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Channel: EMMILA GITANA
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DANS UN SOMBRE MOMENT

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Dans un sombre moment, mon œil commence à voir,

Je rencontre mon ombre au plus profond de l’ombre ;

J’écoute mon écho dans l’écho de ce bois –

Seigneur de la nature pleurant la mort d’un arbre.

Je vis entre le troglodyte et le héron,

Les bêtes des collines et les serpents des grottes.

 

 Qu’est la folie sinon la noblesse de l’âme

Brouillée avec les circonstances ? Le jour brûle !

Je sais la pureté du plus pur désespoir,

Mon ombre épinglée sur un mur tout suintant.

Ce lieu dans les rochers – est-ce bien une grotte ?

Un sentier sinueux ? La marge est mon domaine.

 

 Tenace une tempête de correspondances !

Un flot d’oiseaux la nuit, une lune en lambeaux,

Et dans le vaste jour le retour de minuit !

Un homme s’en va loin découvrir ce qu’il est –

Le moi qui meurt au fond d’une longue nuit sans larmes,

La nature s’embrasant d’un feu non-naturel.

 

 Sombre, sombre mon jour, plus sombre mon désir.

Mouche d’été qu’affole la chaleur, mon âme

Bourdonne sur le seuil. Lequel de mes moi suis-je ?

Homme tombé, je me redresse hors de ma peur.

L’esprit entre en lui-même, et Dieu entre en l’esprit,

Alors un devient l’Un, libre au vent qui déchire.

 

 .

 

THEODOR  ROETHKE

Traduction Raymond Farina

 

.

 

 

nevado

 

 Oeuvre Mario Sanchez Nevado

 


PAVANE DE L'AUTRE NATURE

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 Aux paroles qui reviennent de l’herbe

Avec des globes de rosée scintillants

D’herbe fraîche à la veine pâture

Comme l’odeur du foin au petit jour

Toute la verdure passée en paroles

Fanés à coups de fourche qui l’égaillent

Sur le revers où la sauge raidit

Dans la sécheresse aux faces d’épreuve

Je demande aujourd’hui de m’accueillir

 

Aux paroles qui vont sur le feu

Bouillir parmi les viandes à sauce

Dans la marmite aux sorcières fétides

Par la riche confusion des langues

Sous le feu des mots partis en fumée

Avec les bas morceaux de la tripaille

A tous sarments, fagots, rondins et bûches

Pour le fumet des pièces savoureuses

Je demande uniquement de flamber

 

Aux paroles qui font de l’ombre

Dans le plein du jour qu’elles tamisent

Pour la fièvre accordée aux amants

Lourdes paroles foncées des adieux

Belles d’un secret qu’elles enrobent

Dans le moite et féroce affrontement

De la lumière douce en sa crudité

Pae les deux mains que l’ombre a câliné

Je demande mes raisons d’exister

 

Aux paroles que me souffle le vent

Par le panache fleuri des roseaux

Qui frémissent comme au temps de Midas

Ou les entends-tu trembler de Pascal

Car le vent aura toujours des oracles

Pour ceux-là qui viendront interroger

L’ample cœur d’une nature étrangère

Aux destins des paroles qui se perdent

Je demande l’asile d’une mémoire

 

Aux paroles qui prennent le soleil

De très haute figure qui les cuit

Avec toutes les herbes souhaitées

Rissolante image d’une tornade

Qui plonge au bain de l’effusion sacrée

Avec le fracas des soies arrachées

Les paroles jaunes comme des cailles

Abattues au vol suprême d’Icare

Je demande la  grâce d’ensoleiller

 

Aux paroles que je reçois de l’eau

La douceur exige qu’elles  trempent

Dans les grandes fontaines murmurantes

Ou bien qu’elles se coulent sur mon bras

Comme le fleuve d’une terre aimée

Dans l’esprit des paroles divisées

D’avec le monde désert des passions

Que soulève l’irruption de la grâce

Je demande l’appui d’être soluble

 

Aux paroles tombées en poussière

Avec la ruine des siècles mangés

Par l’histoire à décliner les empires

Et rendre une justice ironique

Aux amours des bergères et des preux

Pour que leur chanson nous vienne en sabots

Secouant les paroles de poussière

Pour éclater de rire aux dialectiques

Je demande seulement qu’elles crèvent

 

Aux paroles qui coulent des nuages

En promenade aux baraques du ciel

Qu’on visite  à la faveur des élans

Maniés par de grands diables d’archanges

Forains établis dessus la planète

Qui gravite en sa course leurs manèges

Ces paroles sont farine du cirque

Monté par hautes juments vaporeuses

Je demande d’ébranler le système

 

Aux paroles qui montent de la terre

Assoiffées par la récrimination

Tout aussi juste que prunes cueillies

Les paroles à goût de terre éteinte

Prennent aussi vite le frais du soir

Sur les pas des portes où sont assis

Les donneurs de conseils aux voyageurs

Qui s’en retirent comme d’Emmaüs

Je demande le respect de la terre

 

Aux paroles écoutées dans les arbres

Si c’est un figuier on peut les secouer

Un chêne il n’y faut point y porter la main

Des frênes tant que vous voudrez les voir

Attention si c’est un mûrier qui parle

Mais des sapins ou de gros églantiers

Peuvent vous donner des visions fondées

Comme tant d’arbres que nous estimons

Je demande à faire parler les arbres

 

Aux paroles qui sautent sur les pierres

Comme autant de truites sous la cascade

Remontent à la source du torrent

Les jets de paroles drues nous empêtrent

Pour peu que nous détachions des rochers

Un éboulis de langage avancé

Mais faites donc comme Miatlev

Les cailloux d’une l’alliance avec l’homme

Je demande à suivre l’inversité

 

Aux paroles que pressentent les bêtes

Accordons au moins notre frénésie

Un cou de cheval allonge un peu d’âme

Une peau de chat grésille d’ennui

La tête d’un chien vous répondra vite

Faut-il aussi vous approcher des lions

Pour qu’à leurs pattes vous entendiez vivre

La métamorphose des dieux bénins

Je demande que nous les écoutions

 

Aux paroles détachées de la nuit

Dont le troupeau vacille entre les crêtes

Je n’entends point retirer leur prestige

Que les inspirés leur concédèrent

Les arrêts des souverains messagers

Ils m’arrivent de l’exquise obscurité

Au grès de l’autre nature embrasée

Comme une mine de paroles sublimes

Je demande  à manifester les nuits

 

Aux paroles enflammées des oiseaux

Les scies d’un vaste atelier affûtées

N’apporterons jamais une réponse

Aussi prompte qu’un fulgurant concert

A la pointe de l’aurore organisé

Par les buissons de moineaux et de grives

Sans oublier l’assaut mené des bouvreuils

Sous la règle solitaire du merle

Je demande que les oiseaux paraissent

 

Toute parole épuisant ses reflets

Le consentement me semble excessif

Comme la récrimination osée

Aux paroles pour se faire plaisir

Mais j’appelle à signifier un accord

Aux paroles qui dévorent le sens

De l’autre nature aidée en ses refuges

Comme d’aucuns ont espéré du ciel

Dans les siècles nourris d’allégories

 

.

 

EDMOND HUMEAU

 

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BRUNO DE CUYPER,

Photographie Bruno de Cuyper

 

ETAT D'URGENCE...Extrait

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Asseyez-vous, peuples de loups, sur les frontières
et négociez la paix des roses, des ruisseaux,
l'aurore partagée.
Que les larmes, les armes
s'égarent dans la rouille et la poussière.
Que la haine crachée soit bue par le soleil.
La terre ouvre sa robe de ténèbres,
sa nudité enchante les oiseaux,
le jour se fend comme fille amoureuse.
Sous un ciel ébloui
viennent alors après tant de saccage
les épousailles de la terre et du feu,
le temps des sources,
des naissances.
Après le sang, la traîtrise et le cri,
ah, tant rêvé le règne des moissons
pour le bonheur des granges.
À nous qui hébergeons l'aube de la parole
de rassembler le grain,
les mots de l'espérance.
Un jour d'été, l'enfant plonge dans la rivière,
joue avec le soleil
sous le regard apaisé d'une mère,
le héron danse sur son nid de sable,
le renard ouvre des ailes d'ange
et le serpent, le mal aimé, forçat de la poussière,
sauvé, s'étire entre les seins du jour.

...

 

Parfois surgit l'âpre désir
de desserrer les doigts, d'ouvrir
la main qui nous retient à l'arbre de lumière,
de lâcher prise.
Parfois dans l'âme prisonnière
monte l'appel des gouffres
et le très bas murmure
des voix défuntes dans la brume.
Ce qui soudain occulte le soleil
est une main géante,
l'ombre d'une ombre
et d'un corps invisible.
On tomberait alors sans plus d'espoir d'une aile
vers des pays profonds,
des rives de silence
où des spectres aimés
tissent des gestes éternels.
Et là, le feu s'étant renié, on glisserait
dans la tendresse obscure de la terre.

Pourtant ce qui nous tient
est une main d'enfant,
un livre ouvert,
l'aurore d'une voix.

 

.

 

JEAN JOUBERT

 

.

 

christian shloe2

Oeuvre Christian Schloe

ECLATS DE VIVRE...Extrait

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Que faire maintenant
de tous ces graffiti
des adieux encombrants des choses
des oiseaux des hasards
désormais interdits
dans cette cruauté d’horloge

et à l’enfant seul comme une île
- à son effroi & à sa soif -
quel sésame quel schibboleth
quelle chose apaisante et douce
quel bienveillant symbole
laisser

si l’on n’a plus que l’art
de questionner l’écho
de voler au reflet
ce qu’il sait du parfait
aux maisons envolées
le secret d’habiter
et à la nostalgie
la vérité d’ici

comme un vieux ciel dément
cherchant parmi ses bleus
celui vif et vital
perdu dans son fouillis d’oiseaux
dans son trouble passé d’orages

.

 

RAYMOND FARINA

 

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ECLATS

SAISON D'APPEL...Extrait

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...

Et nous vivrons sous le silence de la neige,

corps à corps, bouche à bouche, suspendus

dans le cristal d’invincibles feuillages.

Et les jours glisseront, les astres, les soleils,

jour après jour, nuit après nuit, et les années

s’amasseront en robes sombres à nos pieds.

Des arbres, des enfants naîtront de cette mort,

d’autres mains dénouées de l’herbe de nos mains,

des ailes bougeront entre nos bras déserts.

Nous verrons s’effacer,  très loin sous nos fenêtres,

de petits gestes gris, des yeux bavards,

des ombres bues par de paisibles craies.

Nous les dirons de pluie, de feuilles, de passage :

rosées de sueur des terres maternelles,

ordres léger, cendre de nuit – si peu.

Dans le froid lumineux, nous survivrons longtemps

à nos désirs – siècles, années, secondes –

sous le regard figé de l’oiseau blanc.



.



JEAN JOUBERT

 

.

 

FUSION

LE CHANT DE SAMA N'DEYE ...Extrait

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Avant que ne scintille

ta face à ma vue,

et que mes regards ne vacillent…

 

Avant que ne résonne d’émoi ton nom

et que la peur ne détonne en moi,

te redoutant en même temps que t’épiant,

je cherchais à ne rien perdre

de l’heure de cette rencontre…

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Dans la nuit glaciale

du désert de l’absence,

du silence que blesse

le fil frêle d’un vain espoir,

un murmure sourd,

semblable à ta voix,

en sortant de ma bouche.

- Au cœur de ma solitude tu habites,

et dans l’écho de ta pensée

est mon séjour.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant

 

J’ai interrogé la source,

pour éteindre mes souffrances.

L’eau fut claire à ma douleur,

les ablutions ont assoupi le feu,

elles n’ont pas éteint la vérité.

 

Et de ton visage,

la source a dit

que je ne serai jamais étanchée.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

La source a dit encore :

tu ne vins de nulle part,

tu fus toujours là !

 

Sommeillant au fond de moi-même,

ta voix précéda dans ma vie

ton nom comme ton visage.

 

Tu t’éveillas avec

les bourgeonnements de mon corps,

je croissais et fleurissais

par ta possession de ma vie.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Je n’ai plus de souffle ni de battement

de sang,

que la muette oraison

des syllabes de ton nom.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Ramène-moi au sommeil d’innocence

dans lequel nous dormions unis,

et qu’aucun réveil

ne nous sépare plus.

 

Clos ensemble,

tu seras ma coquille et moi ta chair ;

nous serons l’escargot d’avant la peine

et nous habiterons en nous.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Si tu m’étais jamais étranger,

nous nous séparerions après l’étreinte

comme divorcent le feu et la cendre.

Tu me laisserais éteinte et abusée,

songeuse et insipide,

dans l’étrangeté d’avoir aimé.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Or, brûlante dans ma chair,

ta pensée croît ;

de feu pendant ta présence,

et de glace durant ton absence.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Il me souvient ma chevelure

de nuit se tressant de désirs et de songes,

- et mes espérances, - et mes tentations,

tels de longs serpents nus et souffrants,

le corps brûlant de venin mûr,

ils baisaient mon sein de frais sifflements,

et dans la morsure consentie de ma chair,

ils éclataient

d’un ivresse aboutie

et toute recueillie.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Je m’enroulais dans une exquise solitude

au milieu de leurs caresses multipliées.

 

Et, mêlant mes transes

et leurs spasmes,

elles infusaient jusqu’à mes secrets

d’adolescente.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Hôtes fondus en moi,

je les portais au jour par mon corps,

vêtue du voile de pudeur.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Quelle ombre qui par ton absence

recouvre à présent le jour ?

Dans la clarté même de ma prière,

une soudaine amaurose

éteint mes yeux.

- Je t’attends dans la nuit.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Pour que tu retrouves

le lieu de mon attente,

j’ai fondu toutes les étoiles du ciel

dans mes larmes.

Une rivière de lumière coule,

à laquelle tu viendras boire.

 

Ecoute le chant de N’déye,

écoute mon chant.

 

Longe le bord de ma peau

jusqu’à ce que tu reviennes

à mes sources,

tu embraseras toutes les nuits du monde

par l’effleurement de mes lèvres.

 

.

 

LEOPOLD CONGO MBEMBA

 

.

 

 

mbemba

 

RENE CHAR

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Dieux, aujourd'hui sans fonction, sans tribu, quel principe nous fait vos captifs? Vous avez cessé de nous protéger et nous nous sommes approchés de vous, vous avez dépensé votre chaleur et notre coeur bat dans votre retranchement, vous êtes devenus silencieux, nous vous entourons de paroles d'océan.

.

 

RENE CHAR

 

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Christian Carolina ,,

Photographie Christian Carolina

IN TENEBRIS

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Personne à qui pouvoir dire

que nous n'avons rien à dire

et que le rien que nous nous disons

continuellement

nous nous le disons

comme si nous ne nous disions rien

comme si personne ne nous disait

même pas nous

que nous n'avons rien à dire

personne

à qui pouvoir le dire

même pas à nous

 

Personne à qui pouvoir dire

que nous n'avons rien à faire

et que nous ne faisons rien d'autre

continuellement

ce qui est une façon de dire

que nous ne faisons rien

une façon de ne rien faire

et de dire ce que nous faisons

 

Personne à qui pouvoir dire

que nous ne faisons rien

que nous ne faisons

 que ce que nous disons

c'est-à-dire rien


.


GHERASIM LUCA

.

DES2

 

 


ANABASE VII

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Nous n’habiterons pas toujours ces terres jaunes, notre délice…

     L’Eté plus vaste que l’Empire suspend aux tables de l’espace plusieurs étages

de climats. La terre vaste sur son aire roule à plein bords sa braise pâle sous les

cendres - couleur de souffre, de miel, couleur de choses immortelles, toute la

terre aux herbes s’allumant aux pailles de l’autre hiver – et de l’éponge verte

d’un seul arbre le ciel tire son suc violet.

     Un lieu de pierres à mica ! Pas une graine pure dans les barbes du vent. Et la

lumière comme une huile.

– De la fissure des paupières au fil des cimes m’unissant,

je sais la pierre tachée d’ouïes, les essaims du silence aux ruches de lumière ; et

mon cœur prend souci d’une famille d’acridiens…

    

     Chamelles douces sous la tonte, cousues de mauves cicatrices, que les collines

s’acheminent sous les données du ciel agraire – qu’elles cheminent en silence sur

les incandescences pâles de la plaine ; et s’agenouillent à la fin, dans la fumée des

songes, là où les peuples s’abolissent aux poudres mortes de la terre.

     Ce sont de grandes lignes calmes qui s’en vont à des bleuissements de vignes

improbables. La terre en plus d’un point mûrit les violettes de l’orage ; et ces

fumées de sable qui s’élèvent au lieu des fleuves morts, comme des pans de siècle

en voyage…

 

     A voix plus basses pour les morts, à voix plus basses dans le jour. Tant de douceur

au cœur de l’homme, se peut-il qu’elle faille à trouver sa mesure ?... « Je vous parle,

mon âme ! –mon âme tout enténébrée d’un parfum de cheval. » Et quelques grands

oiseaux de terre, naviguant en Ouest, sont de bons mimes de nos oiseaux de mer.

     A l’orient du ciel si pâle, comme un lieu saint scellé des linges de l’aveugle, des

nuées calmes se disposent, où tournent les cancers du camphre et de la corne…

Fumées qu’un souffle nous dispute ! la terre tout attente en ses barbes d’insectes, la

terre enfante des merveilles !...

 

     Et à midi quand l’arbre jujubier fait éclater l’assise des tombeaux, l’homme clôt

ses paupières et rafraîchit sa nuque dans les âges… Cavaleries du songe au lieu des

poudres mortes, ô routes vaines qu’échevèle un souffle jusqu’à nous ! où trouver! où

trouver les guerriers qui garderont les fleuves dans leurs noces ?

     Au bruit des grandes eaux en marche sur la terre, tout le sel de la terre tressaille

dans les songes. Et soudain, ah ! soudain que nous veulent ces voix ? Levez un peuple

de miroirs sur l’ossuaire des fleuves, qu’ils interjettent appel dans la suite des siècles !

Levez des pierres à ma gloire, levez des pierres au silence, et à la garde de ces lieux

les cavaleries de bronzes verts sur de vastes chaussées !...

 

     (L’ombre d’un grand oiseau me passe sur la face.)

 

.

 


ST JOHN PERSE

 

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ROMAN VELISCHKO

Oeuvre Roman Velischko

 

 

 

 

CANTIQUE DE LA CONNAISSANCE

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L’enseignement de l’heure ensoleillée des nuits du Divin.
À ceux, qui, ayant demandé, ont reçu et savent déjà.
À ceux que la prière a conduits à la méditation sur l’origine du langage.
Les autres, les voleurs de douleur et de joie, de science et d’amour, n’entendront rien à ces choses.
Pour les entendre, il est nécessaire de connaître les objets désignés par certains mots essentiels
Tels que pain, sel, sang, soleil, terre, eau, lumière, ténèbres, ainsi que par tous les noms de métaux.
Car ces noms ne sont ni les frères, ni les fils, mais bien les pères des objets sensibles.
Avec ces objets et le prince de leur substance, ils ont été précipités du monde immobile des archétypes dans l’abîme de tourmente du temps.
L’esprit seul des choses a un nom. Leur substance est innomée.
Le pouvoir de nommer des objets sensibles absolument impénétrables à l’être spirituel
Nous vient de la connaissance des archétypes qui, étant de la nature de notre esprit, sont comme lui situés dans la conscience de l’œuf solaire.
Tout ce qui se décrit par le moyen des antiques métaphores existe en un lieu situé ; de tous les lieux de l’infini le seul situé.
Ces métaphores que le langage aujourd’hui encore nous impose dès que nous interrogeons le mystère de notre esprit,
Sont des vestiges du langage pur des temps de fidélité et de connaissance.
Les poètes de Dieu voyaient le monde des archétypes et le décrivaient pieusement par le moyen des termes précis et lumineux du langage de la connaissance.
Le déclin de la foi se manifeste dans le monde de la science et de l’art par un obscurcissement du langage.
Les poètes de la nature chantent la beauté imparfaite du monde sensible selon l’ancien mode sacré.
Toutefois, frappés de la discordance secrète entre le mode d’expression et le sujet,
Et impuissants à s’élever jusqu’au lieu seul situé, j’entends Pathmos, terre de la vision des archétypes,
Ils ont imaginé, dans la nuit de leur ignorance, un monde intermédiaire, flottant et stérile, le monde des symboles.
Tous les mots dont l’assemblage magique a formé ce chant sont des noms de substances visibles
Que l’auteur, par la grâce de l’Amour, a contemplées dans les deux mondes de la béatitude et de la désolation.
Je ne m’adresse qu’aux esprits qui ont reconnu la prière comme le premier entre tous les devoirs de l’homme.
Les plus hautes vertus, la charité, la chasteté, le sacrifice, la science, l’amour même du Père,
Ne seront comptées qu’aux esprits qui, de leur propre mouvement, ont reconnu la nécessité absolue de l’humiliation dans la prière.
Toutefois, je ne dirai de l’arcane du langage que ce que l’infamie et la démence de ce temps me permettent d’en révéler.
Maintenant, je peux chanter librement le cantique de l’heure ensoleillée des nuits de Dieu
Et, proclamant la sagesse des deux mondes qui furent ouverts à ma vue,
Parler, selon la mesure imposée par le compagnon de service
De la connaissance perdue de l’or et du sang.
J’ai vu. Celui qui a vu cesse de penser et de sentir. Il ne sait plus que décrire ce qu’il a vu.
Voici la clef du monde de lumière. De la magie des mots que j’assemble ici
L’or du monde sensible tire sa secrète valeur.
Car ce ne sont pas ses vertus physiques qui l’ont fait roi des esprits.
La vérité est cela par rapport à quoi l’Illimité est situé.
Mais la vérité ne fait pas mentir le langage sacré : car elle est aussi le soleil visible du monde substantiel, de l’univers immobile.
De ce soleil, l’or terrestre tire sa substance et sa couleur ; l’homme la lumière de sa connaissance.
Le langage retrouvé de la vérité n’a rien de nouveau à offrir. Il réveille seulement le souvenir dans la mémoire de l’homme qui prie.
Sens-tu se réveiller en toi le plus ancien de tes souvenirs ?
Je te révèle ici les origines saintes de ton amour de l’or.
La folie a soufflé sept fois sur le chandelier d’or de la connaissance.
Les mots du langage des Aaronites sont profanés par les enfants menteurs et les poètes ignorants
Et l’or du chandelier, saisi par les ténèbres de l’ignorance, est devenu le père de la négation, du vol, de l’adultère et du massacre.
Ceci est la clef des deux mondes de la lumière et des ténèbres. O compagnon de service !
Pour l’amour de cette heure ensoleillée de nos nuits,
Pour la sécurité de ce secret entre toi et moi,
Souffle-moi la parole enveloppée de soleil, le mot chargé de foudre de ce temps dangereux.
Je t’ai nommé ! te voici dans le rayon avant-coureur au sein du nuage figé, muet comme le plomb,
Dans le bond et le vent de la masse de feu,
Dans l’apparition de l’esprit virginal de l’or,
Dans le passage de l’ove à la sphère,
Dans l’arrêt merveilleux et dans la sainte descente, quand tu regardes l’homme entre les deux sourcils,
Dans l’immobilité de la nuée infinie, d’une seule prière, ouvrage des orfèvres du Royaume,
Dans le retour à la désolation mariée au Temps.
Dans le chuchotement de compassion qui l’accompagne.
Mais la clef d’or de la sainte science est demeurée dans mon cœur.
Elle m’ouvrira encore le monde de lumière. Gravir les degrés jusqu’à se sentir pénétré de la matière même de l’espace pur,
Ce n’est pas connaître ; c’est enregistrer encore des phénomènes de manifestation.
Le chemin qui mène du peu au beaucoup n’est pas celui de la sainte science.
Je viens de décrire l’ascension vers la connaissance. Il faut s’élever jusqu’à ce lieu solaire
Où l’on devient par la toute-puissance de l’affirmation — quoi donc ? — cela même que l’on affirme.
C’est ainsi que les mille corps de l’esprit se révèlent aux sens vertueux.
Monter d’abord ! sacrilègement ! jusqu’à la plus démente des affirmations !
Et puis descendre, d’échelon en échelon, sans regret, sans larme, avec une joyeuse confiance, avec une royale patience,
Jusqu’à cette boue où tout est déjà contenu avec une évidence si terrible et par une nécessité si sainte ! Par une nécessité sainte, sainte, sainte en vérité ! Alléluia !
Et qui parle ici de surprise ? il est encore une surprise dans l’apparition inattendue à travers les ombres d’une porte d’antique cité
D’un lointain de mer avec sa sainte lumière et ses voiles heureuses.
Mais dans la naissance d’un sens nouveau et d’un sens qui servira l’esprit de la science vraie, de la science amoureuse, il n’est plus de surprise.
C’est la coutume dans nos hauteurs d’accueillir toute nouveauté comme une épouse retrouvée après le temps et pour toujours.
Ainsi me fut révélée la relation de l’œuf solaire à l’âme de l’or terrestre.
Et ceci est la prière efficace où doit s’abîmer l’opérateur :
Entretiens en moi l’amour de ce métal que colore ton regard, la connaissance de cet or qui est un miroir du monde des archétypes
Afin que je dépense sans mesure tout mon cœur à ce jeu solaire de l’affirmation et du sacrifice.
Reçois-moi dans cette lumière archangélique qui sommeille mille ans dans le blé funéraire et y entretient le feu caché de la vie.
Car le blé des antiques tombeaux, versé dans le sillon, s’illumine comme un cœur de sa propre charité
Et ce n’est pas le soleil mortel qui donne à la moisson sa couleur invariable de sagesse.
Telle est la clef du monde de lumière. À qui la manie d’une main pieuse et sûre elle ouvre aussi — l’autre région.
J’ai visité les deux mondes. L’amour m’a conduit tout au fond de l’être.
J’ai porté sur ma poitrine le poids de la nuit, mon front a distillé une sueur de mur.
J’ai tourné la roue d’épouvante de ceux qui partent et reviennent. Il ne reste de moi en maint endroit qu’un cercle d’or tombé dans une poignée de poussière.
J’ai exploréà tâtons les labyrinthes hideux du monde de fureur et sous les grandes eaux sommeillent mes patries étranges.
Je me taisais. J’attendais que la folie de mon roi me saisît à la gorge. Ta main, ô mon roi ! est sur ma gorge. C’est là le signe, voici l’instant. Je parlerai.
Tu m’as fait naître dans un monde qui ne te connaît plus, sur une planète de fer et d’argile, nue et froide.
Au milieu d’un grouillement de voleurs abîmés dans la contemplation de leur sexe.
Là, à la puanteur du massacre succède l’encensement imbécile des trompeurs de peuples.
Et pointant, fils de la boue et de la cécité, je n’ai pas de mots pour décrire
Les précipices d’iniquité de cet autre Tout, de cet autre Illimité
Créé par ta propre toute-puissance de négation.
Ce lieu séparé, différent, hideux, cet immense cerveau délirant de Lucifer
Où j’ai subi durant l’éternité l’épreuve de la multiplication des grands fulgurants, des systèmes déserts.
Le plus atroce était au zénith et je le voyais comme d’un précipice de soleil noir.
Ah ! sacrilège infini auprès duquel le saint cosmos développé devant notre monde infime
Est comme un carré de givre illuminé pour la Nativité et prêt à fondre au souffle de l’Enfant.
Car tu es Celui qui est. Toutefois, tu es au-dessus de toi-même et de cette nécessité absolue par laquelle tu es.
Voilà pourquoi, Affirmateur, la totale négation est en toi, liberté de prier ou de ne pas prier. Voilà pourquoi aussi tu fais passer les affirmateurs par les grandes épreuves de la négation.
Car tu m’as jeté dans la chaleur la plus noire de cette éternité d’épouvante où l’on se sent saisi
À la mâchoire par le harpon de feu et suspendu dans la folie du vide parfait,
Dans cette éternité où les ténèbres sont l’absence de l’autre soleil, l’extinction de la joyeuse ellipse d’or ;
Où les lumières sont fureur. Où toute chose est moelle de l’iniquité.
Où l’opération de la pensée est unique et sans fin, partant du doute pour aboutir au rien.
Où l’on n’est pas solitaire mais solitude, ni abandonné mais abandon, ni damné mais damnation.
Je fus voyageur en ces terres du nocturne fracas
Où, seuls parmi les choses physiques,
L’amour furieux et la lèpre du visage baignent leurs maudites racines.
J’y ai mesuré, ver aveugle, les sinuosités d’une ligne de ta main. Ce pays de la nuit dense comme pierre,
Ce monde de l’autre étoile du matin, de l’autre fils, de l’autre prince, c’était ta main fermée. Cette main s’est ouverte et me voici dans la lumière.
Il faut l’avoir vu, Lui, l’Autre, pour comprendre pourquoi il est écrit qu’il vient comme le voleur. Il est plus loin que le cri de la naissance, il est à peine, il n’est pas. L’espace d’un grain de sable, le voici tout entier en toi, lui, l’autre, le prince assis muet dans la cécitééternelle.
Toi dans l’œuf solaire, toi, immense, innocent, tu te connais. Mais les deux infinis de ton affirmation et de ta négation ne se connaissent pas, ne se connaîtront jamais, car l’éternité n’est que la fuite de l’un devant l’autre.
Et toute la hideuse, la mortelle mélancolie de l’espace et du temps n’est que la distance d’un oui à un non et la mesure de leur séparation irrémédiable.
C’est ici la clef du monde des ténèbres.
L’homme en qui ce chant a réveillé non pas une pensée, non pas une émotion, mais un souvenir, et un souvenir très ancien, cherchera, dorénavant, l’amour avec amour.
Car c’est cela aimer, car c’est cela amour : quand on cherche avec amour l’amour.
J’ai cherché comme la femme stérile, avec angoisse, avec fureur. J’ai trouvé. Mais quoi ? mais qui ? le dominateur, le possesseur, le dispensateur des deux lèpres.
Et je suis revenu, afin de communiquer ma connaissance. Mais malheur à qui part et ne revient pas.
Et ne me plains pas d’y être allé et d’avoir vu. Ne pleure pas sur moi :
Noyé dans la béatitude de l’ascension, ébloui par l’œuf solaire, précipité dans la démence de l’éternité noire d’à côté, les membres liés par l’algue des ténèbres, moi je suis toujours dans le même lieu, étant dans le lieu même, le seul situé.
Apprends de moi que toute maladie est une confession par le corps.
Le vrai mal est un mal caché ; mais quand le corps s’est confessé, il suffit de bien peu pour amener à soumission l’esprit même, le préparateur des poisons secrets.
Comme toutes les maladies du corps, la lèpre présage donc la fin d’une captivité de l’esprit.
L’esprit et le corps luttent quarante ans ; c’est là le fameux âge critique dont parle leur pauvre science, la femme stérile.
Le mal a-t-il ouvert une porte dans ton visage ? le messager de paix, Melchisedech entrera par cette porte et elle se refermera sur lui et sur son beau manteau de lamies. Mais répète après moi : Pater noster.
Vois-tu, le Père des Anciens, de ceux qui parlaient le langage pur, a joué avec moi comme un père avec son enfant. Nous, nous seuls, qui sommes ses petits enfants nous connaissons ce jeu sacré, cette danse sainte, ce flottement heureux entre la pire obscurité et la meilleure lumière.
Il faut se prosterner plein de doutes, et prier. Je me plaignais de ne le point connaître ; une pierre où il était tout entier m’est descendue dans la main et j’ai reçu au même instant la couronne de lumière.
Et regarde-moi ! Environné d’embûches je ne redoute plus rien.
Des ténèbres de la conception à celles de la mort, un fil de catacombes court entre mes doigts dans la vie obscure.
Et pourtant, qu’étais-je ? Un ver de cloaque, aveugle et gras, à queue aiguë, voilà ce que j’étais. Un homme créé par Dieu et révolté contre son créateur.
« Quelles qu’en soient l’excellence et la beauté, aucun avenir n’égalera jamais en perfection le non-être. » Telle était ma certitude unique, telle était ma pensée secrète : une pauvre, pauvre pensée de femme stérile.
Comme tous les poètes de la nature, j’étais plongé dans une profonde ignorance. Car je croyais aimer les belles fleurs, les beaux lointains et même les beaux visages pour leur seule beauté.
J’interrogeais les yeux et le visage des aveugles : comme tous les courtisans de la sensualité, j’étais menacé de cécité physique.
Ceci est encore un enseignement de l’heure ensoleillée des nuits du Divin.
Jusqu’au jour où, m’apercevant que j’étais arrêté devant un miroir, je regardai derrière moi. La source des lumières et des formes était là, le monde des profonds, sages, chastes archétypes.
Alors cette femme qui était en moi mourut. Je lui donnai pour tombeau tout son royaume, la nature. Je l’ensevelis au plus secret du jardin décevant, là où le regard de la lune, de la prometteuse éternelle se divise dans le feuillage et descend sur les endormies par les mille degrés de la suavité.
C’est ainsi que j’appris que le corps de l’homme renferme dans ses profondeurs un remède à tous les maux et que la connaissance de l’or est aussi celle de la lumière et du sang.
O Unique ! ne m’ôte pas le souvenir de ces souffrances, le jour où tu me laveras de mon mal et aussi de mon bien et me feras habiller de soleil par les tiens, par les souriants. Amen.

 

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OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ

 

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thami benkirane,

Photographie Thami Benkirane

 

NIHUMIM...Extrait

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Quarante ans.
Je connais peu ma vie.
Je ne l’ai jamais vue
S’éclairer dans les yeux d’un enfant né de moi.
Pourtant j’ai pénétré le secret de mon corps. Ô mon corps !
Toute la joie, toute l’angoisse des bêtes de la solitude
Est en toi, esprit de la terre, ô frère du rocher et de l’ortie.
Comme les blés et les nuages dans le vent,
Comme la pluie et les abeilles dans la lumière,
Quarante ans, quarante ans, mon corps, tu as nourri
De ton être secret le feu divin du Mouvement:
Tu ne passeras pas avant le mouvement de l’univers.
Que le son de ton
nom inutile et obscur
Se perde avec le cri du dormeur dans la nuit;
Rien ne saurait te séparer de ta mère la terre,
De ton ami le vent, de ton épouse la lumière.
Mon corps! tant que deux cœurs séparés, égarés,
Se chercheront dans les vapeurs des cascades du matin,
Tant qu'un douzième appel de midi vibrera pour réjouir
La bête qui a soif et l’homme qui a faim
; tant que le loriot,
L’hôte des sources cachées, renversera sa pauvre tête
Pour chanter les louanges du Père des forêts; tant qu’une touffe
De myrtil noir élèvera ses baies pour leur faire respirer
L’air de ce monde, quand l’eau de soleil est tombée,
O errante poussière!
ô mon corps, tu vivras pour aimer et souffrir

 

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OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ-MILOSZ

 

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GOXWA-3,

Oeuvre Goxwa

http://www.goxwa.com/

L'ESPOIR

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  Pour Cé, 7 ans aujourd'hui

                                .


                    S’il en fait vivre quelques uns,

                    l’espoir ne manque jamais

                    d’en faire mourir plusieurs
                    .

                    Mais, à vrai dire,

                    pour vivre ou pour mourir,

                    faut-il vraiment s’en remettre

                    à l’espoir ?

                    L’âne a-t-il besoin de carotte

                    pour se mettre en marche ?

                    C’est quand on a cessé d’espérer

                    qu’on peut voir surgir l’inespéré.

                    Car, de l’espoir, qu’attendre,

                    sinon, au pire, déception

                    et au mieux, s’étant cru comblé,

                    la démythification ?

                    (« Ah, c’était donc seulement cela

                    que l’on espérait ? »)

                    Seul l’inespéré

                    donne à la vie

                    le goût de vivre.

 

              .

    

 

                     GIL JOUANARD

 

                 .

 


                           

FUSION2

 







GUISANE...Extrait

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Je voudrais te dire en un mot comme le ciel semble s’élargir encore quand il contient tout l’amour que je te porte. Je voudrais marcher comme un sage dans la majesté et la solitude du désert pour te dire que chacun des grains de sable contient une infime partie de mon amour pour toi. Je voudrais toucher cette étoile, à qui j’ai donné ton nom, pour te dire que chaque étoile, dans sa danse au travers de l’univers, porte la voyelle des initiales de notre rencontre. Je voudrais traverser la mer avec les oiseaux et toucher les îles bienheureuses que sont la terre salée et la paix de ton corps. Mais je ne suis pas sage et, avant de dire un seul mot, ton baiser redonne au silence l’émerveillement et le bonheur des origines.

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PATRICK CHEMIN

 

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SOLITUDE

UN BRIN SOLITAIRE

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Tant il me plaît vaguer au bord de la mer
Quand vers l'amont avec le soleil migrant
Délinéer les contours des cimes et des monts
Ainsi de leur tendre la main le temps du rêve
Si loin la rumeur métallique des hydres d'acier
En moi le flux d'une énergie précieuse
Que la Nature lentement diffuse à l'entour
Tout comme les térébrantes fragrances
De l' immortelle embaument l'arche des vents
Aux vastes manteaux de dunes et ses versants
Que vous dire si ce n'est la complète osmose
Ce voile retissu à travers lequel embrasser le réel
A l'antique  La vie souriant encore et un peu
Aux origines    à la souveraine loi d'un havre
Providentiel et ses ineffables splendeurs
On y esquisse fidèle sans les cerner de raison
Les lointains de l'Olympe    les Chants de Virgile
En Esprit pour qui vient encore s'abreuver
Et s'éprend à l'envi de l'essence des choses
De tout être unique s'ouvrant aux liens du silence
Un brin de prose   filant à vau l'eau   je vogue
Comme je marche et me viennent non des rimes
Mais une phrase nûment     L'intarissable pensée
Éclose au petit matin qu'un jour du mois de Mai
Délie d'entre le blanc sommet et l'oyat touffu
Parmi les plus tendres métamorphoses
Alors d'évoquer en songeant à l'orée de la nuit
Combien le ciel peut être bleu et si profond
Au chant des vagues solennellement accordé
Pourquoi et comment cet attrait   la fascination
Que la Nature exerce au coeur de la foi
Lorsqu'à travers ses étendues et ses secrets
Elle concède au pèlerin tant d'almes privautés
N'aurais-je dès lors d'autre souhait que l'envol
Au jour du grand départ   depuis une vire
Qui donnerait sur l'Empyrée et ainsi
De ce dernier mot    Marin à terre   rendu à l'exil
Face à l'éternel en allé ou déjà de retour
Parmi les champs innombrables
Ô Ex-Île

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CRISTIAN GEORGES CAMPAGNAC

 

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ex-île

MELANIE DE BIASIO


FERNANDO PESSOA ...Extrait

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« J'ai déposé le masque et me suis vu dans le miroir :
C'était l'enfant d'il y a combien d'années...
Il n'avait pas du tout changé.
C'est là l'avantage de savoir ôter le masque.
On est toujours enfant!
Le passé que fut
L'enfant.
J'ai déposé le masque, et puis je l'ai remis.
C'est mieux ainsi,
Ainsi, sans le masque.
Et je retourne à la personnalité comme à un terminus de ligne. »

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FERNANDO PESSOA

 

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pessoa

 

POEMES POUR TOUTE MEMOIRE...Extrait

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Dans le temps dans la nuit

Je te parlerai

Dans le temps dans la nuit je pourrai répondre à voix basse

Le seul moment que la vie m'a volé

Dans le temps dans la nuit je retrouverai ton visage

Et la forme de mon visage

Je te parlerai dans le temps je te parlerai dans la nuit

J'écarterai enfin l'affreuse douleur de mon silence

J'écarterai enfin les jours mortels

Je te parlerai hors du temps je te parlerai dans la nuit

J'effacerai les traces amères de l'attente

J'effacerai le traces amères de l'oubli

Dans mes deux mains ouvertes je prendrai ton visage

Ton seul visage d'un seul instant mortel

Je te parlerai hors du temps j'écarterai la nuit

Je reprendrai les mots absolus

Pour te les dire enfin avec ma voix pareille

A la lumière.

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JACQUES PREVEL

 

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goxwa3,

Oeuvre Goxwa

 

 

 

 

 

 

TORRENT...Extrait

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Le monde est une clôture d’épines
Toile d’araignée où rampent des enfants aveugles
Le soleil pleut une aube sans habits
Et un violon ébauche une prière
Mais reste muet

L’œil strabique de Dieu a perdu son axe
Les corbeaux dévorent les colombes
La bonté efface les lignes de sa main
Et Géricault esquisse un Radeau rédempteur
Mais il meurt

Tout est abîme

Ironie de l’histoire
La chaîne d’or de ton enfance
Se penche avec ton cou
Pour féconder ma bouche
Nous germons

L’amour consolera peut-être de tant d’ombre
La douleur sanglotera peut-être aux éclats

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CRISTINA CASTELLO

 

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ROMAN VELISCHKO,

Oeuvre Roman Vélischko

TORRENTE

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El mundo es un alambrado de espinas
En cuya telaraña reptan niños ciegos
Llueve el sol un alba sin vestidos
Y un violín ensaya una plegaria
Pero es mudo

El ojo estrábico de Dios perdió su eje
Los cuervos devoran las palomas
La bondad borra las líneas de su mano
Y Géricault intenta una Balsa redentora
Pero muere

Todo es abismo

Ironía de la historia
La cadena de oro de tu infancia
Se inclina con tu cuello
Para fecundar mi boca
Germinamos

Acaso el amor consuele tanta sombra
Acaso el dolor solloce a carcajadas

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CRISTINA CASTELLO

 

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JEAN PAUL NEGLOT TOLGEN,,

Oeuvre Jean-Paul Neglot Tolgen

AMIRA

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La colombe partie dans le train de l'hiver

Amira,         

Lorsque nos ainés s'en vont

Comme toi

Une migration sans fin commence en nous

Une certitude nous accompagne

Que tout ce qui est beau

En nous et autour de nous,

Excepté la tristesse,

S'en va

Sans jamais revenir.

Les grenadiers

Dont tu aimais les fleurs

Leurs branches se sont ramollies

Et les ombres les ont quittées,

Le chemin, les quinquinas

Et les ruisseaux

Tous sont partis

Après ton départ

Et ne sont plus jamais revenus.

En hiver

Arrivent des oiseaux étranges cherchant refuge

Parmi eux des cailles

Aux ailes colorées

Des oiseaux de proie

Et des oiseaux frêles et tristes

Qui nous captivent par leur bonté

Ils ramassent cailloux et graines

Tremblent sous le coup du froid

Et d'un profond sentiment d'exil.

Mais tous ces oiseaux partent

Soudainement

Ils viennent soudain en hiver

Et soudain ils s'en vont avec lui.

 

Ô Amira, j'ai un sentiment fort et étrange

Qui se renforce chaque hiver

Et devient plus étrange

Je sens qu'un jour tu reviendras

Avec ces oiseaux

Colombe d'olivier

Colombe charmante

Colombe parfumée

Colombe gracieuse, douce et inquiète

Qui se pose sur le cerisier de notre jardin,

Colombe qui ressent le froid mortel

L'exil mortel

Dont la nostalgie aux oliveraies est mortelle

Colombe qui sourit, les yeux emplis de jardins de tristesse

Qui soupire, des restes de joie dans son roucoulement.

Dès que je la verrai, je la reconnaîtrai

Je reconnaîtrai les colliers des catastrophes

Autour de son tendre cou

Je reconnaîtrai ses regards printaniers et purs

Ses regards chargés de rosée

Comme les rêves des lacs

Je reconnaîtrai ses pas veloutés et timides

Ses pas réguliers

Comme le souffle des semis de laitues

Je reconnaîtrai sa voix singulière couleur lilas

Sa voix mélodieuse

Qui, chaque fois que je l'entends,

Semble provenir d'un lieu profond en moi,

Lieu lointain de mon âme,

Lieu perdu et inconnu,

Cette voix qui m'atteint

Et que je salue et étreins

Avant qu'elle me parvienne

Je ne la rate pas

Je peux la distinguer

Parmi les voix de toutes les colombes du monde

Rassemblées en un seul jardin.

Lorsque je la verrai, ma main ira

Se poser sur mon cœur

Mais je ne lui laisserai pas voir

Les larmes dans mes yeux

Ni les larmes de joie de l'avoir retrouvée

Ni les larmes de ma peur

Ni les larmes des années de tristesse

Ni celles de mes années de souffrance.

Mon sang affluera dans mes veines

Pour aller à sa rencontre,

L'accueillir

Et célébrer son retour.

Elle aussi nous reconnaîtra

Tout la guidera vers nous:

Notre chagrin

Notre attente

La nostalgie

Le crépuscule et l'ardeur

La nuit

Les nuages et l'herbe

La forêt

Les saisons

Les routes

Et les fleuves

 

Elle nous reconnaîtra et elle pleurera

Elle se souviendra de nous et elle pleurera

Elle ramassera les cailloux et les graines

Et elle pleurera

Elle tremblera de froid

De la profondeur de l'exil

Et elle pleurera.

Nous lui parlerons des champs de chardons

Des fruits de coloquinte

Des crimes et des vents

Des griffes de la dispersion

De la cruauté de la nuit

De l'ardeur des soirs

Nous lui parlerons de la défaite

De l'amertume et de la perdition

Nous lui rappellerons les bourgeons des oliviers

Et elle pleurera.

Elle ne nous niera pas

Elle ne nous craindra pas

Et de nous elle ne s'éloignera pas

Mais soudain elle partira

Comme elle est venue

Car l'hiver

Qui l'a amenée

Un jour repassera par notre jardin

A la vitesse d'un train

Alors elle se réveillera

 

Et terrorisée elle pleurera

Elle s'accrochera à l'une de ses fenêtres

Et pleurera

Elle s'éloignera

Des larmes dans ses yeux chéris.

 

Amira,

Lorsque nos aimés s'en vont

Comme toi

Une migration sans fin commence en nous

Une certitude nous accompagne

Que tout ce qui est beau

En nous et autour de nous,

Excepté la tristesse,

S'en va, s'éloigne,

Sans jamais revenir.


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TAHA MUHAMMAD ALI

 

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goxwa2,

Oeuvre Goxwa

 

 

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