© PATRICK CHEMIN
Le 11 juin 2017
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Photographie Dominique Isserman
© PATRICK CHEMIN
Le 11 juin 2017
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Photographie Dominique Isserman
Déjà brûlant, le soleil neuf chauffe
les crépis, la poussière – et gaine
les plantes d’ardent et tranquille
éblouissement. Elles s’éveillent
dans la lumière qui supprimant le vert
leur donne une autre forme dans la violente
clarté, dans le tiède silence
qui précède la vieille touffeur – et cette
lumière qui les vêt semble être
leur existence même, une vie identique
à la vie humaine, mais combien plus heureuse
dans sa fraîche extase de soleil.
J’attends que parlent les plantes – prises
par le profond sourire qui s’exhale
de la terre pensive jusqu’au soleil pensif –
moi, qui ne sais pas parler, étouffé
à peine éveillé, par tant de clarté
et les sens empreints de l’or qui est vie
humaine chez les arbres. Or, fraîcheur,
qui emplissent ma chair de joie.
Et tout cela, de la sensuelle
douceur, n’est qu’une ombre.
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PIER PAOLO PASOLINI
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Àécouter les esprits chagrins, tout serait insignifiant, l’amour une erreur réciproque, la noblesse une imposture, la volupté un fastidieux moment de charcuterie, l’avenir du passé en pire. Selon eux, l’existence devrait débuter avec ressentiment et se terminer dans les regrets. Rien ne leur paraît plus incommodant que l’illuminé qui affirme aimer la vie, qui affirme la vie même. « Pour qui se prend-il celui-là ? » Tandis que le démoralisé délayant les inconvénients d’être né sera perçu comme un être émouvant de sensibilité et emportera leurs suffrages.
Mon sentiment de royauté intime est entièrement liéà celui d’être un clandestin dans l’époque. Je n’ai aucun reproche à formuler contre l’univers. Au contraire, mes félicitations vont à ses records de nuance. J’entends les Oui qui montent de ses couleurs. Je ne m’en prends qu’à ceux qui tiennent à faire de lui le cachot où ils sont passés maîtres. Qu’ils souffrent donc, ceux qui ne souffrent pas qu’on ne souffre pas.
J’écoute les anciens qui dérogent à la règle des passions tristes, au mot-d’ordre-des-choses que le contemporain distille dans les mentalités. Ils indiquent un chemin de traverse que la jeunesse croit condamné sans opposer de résistance. Pour ce qui est de l’apologie de la vie que je commence ici, ces « alliés substantiels » comme les appelle Char seront donc, par ordre d’apparition : Pound, Rimbaud, Melville, Protée, Novalis, Giordano Bruno, Prince, Nietzsche, Dante, Vivaldi, James Bowman, Miles Davis, Chico Buarque, Purcell, Rubens, Joubert, Walt Whitman, Baudelaire, Matisse, Ovide, Spinoza, Einstein, Bacon, Hölderlin, Henry Corbin, Lucrèce, Hésiode, Apesteguy, Milton, Shakespeare, Vinci, Géricault, Gauguin, Freud, Picasso, Borges, Confucius, Éros, Descartes.
Les génies ne rassasient pas, ils accroissent à la fois notre appétit et notre capacitéà nous nourrir.
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MATTHIEU TERENCE
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Oeuvre Fatat Bahmad
Le soir a dit : Je suis altéré d’ombre !
La lune a dit : Moi, d’étoiles brillantes.
La source cristalline veut des lèvres
Et des soupirs le vent.
Mais moi, j’ai soif de parfums et de rires,
J’ai soif de chants nouveaux
Sans lunes et sans lys
Et sans amours défuntes,
Soif d’un chant matinal qui troublerait
Les eaux dormantes
De l’avenir, emplissant d’espérance
Leurs ondes et leurs fanges.
Il serait lumineux et pacifié,
Plein de riches pensées,
Virginal dans sa mélancolie,
Son angoisse et ses rêves.
Exempt de pesanteur, il peuplerait
De rires le silence.
(Tel un essaim de colombes aveugles
Lâché dans le mystère.)
Ce chant toucherait à l’âme des choses,
A l’âme des rafales,
Pour se résoudre enfin dans la joie
Du coeur immémorial.
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FEDERICO GARCIA LORCA
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Ne désespère pas
d’enfin trouver la métaphore
de ce qui apparaît sans naître
et n’ose vraiment apparaître :
vie de plume,
vie de vent,
vie soufflée,
vie rêvée,
en filigrane
ou murmurée
et quand la séquence s’efface
dans les brumes d’et caetera,
fatigué de ces tropes
qui le tirent vers le Sensible,
retourne vers son lieu,
texte flou, texte trouble,
son texte d’origine,
traduit de ce qui pourrait être
une langue ou un idiolecte
d’un âge présymbolique,
linéaire B d’une enfance
qui cherche vainement
son sens
dans les yeux éteints
d’un aveugle
ne sachant déchiffrer
que l’alphabet de l’ombre
et, venu de son microcosme
de poussière et d’angoisse,
le sporadique appel
des choses,
un instant sauvées
du silence
et par le silence reprises.
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RAYMOND FARINA
(Extrait de Fantaisies, 2005)
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Oeuvre Vladimir Kush
A la lisière seulement ce vent qui bruisse
Une basse à laquelle s’accommode le temps
Une illusion de soleil et de verdure
Derrière laquelle vont tous nos maux
Le bleu seulement le bleu
Une promesse de repos une étamine
Sur le grand lit des désespoirs
Sur le patchwork des espérances
Une veille parcimonieuse et altérée
De vains rêves que nous faisons
Et qui s’étiolent ainsi que des soleils levants
Que la lumière écartèle et tue
Le bleu seulement le bleu
Offrande des silences
Ceux que nous avons sertis
Des pierres que nous avons reçues
Cette lapidation des coeurs
A laquelle chaque jour nous allons
Comme si nous acceptions de voir
La tuerie lente de ce que nous sommes
Le bleu seulement le bleu
Une nervure de nénuphar
Une nébuleuse de vents
Une sirène éperdument aux portes du rêve et des évents
A chaque station solitaire
Savoir le prix savoir le temps
Et n'emporter rien que la vastitude
Des désenchantements
Le bleu le bleu seulement
Une intercade une cantate au mal d'aimer au mal vivre
Cette frange importune des plages claires
Ou court toujours les enfances violines
O l'inutile le superflu le perdu
O le laminage des prodiges
La navigation pour le gouffre et la mort
L'inutile oui et quelque part le salutaire
Le bleu le bleu seulement
Un chant d'orient rien qu'impossible
Mais tellement au vent qui bruisse mêlé
Un bleu intempestif à la nuance des aubiers .
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YAMILE GHEBALOU HARAOUI
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À Jérusalem, je veux dire à l’intérieur
des vieux remparts,
je marche d’un temps vers un autre
sans un souvenir
qui m’oriente. Les prophètes là-bas se partagent
l’histoire du sacré… Ils montent aux cieux
et reviennent moins abattus et moins tristes,
car l’amour
et la paix sont saints et ils viendront à la ville.
Je descends une pente, marmonnant :
Comment les conteurs ne s’accordent-ils pas
sur les paroles de la lumière dans une pierre ?
Les guerres partent-elles d’une pierre enfouie ?
Je marche dans mon sommeil.
Yeux grands ouverts dans mon songe,
je ne vois personne derrière moi. Personne devant.
Toute cette lumière m’appartient. Je marche.
Je m’allège, vole
et me transfigure.
Les mots poussent comme l’herbe
dans la bouche prophétique
d’Isaïe : "Croyez pour être sauvés."
Je marche comme si j’étais un autre que moi.
Ma plaie est une rose
blanche, évangélique. Mes mains
sont pareilles à deux colombes
sur la croix qui tournoient dans le ciel
et portent la terre.
Je ne marche pas. Je vole et me transfigure.
Pas de lieu, pas de temps. Qui suis-je donc ?
Je ne suis pas moi en ce lieu de l’Ascension.
Mais je me dis :
Seul le prophète Muhammad
parlait l’arabe littéraire. "Et après ?"
Après ? Une soldate me crie soudain :
Encore toi ? Ne t’ai-je pas tué ?
Je dis : Tu m’as tué… mais, comme toi,
j'ai oublié de mourir.
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MAHMOUD DARWICH
In « Ne t'excuse pas »
Actes Sud / Sindbad, 2006
Taduction Palestine Elias Sanbar
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Pour ma petite Mila qui fête ses 13 ans aujourd'hui
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Comme il s'atténue vite
Le bruit sourd qui cogne
À la porte du cœur,
Dès que la vie nous hèle,
Dès que l'espace est là,
Fruit ouvert tout entier,
Ce printemps de feuillages,
De balançoires et de ramiers,
Ce feu d'enfances éblouies,
Cet orchestre habité,
Comme il devient ténu
Le tic-tac du temps,
Et comme on rejoint vite
Cette passion gourmande
Et cette rage de vivre,
Nougaro au piano,
Les trompettes du vent
Et les tam-tam maudits,
Mais rien n'arrête en fait
Le glissement des heures,
Nulle musique ailée,
Nul chant pour s'étourdir,
Nul saxo aux sanglots,
Nulle émotion tenace,
Seule cette connivence,
Cette étreinte éprouvée
Avec l'envers des choses
Ou plutôt leur jeunesse,
Leur éclat sans couture,
Leur surgissement sans dû,
Et cette célébration qui dilate l’esprit
À l'auberge du fleuve,
Et cette gratitude de se savoir aimé,
Dans ce qui reste à vivre
Et ce qui a été.
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JEAN LAVOUE
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Oeuvre Deedra Ludwig
Lorsque nos mots se gercent
Que nos rêves se plombent
Que nos yeux s'emmurent
La Poésie
A l'envers des talus
Ramifie le sens
Élargit le secret
Entraîne dans un souffle
les poussières du jour
les maillons nocturnes
merveilles et détresses
Vers un autre littoral.
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ANDREE CHEDID
Poèmes pour un texte (1970-1991)
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Ici se décourage, ou quelque chose comme ça. L'inconséquence de l'espèce, ses papiers gras, ses souillures, ses mensonges, ses illusions, ses cacophonies, ses hue et à dia, épuisent. Dans les arbres souffreteux, des oiseaux claquent du bec, ils survivent. Sur les branches noires du peu, la saison triste est un mouroir. Une mauvaiseté infléchit les endurances, martèle à petits coups d’ongles jusqu’à la plaie. Pourtant, la prévalence du moindre cède toujours devant le rire d'un enfant soufflant sur les akènes des fleurs de pissenlits.
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ILE ENIGER
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J'ai dans ma valise des souvenirs
Une broche kabyle de ma mère
Le henné qui fleurait sa main
Et le souak de ses lèvres embaumées
J'ai aussi une pierre muette
Des ruelles discrètes de la Casbah
Criblées des traces de mes rires
Et de mes chroniques d'enfant
J'ai dans ma valise des larmes
De la pluie qui tombe sur Alger
Et celles des justes râlants
Sur la hampe d'un drapeau brûlé
Dans le dessous de ma valise
S’étend l’injuste addition de l’exil
Que je règle de mes pleurs d’apatride
À l’émotivité déchue
Au fond de ma valise roulent encore
Les sarcasmes des galopins militaires
Et les prêches funestes et lugubres
Des exégètes furieux et méchants.
Je garde donc ma valise fermée.
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DJAFFAR BENMESBAH
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Oeuvre Wasma Al Agha
NOVALIS
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Oeuvre Odilon Redon
« Vous avez eu de nombreuses et grandes tristesses qui sont passées. Et vous dites que même le fait qu’elles aient passé vous a été pénible et fut débilitant. Mais demandez-vous, je vous en prie, si ces grandes tristesses ne vous ont pas traversé plutôt qu’elles n’ont passé ? Si bien des choses en vous ne se sont pas transformées, si vous-même quelque part, en quelque endroit de votre être, vous n’avez pas changé tandis que vous étiez triste ? Seules sont dangereuses et mauvaises ces tristesses que l’on porte avec soi parmi les gens afin de couvrir leur propos. Telles des maladies, traitées superficiellement et de manière aberrante, elles ne font que reculer pour faire d’autant plus irruption après une courte rémission ; et elles s’accumulent en vous, constituent une forme de vie non vécue, méprisée, gâchée, une forme de vie dont on peut mourir.
S’il nous était possible de voir au-delà des limites où s’étend notre savoir, et encore un peu plus loin au-delà des contreforts de nos intuitions, peut-être alors supporterions-nus nos tristesses avec plus de confiance que nos joies. Elles sont, en effet, ces instants où quelque chose de nouveau a pénétré en nous, quelque chose d’inconnu ; nos sentiments font silence alors, obéissant à une gêne effarouchée, tout en nous se rétracte, le silence se fait, et ce qui est nouveau, que personne ne connaît, se tient là, au centre, et se tait.
Je crois que presque toutes nos tristesses sont des moments de tension que nous ressentons comme une paralysie car nous sommes désormais sourds à la vie de nos sentiments devenus étranges. Nous sommes seuls, en effet, face à cette étrangeté qui est entrée en nous ; car, pour un temps, tout ce qui nous est familier, tout ce qui nous est habituel nous est ravi ; nous sommes, en effet, au cœur d’une transition où nous ne savons pas nous fixer. C’est aussi la raison pour laquelle la tristesse est passagère : ce qui est nouveau en nous, l’adjuvant de ce que nous étions, est allé jusqu’à notre cœur, a pénétré en son lieu le plus intime, mais n’y est pas non plus resté : il a déjà passé dans le sang. Et nous ne savons pas ce que c’était. Il serait facile de nous persuader qu’il ne s’est rien passé ; mais nous avons pourtant bien changé, comme change une maison où un hôte est entré. Nous sommes incapables de dire qui est entré, nous ne le saurons sans doute jamais, et pourtant bien des signes témoignent du fait que c’est ainsi peut-être que l’avenir pénètre en nous pour s’y modifier longtemps avant qu’il n’arrive lui-même. Voilà pourquoi il est si important d’être solitaire et attentif lorsqu’on est triste : l’instant apparemment immobile où, semble-t-il, rien ne se passe, cet instant où l’avenir pénètre en nous est en effet beaucoup plus proche de la vie que cet autre moment arbitraire et patent où l’avenir nous arrive pour ainsi dire de l’extérieur. (…)
L’avenir est fixe, cher monsieur Kappus, mais c’est nous qui nous déplaçons dans l’espace infini. »
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RAINER MARIA RILKE
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Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est le secret de l’existence
Et le sanglot de la flûte survivra
Quand aura péri, l’existence
As-tu comme moi fait de la forêt ta demeure et déserté les palais
Suivi les rivières et escaladé les rochers
T’es-tu purifié de parfum et imprégné de lumière
As-tu bu le nectar de l’aube dans des coupes sans corps
Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est le secret de l’existence
Et le sanglot de la flûte survivra
Quand aura péri, l’existence
T’es-tu comme moi posé le soir dans les bras de la vigne,
caressé par des grappes en or,
T’es-tu la nuit couché sur l’herbe et couvert du ciel,
Oubliant le passé et ignorant le futur
Donne-moi la flûte et chante
Car le chant est l’essence des roses
Et le sanglot de la flûte survivra
Quand aura disparu, la flamme de l’existence
Donne-moi la flûte et chante
Et oublie mal et remède
Car les hommes sont des lignes, mais écrites avec de l’eau.
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FAYROUZ
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Oeuvre Bahram Dabiri
J’ai l’intention de toucher à la larme des fleurs, à l’épaisseur du moindre souffle empoté comme une confiture de muguet. Certains creusent, d’autres amassent la terre du trou. La terre, notre terre est à chacun. Je glisse sur le dos du monde et mon corps avance tout seul. L’enfance que je n’ai pas eue se cache dans le foulard de son anniversaire. Je tiens la vie comme une culbute, comme une dégringolade du vertige que le chaos embrassait. Je porte en moi l’immense récipient de la foudre et des feuilles mouillées. Dans le parfum du sommeil, des arbres secoués par le vent inventent une seconde pluie plus fine. Je suis un migrateur inflexible, l’âge s’agite dans l’instable équilibre d’un chapeau de paille retourné. Je jubile et toute adversité s’envole. J’aime le verbe, il me donne à voir l’invisible. Je suis l’ami de ma chair pensante.
Néanmoins.
Un cri oublié se perpétue dans la trame commune. Des hommes et des oiseaux brisent les chaînes du ciel, le transpercent dans la pesanteur de l’instant qui n’a pas encore bu aux étoiles. L’heure est un aigle immense flottant sur les reflets de nos ajournements. J’ai reportéà demain la tristesse d’être venu au monde et la joie de dire : ici, c’est maintenant. Je cours les mains vides, je cloque comme un pâté de souffrance dans un silence inaccompli. Je ne verrai jamais la flambée de nuages s’éteindre dans la mousse de l’extrême incandescence. Ancré dans les eaux de la nuit, le bonheur est un souffle dont je ne peux m’emparer. Tout comme le vent s’habitue aux dédales de l’air, je me suis accoutumé aux tempêtes qui broussent mon sang. Je renonce à l’humidité qui rouille la clairvoyance de mon esprit. Les doigts moites de condescendance, j’écris mon corps avec le fer du grillage qui m’entoure.
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BRUNO ODILE
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Oeuvre Igor Morski
Jamais le monde n’a été aussi fort. Le terrorisme tel qu’on le connaît historiquement ne réussit qu’à renforcer le système qu’il prétend attaquer, bien que certains de ses membres aient pu avoir des têtes d’anges. Jamais la négation de l’âme n’a été aussi forte et tranquille. L’esprit n’est plus même nié, c’est plus sournois qu’une négation. Nous sommes comme des prisonniers dont le corps seul aurait le droit de sortir.
L’âme va rester vingt-quatre heures sur vingt- quatre en prison : le reste, le clinquant, c’est seulement cela qui est libre. Cette société ne croit plus qu’à elle-même, c’est-à-dire à rien. C’est donc une lutte infernale de chacun contre tous, car s’il n’y a qu’un seul monde autant y être le premier : il y a presque une logique là-dedans. C’est le meurtre légal, accepté. Aujourd’hui, il n’y a plus d’obstacles. On est dans une sorte de progression négative dont on ne voit pas le terme et qui est comme d’avancer dans une nuit vide de tout. On a déclenché quelque chose qui est sans pitié, comme un fou qui aurait libéré sa folie. Il faudra que tout soit atteint pour qu’on commence à réfléchir. Le nihilisme porte un coup de boutoir à ce qui nous nourrit, et ce sont toutes les nourritures qui sont atteintes : on nous fait manger de mauvais mots, on nous fait avaler de terribles sourires. Il faudrait tout passer au jet, même les mots, même les religions (…)
La religion est devenue une nourriture fade, qui ne nourrit plus personne, et quand elle parle du cœur, c’est sans talent, parce qu’elle ne croit plus à ce mot. Seule la poésie garde un ferment actif de révolte. Je ne crois pas que les grands poètes nous parlent seulement de papillons quand ils en parlent : ils nous apportent aussi un premier secours.
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CHRISTIAN BOBIN
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Oeuvre Igor Morski
Je ne suis pas vieille, dit-elle
Je suis rare.
Je suis l'ovation debout
À la fin de la pièce.
Je suis la rétrospective
De ma vie en tant qu'oeuvre d'art
Je suis les heures
Reliées comme des points
Dans l'ordre juste.
Je suis la plénitude
D'exister.
Tu crois que j'attends de mourir...
Mais en fait j'attends d'être trouvée
Je suis un trésor.
Je suis une carte.
Et ces rides sont
Les empreintes de mon voyage
Tu peux me poser n'importe quelle question ...
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WENDY HUNTINGTON
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Oeuvre Raoul Ubac