Quantcast
Channel: EMMILA GITANA
Viewing all articles
Browse latest Browse all 4542

LES POETES - PROLOGUE AUX POETES ( Partie chantée )

$
0
0

Image du Blog coquelico.centerblog.net

Il y a ce soir dans le ciel
Veiné d'encre et de rose Nil
Ce ciel vanné ce ciel de miel
Ce ciel d'hiver et de vinyle
Des vols de vanneaux qui le niellent

Ou si c'étaient que l'on devine
Des cigognes qui s'en reviennent
De quelles régions divines
De quelles rives diluviennes
Dans l'air bleu comme du Gershwin

Ou peut-être aussi bien des cygnes
Qui saignent dans le crépuscule
La lune blonde leur fait signe
Là-bas où les bateaux basculent
Et la première étoile cligne

Mais bah s'il y a ciel et plumes
Qu'importe l'aile alors ouverte
Qui bat le champ d'ombre où s'allument
Au velours d'une avoine verte
Les étincelles de l'enclume

Heure douce aux oiseaux légère
Heure aux amants tendre et troublante
Jour étrange où je rôde et j'erre
Comme une chanson triste et lente
Sur les lèvres d'une étrangère

Chimères canards ou mouettes
Dites-moi ces folles chandelles
Vous les voyez mieux d'où vous êtes
Au-delà de votre champ d'ailes
Sont-ce les yeux d'or des poètes

Firmament de métamorphoses
Où la raison se dépayse
La lumière se décompose
Omar Khayam Saadi Hafiz
O constellation des roses

S'il y a ciel il y a sable
Et ces yeux aux cieux qui s'éveillent
Sont-ce des chanteurs ineffables
Rimeurs de mots et de merveilles
Dans ma mémoire ineffaçables

Ciel sur le siècle et sur les armes
Au-dessus du jardin des morts
Ciel sur le saule et sur le charme
Et voici l'étoile Valmore
S'il y a ciel c'est pour les larmes

Les ténèbres sont les tambours
Des crucifixions humaines
Le poème y monte à rebours
D'Icare où la douleur le mène
Parmi les célestes labours

Il y a ciel où tu succombes
Sans nom que l’éclat de tes vers
C’est peu que passent les palombes
Et se balance un arbre vert
O Keats au-dessus de ta tombe

Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours

A toi géant triste et superbe
D’où la manne des mots émane
Poète vers des Feuilles d’herbe
Ciel ou prairie ô Walt Whitman
Vieil homme en blanc Chair faite verbe

S'il y a ciel ce n'est point d'anges
Et le chant se passe de lyre
S'il y a ciel le ciel nous venge
Et que du vin de nos délires
Le vent divin fasse vendange

Ciel inverse au fond de la mer
Il y a des langues ardentes
Péchés dansants larmes amères
Le bas de la robe de Dante
Y frôle ceux qui mal aimèrent

La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges

Il est fait étoile d'Ovide
Avec les rayons de l'exil
Étoile au ciel almoravide
Où Federico trouve asile
Au-dessus de Grenade vide

Il y a grenade et grenade
Et pour un sourire éternel
S’entrouvre au printemps des manades
La blessure au cœur d’Aubanel
Egrenant les grains de l’aubade

Au-dessus des eaux et des plaines
Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l’étoile Hölderlin
Est-ce vers l’étoile Verlaine

Étoile au front d’Apollinaire
Sous le bandeau noir qu’il enlève
Point une aube extraordinaire
Comme l’idée au front de Scève
En prend la forme imaginaire

Étoile de sang sur la plaine
Que veut dire ce noir manège
Tu visas Pouchkine au cœur Haine
Et s’enfuit à travers la neige
D’Anthès Baron van Heckeren

Marlowe il te faut la taverne
Non pour Faust mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
À la lueur d’une lanterne

Nerval s’y pend c’était fatal
Les feux forment là-haut des phrases
Et près de Pétrarque s’installent
Le Hussard sur les monts Caucase
Rimbaud dans ses draps d’hôpital

Et Germain Nouveau sous son porche
Qui compte les poux du ciel noir
Nassimi des pieds qu’on écorche
À la tête rejoint ce soir
Les chanteurs transformés en torches

Vienne Abovian ô Katchatour
Disparu sans laisser de traces
Veilleur de la plus haute tour
Tcharentz et toi voici la place
Que vous étoilez tour à tour

D’autres périssent pour l’honneur
La balle qui tua Dovalle
Perça ses vers et puis son cœur
Et les drames de Paris valent
Ceux de la Perse ou d’Elseneur

Étoiles poussières de flammes
En août qui tombez sur le sol
Tout le ciel cette nuit proclame
L'hécatombe des rossignols
Mais que sait l'univers du drame

II n'est pas que du sang qu'on verse
II n'est pas que du chant qu'on perd
Qu'on meure à Paris comme cri Perse
C'est vivant que l'on désespère
Et son chant le chanteur transperce

Je suis l'Archange et Lucifer
Tous les bourreaux mal nous bourrellent
Au prix en nous de cet enfer
De ce que nos mains naturelles
De notre âme s'emploient à faire

Celui qui chante se torture
Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent

Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni pour en avouer ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède

J'ouvre mon ventre et mon poème
Entrez dans mon antre et mon Louvre
Voici ma plaie et le Saint-Chrême
Voici mon chant que je découvre
Entrez avec moi dans moi-même

 

! DIAMON~11

 

 

 LOUIS ARAGON

 

 

! DIAMON~11

 

 

Henri_Fantin-Latour

Oeuvre Henri Fantin-Latour

 Image du Blog coquelico.centerblog.net


Viewing all articles
Browse latest Browse all 4542

Trending Articles