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Channel: EMMILA GITANA
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LES ECROULEMENTS

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Regarde mon amour
Ce monde qui s’écroule
Autour de nous
En nous
Serre bien ma tête contre ta poitrine
Et dis moi ce que tu vois
Pourquoi ce silence ?
Dis-moi simplement ce que tu vois
Les étoiles contaminées tombent-elles
De l’arbre de la connaissance
Le nuage toxique des idées
Nous submergera-t-il bientôt ?

Dis-moi ce que tu vois
Brûle-t-on déjà les livres sur les places publiques
Rase-t-on la tête des femmes avant de les lapider
Y a-t-il des processions d’homme à cagoule
Brandissant croix et cimeterres
Pourquoi ce silence mon aimée
Sommes-nous sur une île flottante
Ou voguons-nous sur une torpille
Sommes-nous seuls
Ou enchaînés à d’autres frères de fortune
Quel jour sommes-nous
Quelle heure est-il ?
Serre bien ma tête contre ta poitrine
Et si tu peux
Ouvre ton ventre et accueille-moi
Au creuset de ta force
Fais-moi remonter le fleuve
Jusqu’à la source des sources
Replonge-moi dans la vasque de vie
Et verse sur ma fontanelle
Sept poignées d’orge
En fredonnant la chanson de Fayrouz
Celle que tu chantes mieux qu’elle

Pourquoi pleures-tu
As-tu peur pour le monde
Ou pour notre amour
Ne peux-tu rien pour moi ?
Alors dis-moi simplement ce que tu vois
De quel mal meurt-on aujourd’hui
Quelle est cette arme invisible qui extirpe l’âme
et le goût à nul autre pareil de la vie
quelle est cette caravane qui égorge ses chameaux
et vide ses outres d’eau dans le sable
quel est ce magicien
qui fait de la guerre un acte d’amour ?

 

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ABELLATIF LAÂBI

extraits, in L’étreinte du monde, 1993

 

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LAABI2

 

 

 


LA VAGABONDE...Extrait

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« Soyez sûrs qu’une longue patience, que des chagrins jalousement cachés ont formé, affiné, durci cette femme dont on s’écrie :
Elle est en acier !
Elle est ‘‘en femme’’, simplement et cela suffit ».

....

 

Je palpe amoureusement la pierre chaude au temple ruiné, et la feuille vernie des fusains, qui semble mouillée. Les bains de Diane, où je me penche, mirent encore et toujours des arbres de Judée, de térébinthes, des pins, des paulownias fleuris de mauve et des épines doubles purpurines. Tout un jardin de reflets se renverse au-dessus de moi et tourne décomposé dans l'eau d'aigue-marine au bleu obscur, au violet de pêche meurtrie, au marron de sang sec...Le beau jardin, le beau silence, où seule se débat sourdement l'eau impérieuse et verte, transparente, sombre, bleue et brillante comme un vif dragon!...

Une double allée harmonieuse monte vers la tour Magne entre les murailles ciselée d'ifs, et je me repose une minute au bord d'une auge de pierre, où l'eau ternie est verte de cresson fin et de rainettes bavardes aux petites mains délicates...Là haut, tout en haut, un lit sec d'aiguilles nous reçoit, moi et mon tourment.

 

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COLETTE

 

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colette2

 

 

THE MOODY BLUES ~ Nights In White Satin

LA CHEVRE...Extrait

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Merci à Marie-Paule et Raymond Farina...

..............

« Et si l’enfer est fable au centre de la terre,
Il est vrai dans mon sein ». Malherbe

A Odette

« Notre tendresse à la notion de la chèvre est immédiate pour ce qu'elle comporte entre ses pattes grêles - gonflant la cornemuse aux pouces abaissés que la pauvresse, sous la carpette en guise de châle sur son échine toujours de guingois, incomplètement dissimule - tout ce lait qui s'obtient des pierres les plus dures par le moyen brouté de quelques rares herbes , ou pampres , d'essence aromatique.
Broutilles que tout cela, vous l'avez dit, nous dira-t-on. Certes; mais à la vérité fort tenaces.
Puis cette clochette qui ne s'interrompt.
Tout ce tintouin, par grâce, elle a l’heur de la croire, en faveur de son rejeton, c’est-à-dire pour l’élevage de ce petit tabouret de bois, qui saute des quatre pieds sur place et fait des jetés battus, jusqu’à ce qu’à l’exemple de sa mère il se comporte plutôt comme un escabeau, qui poserait ses deux pieds de devant sur la première marche naturelle qu’il rencontre, afin de brouter toujours plus haut que ce qui se trouve à sa portée immédiate.
Et fantasque avec cela, têtu !
Si petites que soient ses cornes, il fait front.
Ah ! ils nous feront devenir chèvres , murmurent-elles – nourrices assidues et princesses lointaines, à l’image des galaxies – elles s’agenouillent pour se reposer. Tête droite, d’ailleurs, et le regard, sous les paupières lourdes, fabuleusement étoilé. Mais, décrucifiant d’un brusque effort leurs membres raides, elles se relèvent presque aussitôt, car elles n’oublient pas leur devoir. (…)

Et il ne faut pas la presser beaucoup pour tirer d’elle aussitôt un peu de ce lait, plus précieux et plus parfumé qu’aucun autre – d’une odeur comme celle de l’étincelle des silex furtivement allusive à celui des étoiles jaillies au ciel nocturne en raison même de cette violence, et dont la multitude et l’éloignement infinis seulement, font de leur lumière cette laitance –- breuvage et semence à la fois -- qui se répand ineffablement en nous. »

 

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FRANCIS PONGE

(Extrait de Le grand recueil - Pièces, Gallimard, 1963)

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Kseniya Zenina

Oeuvre Kseniya Zenina

PESANTE DOUCEUR

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La douceur est
dans le creux de nos mains,
quand la paume
consent à la forme étrangère.

La douceur est
dans le ciel et sa voûte nocturne,
quand le lointain
à la terre s’accommode.

La douceur est
dans ta main et la mienne,
quand la proximité brusquement
nous enferme.

La mélancolie est
dans ton regard et le mien,
quand la pesanteur
nous accorde l’un à l’autre.

 

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HANNAH ARENDT

Heureux celui qui n’a pas de patrie. Poèmes de pensée

(trad. F. Mathieu, éd. K. Biro), Payot, 2015.

 

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Cécile MINOT2

Photographie Cécile Minot

CAHIERS DE LA KOLYMA...Extrait

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(fragment)

Pour Boris Pasternak

Dans un passé encor récent,
Le soleil réchauffant les pierres,
La terre brûlait mes pieds
Nus tout couverts de poussière.

Et je gémissais sous les tenailles du froid
Qui m’avaient arraché ongles et chair,
Je brisais mes larmes avec la main,
Non, ce n’était pas en rêve.

Là-bas dans des comparaisons banales
Je cherchais la raison des coups,
Là-bas le jour même était supplice
Et arrangement avec l’enfer.

J’écrasais sous mes mains terrifiées
Mes tempes blanchies et en sueur,
Et ma chemise salée
Se cassait fort bien en morceaux.

Je mangeais comme une bête, rugissant après la nourriture,
Ce m’était merveille des merveilles
Qu’une simple feuille de papier àécrire
Tombée des cieux dans notre triste forêt.

Je buvais comme une bête, lapant l’eau,
Je trempais mes lèvres enflées,
Ne vivait au mois ni à l’année
Et prenais mon parti des heures.

Chaque soir dans la surprise
De me savoir vivant,
Je me disais des poèmes,
J’entendais à nouveau ta voix.

Je les chuchotais comme des prières,
Les vénérais comme une eau vivante
Et dans cette lutte gardais leur image
Et leur fil conducteur.

Ils étaient ce lien unique
Avec l’autre vie, là-bas
Où le monde nous étouffe sous son ordure,
Où la mort se déplace sur nos talons…

 

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VARLAM CHALAMOV

 

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MARNA2

Oeuvre Marna

LE BOIS DE VINCENNES...Extrait

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En été, le crépuscule est beau dans cette partie sauvage du bois ; là où la terre se creuse entre deux vagues vertes. L’eau s’écoule. Les vagues glissent. Des têtes transparentes de serpents, souples et cristallines, aux lumières du couchant. L’eau du bassin s’élève et redescend telle une poitrine, unissant en elle le miroir du ciel et les images des arbres alentour. Des larves s’agitent, frémissent sous l’écume. Sur la rive, une feuille de l’automne passé regarde, couleur de cendre, fine comme la dentelle de soie d’une femme. Élimée sous les doigts du temps, par la neige et la pluie, réduite à la trame de ses veines. Une beauté.

Les cimes des hauts cyprès se touchent, tête contre tête. Le silence est une biche dans leurs bras. Ici, l’amour est sacré, il a la fraîcheur d’une miniature persane. il y a la présence d’une jeune fille apparue et disparue sous ces branches, d’une jeune fille qui a rejoint celles qui sont passées, porteuses d’une promesse : créer un ciel où elles m’auraient reçu, aurait-on dit, après ma mort.

Les arbres séparés par un ruisseau sont face à face comme dans une procession nuptiale. Ils attendent. Ils portent des soies de couleur. Le vert pâle domine comme un appel. C’est l’époux royal. De temps à autre, il jette sa bride lumineuse à la princesse des Alains sur la rive d’en face ; le coeur de la princesse palpite et ses cheveux luisent couleur de miel. Il tombe une pluie de perles, d’émeraudes et de diamants. Les feuilles sont diaphanes, simples et fraîches. Certaines ont la couleur brillante des plumes de paon. D’autres sont d’un violet foncé et douces comme des mûres noires. D’autres encore passées au henné. Il y en a qui sont d’argent, et qui frémissent entre le ciel et la terre, tenues par des fils de lumière. D’autres tremblent comme des gorges de colombes. Il y en a qui bourdonnent, qui vibrent comme des ailes de papillons. Et lorsque le ciel rougeoie derrière, et que le soleil, ce Bouddha d’or, sourit au-delà des innombrables colonnes de lumière, il règne un bonheur, une grandeur venant du temple étrange et colossal. Exilés, les oiseaux se précipitent dans la lumière, comme pris dans le filet invisible, ils se jettent dans un vol angoissé, ouvrant et refermant les tenailles de leurs cris, et secouant de leurs ailes le regard magnétique et venimeux de la verdure.

 

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NIGOGHOS SARAFIAN

 

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Mohamed Jaamati

Oeuvre Mohamed Jaâmati

 

 

TERRE ROUGE

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Sur ma table de travail, dans ce vase,
repose une poignée de terre prise
aux champs de mon pays...

C'est un cadeau, — celui qui me l'offrit
crut y serrer son cœur, mais ne pensa jamais
qu'il me donnait aussi le cœur de ses ancêtres.

Je la contemple... Et que de longues heures passées
dans le silence et la tristesse
à laisser mes yeux se river sur elle, la fertile,
au point que mes regards y voudraient pousser des racines.

Et va le songe... Et je me dis
qu'il ne se peut que cette couleur rouge
soit enfantée des seules lois de la Nature,
mais comme un linge éponge des blessures,
de vie et de soleil qu'elle but les deux parts,
et qu'elle devint rouge, étant terre arménienne,
comme un élément pur que rien n'a préservé.

Peut-être en elle gronde encore le sourd frémissement
des vieilles gloires séculaires
et le feu des rudes sabots
dont le fracas couvrit un jour
des poudres chaudes des victoires
les dures armées d'Arménie?

Je dis: en elle brûle encore
la vive force originelle
qui souffle à souffle sut former
ma vie, la tienne, et sut donner
d'une main toute connaissante,
aux mêmes yeux noirs, avec la même âme,
une passion prise à l'Euphrate,
un cœur volontaire, bastion
de révolte et d'ardent amour.

En elle, en elle, une âme antique s'illumine,
une parcelle ailée de quelque vieux héros
si doucement mêlée aux pleurs naïves d'une vierge,
un atome de Haïg, une poussière d'Aram,
un regard profond d'Anania
tout scintillant encor d'un poudroiement d'étoiles.

Sur ma table revit encore une patrie,
— et de si loin venue cette patrie...—
qui, dans sa frémissante résurrection,
sous les espèces naturelles de la terre
me ressaisit l'âme aujourd'hui,
et comme à l'infini cette semence sidérale
au vaste de l'azur, toute gonflée de feu,
d'éclairs de douceurs me féconde.

Les cordes tremblent de mes nerfs...
Leur intense frisson fertilise bien plus
que le vent chaud de Mai le vif des terres.
Dans ma tête se fraient la route
d'autres souvenirs, des corps tout rougis
d'atroces blessures
comme de grandes lèvres de vengeance.

Ce peu de terre, cette poussière
gardée au cœur d'un amour si tendu
que mon âme un jour n'en pourrait,
si dans le vent elle trouvait
le reste de mon corps (devenu cendre,
cette poudre en exil d'Arménie, cette relique,
legs des aïeux qui savaient des victoires,
cette offrande rouge et ce talisman
serrée sur mon cœur de griffes secrètes,
vers le ciel, sur un livre,
quand vient cette heure précieuse
de l'amour et du sourire
à ce moment divin où se forme un poème,

cette terre me pousse aux larmes ou aux rugissements
sans que mon sang ne puisse s'en défendre,
et me pousse à armer mon poing
et de ce poing me tenir toute l'âme.

 

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DANIEL TCHEBOUKKIARIAN, dit VAROUJAN

 

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femmes2

 


ENFANCE...Extrait

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Je regardais les espaliers en fleurs le long du petit mur de briques roses, les arbres fleuris,la pelouse d’un vert étincelant jonchée de pâquerettes, de pétales blancs et roses, le ciel, bien sûr, était bleu, et l’air semblait vibrer légèrement… Et à ce moment-là, c’est venu…Quelque chose d’unique… Qui ne reviendra plus jamais de cette façon, une sensation d’une telle violence  qu’encore maintenant, après tant de temps écoulé, quand, amoindrie, en partie effacée elle me revient, j’éprouve… Mais quoi ? Quel mot peut s’en saisir ? Pas le mot à tout dire : « bonheur », qui se présente le premier, non, pas lui… « félicité», « exaltation », sont trop laids, qu’ils n’y touchent pas… et « extase »… comme devant ce mot ce qui est là se rétracte… « Joie », oui, peut-être… Ce petit mot modeste, tout simple, peut effleurer sans grand danger… mais il n’est pas capable de recueillir ce qui m’emplit, me déborde, s’épand, va se perdre, se fondre dans les briques roses, les espaliers en fleurs, la pelouse, les pétales roses et blancs, l’air qui vibre parcouru de tremblements à peine perceptibles, d’ondes… Des ondes de vie, de vie tout court, quel autre mot ?… De vie à l’état pur, aucune menace sur elle, aucun mélange, elle atteint tout à coup l’intensité la plus grande qu’elle puisse jamais atteindre… jamais plus cette sorte d’intensité-là, pour rien, parce que c’est là, parce que je suis dans cela, dans le petit mur rose, les fleurs des espaliers, des arbres, la pelouse, l’air qui vibre… Je suis en eux sans rien de plus, rien qui ne soit à eux, rien à moi.

 

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NATHALIE SARRAUTE

 

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grimpantes-roses

 

 

 

 

 

LES AVENTURES A L'EAU

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Dis que c’est pas certain
Que l’amour s’éteint
Comme l’or des musées
Le bleu des vieux blue-jeans usés

Dis-moi que c’est pas sûr
Que les initiales sur
Les arbres, enlacées
Finissent un jour par s’effacer…

Dis-moi que c’est vrai
Que tous les cœurs à la craie
Qu’on voit quand on est enfant
Dans les cours de récré
Disaient qu’on s’aimait vraiment
Ces cœurs à la craie
Disaient qu’on s’aimait vraiment

Moi je veux des tableaux
Comme peignait Pablo
Les peintures à l’huile
C’est plus difficile
Mais plus beau
Bien plus beau que les aventures à l’eau

Dis-moi où passent-elles
Ces peintures pastel
Ces mots griffonnés
Sur un bristol de fleurs fanées ?

Moi je veux des serments
Des marbres et des monuments
Mais pas toutes ces aquarelles
Belles ne fût-ce qu’un moment
Dis que tu m’aimes, même si tu mens
Ne fût-ce qu’un moment
Dis que tu m’aimes, même si tu mens

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DAVID McNEIL

 

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chagall

Oeuvre Marc Chagall

 

 

PALOMA PRADAL ET ANDREAS ARNOLD

MISTRAL GAGNANT

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A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu'y en a
Te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra
En serrant dans ma main tes p'tits doigts
Puis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d'pied pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j'étais, mino
Les bombecs fabuleux qu'on piquait chez l'marchand
Car-en-sac et Mintho caramels à un franc
Et les Mistral gagnants

A marcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu'y en a
Te raconter la terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un p'tit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s'marrer

Et entendre ton rire comme on entend la mer
S'arrêter, repartir en arrière
Te raconter surtout les carambars d'antan et les coco-boers
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents
Et les Mistral gagnants

A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Regarder le soleil qui s'en va
Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fous
Te dire que les méchants c'est pas nous
Que si moi je suis barge ce n'est que de tes yeux
Car ils ont l'avantage d'être deux
Et entendre ton rire s'envoler aussi haut
Que s'envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie et l'aimer même si
Le temps est assassin et emporte avec lui
Les rires des enfants et les mistral gagnants

 

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RENAUD SECHAN

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JEAN LAVOUE

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Si la parole se fait dure à présent,
Au point de glacer le sang du poème,
C’est qu’elle craint tout autant les envolées belliqueuses
Que les élans qui confieront bientôt aux urnes
Une demande de dureté plus grande encore!
Est-ce une Europe guerrière que nous voulons ainsi,
Une terre grillagée,
Ou bien un continent où s’invente un avenir,
Un vivier de lueurs possibles,
Une clairière de paix pour l’homme ?

Feignons-nous d’ignorer
Qu’en guerre nous l’étions déjà,
Et cela depuis des siècles !
Dominant le reste du monde,
La part de l’humanité la plus pauvre,
La plus misérable,
La plus vulnérable aussi.

Certes la puissance de nos armes avait fait taire les leurs.
L’économie régnait en maître, à notre profit.
Sans vergogne, nous avons pillé et spolié leurs ressources et leurs terres.
Nous avons cru que cette domination serait sans fin,
Et que nul parmi ces humiliés ne se lèverait jamais.
C’était méconnaître la force d’insurrection d’une foi commune
Quand elle embrase un destin constamment écrasé.

Il y a soixante ans, en pleine guerre d’Algérie,
Un homme* avait perçu cela avec une rare acuité.  
Il avait vu venir le choc que nous éprouvons aujourd’hui.
Avons-nous su, comme il nous y invitait, en retarder suffisamment l’échéance?
Nous sommes-nous préparés avec vigilance à l’inévitable rencontre ?

A mesure que le doute s’empare de nous
A propos de ce que nous avons fait de l’homme et de la terre,
Se dresse face à nous l’intransigeance d’une foi totale
Et prétendument pure des méfaits que nous aurions commis.
Elle n’est pas, cette foi, aussi esseulée que nous aimerions le croire.
Elle règne au cœur même du sanctuaire de ce continent sacré.
Les princes de cette religion ont certes joué avec le feu :
Sont-ils encore en mesure d’en juguler la fièvre destructrice ?
Ses pauvres n’ont plus rien à perdre !
Quand leur avons-nous prouvé que nous étions à leurs côtés ?
Certains pourtant étaient nés et avaient grandi parmi nous…

*André Malraux

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JEAN LAVOUE

http://www.enfancedesarbres.com

 

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le chaos et la lumière2

Photographie ©Pierre Minot et Gilbert Gormezano

 

COULEURS

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Moulin rouge
Derain fauve
Au tabac
Métro Blanche
Chapeaux pailles
Pablo mauve
Bleu de Prusse
Paix-revanche

Souris grises
Etoiles jaunes
Marché noir
Chemises brunes
Dollars verts
Pour Von Braun
Casques bleus
Pour des prunes

Ballets roses
Bérets verts
Côte d’Azur
Blond platine
Blancs marrons
Outremer
Gardes rouges
Et marines

Carte orange
Or en Suisse
Nérons noirs
Blancs comme neige
Ici gris
Blanc cassis
Pas marrantes
Histoires beiges

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DAVID Mc NEIL

 

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Bruno-Pezon-ALKAPLAN2

Oeuvre Bruno Pezon, dit Alkaplan

 

 

LOIN DE TOUS RIVAGES...Extrait

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"Fabuleuse parole qui rend aux champs la profondeur chaude des labours, au ruisseau sa source fertile et la mer aux salines qui engendrent l'aube.
C'est dans cet espace non fréquenté du Temps qu'il est encore seulement possible de s'instruire " car tout est encore à dire et rien n'est entendu ".

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JEAN-CLAUDE IZZO

 

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Les-quatre-saisons-de-Serge-Fiorio-

Oeuvre Serge Fiorio

sergefiorio.canalblog.com

 

 

 

 


CE N'EST QUE VIVRE...Extrait

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Ce leurre du labyrinthe
Ce goût d'amande amère,
Ce rêve de vaisseaux,
désemparés
Ne pleure pas,
ce n'est que vivre
.
Un goût de menthe
mêlé de cendre
Un goût de sable
et de songe
A force de marcher
dans la nuit aux mille chambres
secrètes
ou dans l'éclat fragile des genêts
nous inventons peut-être le lumineux chemin
de vivre et de mourir

.

 

COLETTE GIBELIN

 

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tham16,

Photographie Thami Benkirane

benkiranet.aminus3.com

 

 

CE N'EST QUE VIVRE...Extrait

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Peut-être n'est-il pas,
hélas,
de phares dans la nuit,
Que sommes-nous
sinon reflets de lune et vibrations du vide,
nuances et passages
fluctuations
flux et reflux,
et le creux et le grouillement
et le désordre et l'harmonie

Nos géographies s'éparpillent
Nos terres s'érodent
et se désorientent
Nous n'avons inventé ni l'axe ni l'éclat
Nous sommes méandres et mouvances,
oscillations et scintillements

N'est-il pas,
oh, n'est-il pas,
quelque part,
une île fourmillante et nue,
gonflée de sève,
une île où vivre est une vitre claire,
un miroitement d'or ?

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COLETTE GIBELIN

 

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col gib

 

L'ALPHABET DES ETOILES...Extrait

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On ne veille pas le mistral
l'amour est souffle de splendeur parmi les siècles
Le jour tremble au milieu de ses assises
soutenues par la solitude.
Laisse les ailes ouvertes
et sans résister
plane au dessus de ta raison
plonge dans ma vie.
Tes rêves sont fêlures du souvenir
sur le soir instigateur des frémissements du temps.

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ODELIN SALMERON

 

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plinio nomellini5

Oeuvre Plinio Nomellini

 

 

AZADEH - TRIO CHEMIRANI, OMAR SOSA ET BALLAKE SISSOKO

AGNES SCHNELL...Extrait

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 Mains mêlées,
mes mots recueillaient ses mots
mon souffle entourait son souffle.
Il ne me reste de son nom
que syllabes sonores
pour combien de temps
encore ?

Voler vers ses tournoiements
vers sa joie sa lumière
courir à son chant
danser dans ses pas
me fondre en son ombre.

Papillon noir démesuré
j'arpente rocailles grèves
et jardins clos,
papillon noir desséché
de ténèbres
je marche je dérive
inutile répétition
d'une recherche avortée.

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AGNES SCHNELL

 

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A D E • S A N T O R A

Photographie Ade Santora

 

 

 

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