au soir sans arbres
la sévérité du continu.
Seulement la marche, ces camps fugitifs
d'une image à même la pierre.
La chute de l'ange dans le feu
la flamme à l'orée des corps
celle de mes doigts dans la rigueur des failles
grande feuille du jour
fossile de nuit.
Ces métaux que je courbe dans ma voix pour que tu existes dans le noir.
J'ai vidé la nuit de sa brillante pacotille et j'entends la foulée qui ouvre encore tout un poumon dans les pierres —
Il arrivait qu'on posât un visage
aux confins de nos marches
pour l'endormir.
Dors sous la peau encore tiède
dors sous la voûte des oiseaux sans toit
tout le long des corps
à joindre à désunir
nous avions des mouvements de mer
et rompus de soif.
Ayant perdu brusquement nos ancêtres leur crâne qu'on porte et où l'on s'endort les os fumants autour des visages dans l'odeur vieillie d'encens et de pain sous la chaux brûlante des cellules monacales nos mains défaisaient le noir et les mots rendus à la seule clarté du corps.
Lumière de doigts à l'approche des visages
connais-tu la forêt
Khmer ?
Je ne voyais pas les arbres
resserrement au cœur de la pierre
d'une profondeur de plus.
Migration de meubles de murs et de steppes
puis l'insupportable précision
d'arrêts de places de maisons.
Oratoire dans la pierre lentement refroidie.
Dans le blanc de nos yeux la chambre noire
de toute sa chimie mordant les visages
si long fut le jour
de vents crayeux et d'ossements
la nuit tant de fois rompue
de gestes brefs qui se décolorent —
L'extrême patience qui nous lime.
Le pain d'un jour et l'eau mesurée
la démesure de nous taire
et parmi tant de blanc
trouver à tâtons
les chemins étroits de nos veines.
Voici des mains
pose-les dans une brève secousse de ton corps
avec un pot de basilic
et l'espace fouillé d'oiseaux
quand l'aube sur nos corps mouillés
les doigts sentent l'origan.
J'ai seulement des choses très simples
le soleil s'est découpé peu à peu comme
ma mère découpait le pain
nous mettons la soupe sur la table
(ces choses au-dehors qui tombent lentement,
le jasmin, la neige, l'enfance)
goût de piments rouges et de dents heureuses
nos corps nous tiennent encore chaud quelque temps
dans l'âge avancé de la nuit.
Quels étranges paysages fait ta voix
brodée dans les chambres je ne sais plus
quelles chambres j'y promène des théières
et des branches d'arbres déshabillées
le thé fume ou peut-être le jardin
peut-être aussi le fond des icônes
la légèreté des choses perçue à l'oreille
la peau se plisse par endroits
la porcelaine de la tasse se refroidit
on attend
les fenêtres deviennent couleur aubergine
puis referment la nuit
le large est entré dans la chambre nocturne où un geste ou deux ont aimé la lumière — les corps se dressent dans la clarté invisible des hanches nues et des syllabes d'eau longues et brèves des bouches qui se penchent bruit de verre échoué sur les fonds —
mais comment dire l'amour
le désastre et le commencement
le temps courbé sous la veille infinie
et les débris de plâtre
incrustés sous la peau —
le soir encore ce clair de pierres une vie qui monte de nulle part à jamais forêt de mains et tâtonnements dans l'enclos nous entrons en nuit vêtus de nos os —
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LORAND GASPAR
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Oeuvre Auguste Rodin