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Channel: EMMILA GITANA
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ECAILLES

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Mort où tant de vie s'égare

de nos faibles yeux abandonnée.

Torrent tu nous étonnes

étincelant et boueux

de bouche en bouche

le doux et l'amer

cailloux et bois

achevés repris.

Ces photos floues

que le temps a bougées.

La lumière se cherche sur nos mains

et soudain tout est plume

neige neige —



Le même vent traîné dans le feu

la même nuit avec la même texture de branches

d'un bonheur inavoué.

La même croissance dans les gestes

et reffeuillement des mains sur la peau

trouées soudaines dans les formes

quand l'espace nous entend —



Nous avons vécu tout juste

le temps de ce poids

de tout ce qui sans plainte se déchire

ta vue hier soir

et ces tout petits ports des yeux

les paupières repeintes.



Depuis des ans nous n'avons plus commerce

qu'avec les pierres.

Nos pas s'allument aux craies aveugles

gisement étroit entre deux points d'eau.

Ma vie brûlée de tant de lumières

parfois d'une immense tendresse j'oublie

que tout est sourd

et me lève comme une mélodie.



Je t'écoute

son qui creuse les matins les corps très minces dansent sur les couteaux découpés dans la trame d'une résurrection —



Nos vies mûries au plus chaud de nos membres

toutes nos demeures en marche désormais

l'épaisseur obtuse de nos murs

de grève en grève et de mer en mer

poreuse et frêle dans la main

et partout ces écailles

où le jour frissonne et se décompose.



Je dis maintenant que tout est lisse et consterné je dis par les monts chauves de la mémoire dans les plis d'un grand rideau d'écumes quand s'ouvrent les fenêtres de mer que s'ajuste le ciel face à l'ombre et lisibles les rames du passant —

Jusqu'où m'étendrai-je à te veiller ?

Tu m'apprends à marcher quand la route se tait

N'oublie pas ce blanc du bois des fenêtres le soir.



La nuit circule le long de ses vastes réseaux ces pupilles se dilatent à vitesse constante et ne craquent jamais — tu n'arriveras jamais au fond de cette nuit



détail tremblant obstiné fiévreux

je lis ta rigueur dans l'ombre des fonds

tout est si lisse si net si reposé

aucun désordre ni colère

dans la neige pure des lois

les bêtes à griffes et à dents

luttent en silence

entre peau et lumière —



toute cette grandeur d'air s'engouffre dans les gestes tout ce qui n'est pas encore vient si près dans la paille de tant d'univers éteints —

je connais tes pas qui s'usent dans mes veines

je connais ton pas comme les mots que je fais

comme ce qui troue mon silence

et se défait

Tu verses des nuits dans mes membres

et me laisses

quand le jour se heurte à mes lampes

te refaire de rien.

 

.

 

LORAND GASPAR

 

.

LORAND


REDUIS A ETRE CE QUE JE SUIS

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Ici, je respire ce que j’expire ailleurs. L’orage a creusé des sillons d’eau et de branches qui vont rejoindre la mer. Ici, le néant n’en finit pas de dégorger ses noyaux d’éclairs. 

 

Brûlent et refleurissent les fruits rouges de la terre. Cloaques de mots, des langues tombent dans la gamelle des sens mutants. Je ne suis pas certain d’être en lieu et place d’une rénovation cataclysmique.  

 

Des sculptures explosent sous les rayons agressifs du soleil. Anéanties, elles s’immolent gentiment sur les stries fatiguées et sans promesse d’une rosée de joie. 

 

Combien de fois n’ai-je pensé en regardant les autres à quel point ils étaient heureux. Plus que moi. 

 

Ainsi, je marche pareillement en moi-même

que sur les routes défigurées

où s’amplifient les détails de l’existence.

Je ne vieillis plus,

j’habite le secours permanent

d’une plage déserte

soumise aux fracas des pluies évènementielles.

Chaque jour navigue à vue

dans les tempos souquant vers la parole.

Ma langue pousse la boue des marais

et la tempête qui rongeait mon corps

crache des messages bleus sur la gelée du matin.  

 

Dis-moi, dis-moi toi qui sais. Dis-moi où s’écoule ce petit souffle de vent qui vient de plus loin ? Quelle limite pour un regard ? Quel lever du jour pour la nuit accidentée ? 

 

     La main près de la main et soumis à mes racines, j’essaie de dire jusqu’où peuvent s’étendre mes branchages anciens. Je sais la sève qui me parcourt, chaque saison nouvelle elle défeuille mes bois et ronge l’écorce protectrice.  

 

Les mots nous reliant l’un à l’autre se diluent dans les cavités où s’incrustent les termites du temps et puis ils s’évadent après chaque flambée que le Mistral attise.   

 

Gouttes, pluie, source, larmes, sueur, sang, ombres décapitées, rumeurs, vagues, mots, rides.... Puis cela vibre à peine, s'essouffle, craque, grimace, s'efface et se tait. Ce qui brûle dans ma chair d’encre est porté par la contrainte des lignes de fuite.   

 

    S’abstenir d’être n’est pas être. Tout en moi s'attire et se repousse, fusionne et se sépare comme dans la danse de deux corps dont un seul prédomine la transparence.  

 

Quelque part entre le tissu de peau qui me recouvre et le liquide rouge irrigant mes cavités intimes, le squelette de la nuit se réduit. Une lumière habitable gorge mes souffles et la chair asservie par mille turpitudes n’arrime plus à l’inqualifiable désert de mes sanglots. 

 

Ce qui déchire l’air en le brûlant,

transporte une silhouette périmée.

Dans un brusque arrachement,

l’accord avec la désinvolture

cherche le consentement mutuel.  

 

Ecrire est une soumission.

Sans cesse percevoir l’éclat au cœur de l’obscurité.

Sans relâche, mâchonner les signes visiteurs de nos abîmes. Comment ma soif de dire peut-elle renforcer la sensation de silence ?  

 

     Une étrange odeur de bois faisandé consolide l’idée que la sève promène l’énergie flamboyante de l’éternité jusqu’aux miroirs de la pensée. Comme si toute idée d’abandon était le reflet d’une mort au cœur de la vie. 

 

En moi, j’entends s’énumérer les rides textuelles d’un âge lointain. Elles semblent traverser les choses jusqu’à l’interrogation du regard.  

 

   Et mon corps se dilate du pastel de la lumière.

   Et mon âme s’ouvre à un désir

plus ample que le ravissement.

Je suis accablé par le silence du vertige.

   Le savoir et la connaissance endiguent-ils nos peurs ? Mon être correspond-t-il à ce qu’il saisit ? 

 

L’illusion trouve sa place dans la ronde des doutes. J’illusionne donc je suis, je suis donc je rêve.  

 

De l’air pour les mots,

de l’air pour rassasier la parole aux aguets !

À l’intérieur de ma nuit assourdissante,

je suis pauvre

des dernières tonalités métalliques

qui tombent de mes poches.

Je mords à l’eau froide,

incarcéré dans une nuit rouge,

piégé par les murs bleus se dressant de toutes parts.

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BRUNO ODILE

http://brunoodile.canalblog.com/

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K I Y O • M U R A K A M I

Oeuvre Kiyo Murakami

 

UN JOUR JE SERAI CE QUE JE VEUX

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Un jour je serai ce que je veux.

Un jour je serai une idée qu’aucun glaive ne porte

A la terre désolée, aucun livre …
Une idée pareille à la pluie sur une montagne
Fendue par la pousse d’un brin d’herbe.
Et la force n’aura pas gagné,
Ni la justice fugitive.

Un jour je serai ce que je veux.

Un jour je serai oiseau et, de mon néant,
Je puiserai mon existence. Chaque fois que mes ailes se consument,
Je me rapproche de la vérité et je renais des cendres.
Je suis le dialogue des rêveurs.
J’ai renoncéà mon corps et à mon âme
Pour accomplir mon premier voyage au sens,
Mais il me consuma et disparut.
Je suis l’absence. Je suis le céleste
Pourchassé.

Un jour je serai ce que je veux.

Un jour je serais poète
Et l’eau se soumettra à ma clairvoyance.
Métaphore de la métaphore que ma langue
Car je ne dis ni n’indique
Un lieu. Et le lieu est mon péché et mon alibi.
Je suis de là-bas.
Mon ici bondit de mes pas vers mon imagination …
Je suis qui je fus, qui je serai
Et l’espace infini me façonne, puis me tue.

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MAHMOUD DARWICH

 

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NATHALIE MAGREZ2

Photographie Nathalie Magrez

PEIA LUZZI - MACHI

VERHAEREN

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Lassé des mots, lassé des livres,
Qui tiédissent la volonté,
Je cherche, au fond de ma fierté,
L'acte qui sauve et qui délivre.

La vie, elle est là-bas, violente et féconde,
Qui mord, à galops fous, les grands chemins du monde.
Dans le tumulte et la poussière,
Les forts se sont pendus à sa crinière
Et, soulevés par elle et par ses bonds,
De prodige en prodige,
Ils ont gravi, à travers pluie et vent, les monts
Des audaces et des vertiges.

L'action !
J'en sais qui la dressent dans l'air
Tragiquement, sur ciel d'orage,
Avec des bras en sang et des clameurs de rage ;
D'autres qui la rêvent sourde et profonde,
Comme une mer
Dont l'abîme repousse et rejette les ondes.
J'en sais qui l'espèrent vêtue
Du silence charmeur des fleurs et des statues.

J'en sais qui l'évoquent partout
Où la douleur se crispe, où la démence bout,

J'en sais qui la cherchent encore,
Durant la nuit, jusqu'à l'aurore,
Alors déjà qu'elle est debout, au seuil
Doux et serein de leur orgueil.

La vie en cris ou en silence,
La vie en lutte ou en accord,
Avec la vie, avec la mort,
La vie âpre, la vie intense,
Elle est là-bas, sous des pôles de cristal blanc
Où l'homme innove un chemin lent ;
Elle est ici dans la ferveur ou dans la haine
De l'ascendante et rouge ardeur humaine ;
Elle est parmi les flots des mers et leur terreur
Sur des plages dont nul n'a exploré l'horreur ;
Elle est dans les forêts aux floraisons lyriques,
Qui décorent les monts et les îles d'Afrique ;
Elle est où chaque effort grandit,
Geste à geste, vers l'infini,
Où le génie extermine les gloses,
Criant les faits, montrant les causes
Et préparant l'élan des géantes métamorphoses.

Lassé des mots, lassé des livres,
Je cherche en ma fierté
L'acte qui sauve et qui délivre.

Et je le veux puissant et entêté,
Lucide et pur, comme un beau bloc de glace ;
Sans crainte et sans fallace,
Digne de ceux
Qui n'arborent l'orgueil silencieux
Loin du monde, que pour eux-mêmes.

Et je le veux trempé dans un baptême
De nette et large humanité,
Montrant à tous sa totale sincérité
Et reculant, en un élan suprême,
Les frontières de la bonté.

Oh ! vivre et vivre et vivre et se sentir meilleur
A mesure que bout plus fervemment le coeur ;
Vivre plus clair, dès qu'on marche en conquête ;
Vivre plus haut encor, dès que le sort s'entête
A dessécher la sève et la force des bras ;
Rêver, les yeux hardis, à tout ce qu'on fera
De pur, de grand, de juste en ces Chanaans d'or
Qui surgiront, quand même, au bout du saint effort ;

Oh ! vivre et vivre, éperdument,
En ces, heures de solennel isolement,
Où le désir attise, où la pensée anime,
Avec leurs espoirs fous, l'existence sublime.

Lassé des mots, lassé des livres,
Je veux le glaive enfin qui taille
Ma victoire, dans la bataille.

Et je songe, comme on prie, à tous ceux
Qui se lèvent, héros ou Dieux,
A l'horizon de la famille humaine ;
Comme des arcsenciel prodigieux,
Ils se posent sur les domaines
De la misère et de la haine ;
Les effluves de leur exemple
Pénètrent peu à peu jusques au fond des temples,
Si bien que la foule, soudain,
Voulant aimer, voulant connaître
Le sens nouveau qu'impose, avec ardeur, leur être
Aux énigmes du destin,
Déjà forme son âme à leur image,
Pendant que disputent et s'embrouillent encor,
A coups de textes morts,
Les prêtres et les sages.
Alors, on voit les paroles armées
Planer sur les luttes et les exploits
Et, clairs, monter les fronts et, vibrantes, les voix
Et foudre et or voler au loin les Renommées ;
Alors aussi, ceux qui réchauffaient leurs âmes
Au vieux foyer des souvenirs
L'abandonnent et saisissent l'épée en flamme
Et s'élancent vers l'avenir !

 

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EMILE VERHAEREN

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francois trinel

Photographie François Trinel

https://fr-fr.facebook.com/francoistrinelphotographe

LE PRIX DU SANG

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Tout nous vient de la terre,

de l'eau du puits au lait du pis,

du vin des vignes aux petits pois,

des petits poings du temps à la robe des blés.

 

Quand le ciel est trop bas pour se tenir debout,

je me nourris de mots et de cris éperdus.

Je ne suis pas du bois dont on fait les potences.

Je suis de l'homme et de l'érable.

Je débite les ormes en planches de salut.

Je ne suis pas né d'un dieu,

mais de ces bêtes immenses qui mordent l'infini,

d'une saison mal famée,

des têtes fanées dans la maison des fous.

 

Des oiseaux blancs titubent au-dessus des ordures

et transpercent du bec des sacs de misère.

Je resterai malade, s'il le faut,

tant que le monde sera plein de malades.

 

Je suis seul et j'attends,

je ne sais qui ou quoi.

J'apprends ma voix dans les sentiers d'hiver.

Avec le temps qui passe,

j'habite désormais un cimetière d'amis.

Debout sur mes blessures,

j'affronte les matraques.

Je traîne dans les ruines ma besace d'aveugle.

La danse des rainettes fait couiner mes poumons.

Le pays de Merlin n'enchante plus personne

ni le joueur de flûte rameutant ses brebis.

 

Les hommes en armes et les porteurs de bottes

tannent la peau des pauvres.

Locataire d'un corps que je n'ai pas choisi,

je le paie de mon sang.

Les souvenirs remontent à la surface du papier.

C'est tout un monde qui meurt,

quand quelqu'un disparaît.

 


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JEAN-MARC LAFRENIERE
lafreniere.over-blog.net

 

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bernard liegois,,

Photographie Bernard Liegeois

www.bernardliegeois.com

 

LE VENT

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Force la grotte où marche le vent,
source du parfum de l’aurore
qu’il verse au seuil vespéral,
et de la jeunesse des futaies lointaines
qu’il cache dans la tendresse des herbes,
et de la splendeur du soleil moribond
qu’il ressuscite sur les collines prolongées.

Vois-le en songe quand il commence à poindre
et s’apprête à se ramifier comme une liane vivante;
attends sur les rives des visions:
à peine éclos, il apprend à voler
puis déploie ses ailes comme un oiseau sauvage
et vient s’égarer dans les vergers
où il saccage fleurs et fruits.

Quelle liane, et d’où surgie?
La voici qui enlace tous les arbres:
depuis les jamrosas parfumés,
qui forment un buisson dans l’Est,
jusqu’à la voûte des bougainvillées
et l’élan des dragonniers qui ondulent
sur les terrasses d’Iarive;

depuis les mille coeurs des rosiers
qui s’offrent au sommet des tiges vertes,
et les gargoulettes des lys qui ne se s’ouvrent pas
pour pouvoir recueillir la rosée des crépuscules,
jusqu’à ces autres plantes sans nombre
dont on ignore encore le vrai nom
et que seuls vous connaissez, ô mes songes.

Oui, jusqu’à ces cheveux qui tremblotent
aux tempes de la vieille femme:
dernières fleurs de ses jours perdus
qui mendient un baiser au bord de la tombe-
et jusqu’au lambe que la femme-enfant
laisse traîner un peu en souriant
et qu’elle agite dans le brouillard!

-Et cet oiseau que tu ne vois pas
mais qui te frappe le front
et qui picore dans tes épaules
et griffe jusqu’à ta nuque:
quel oiseau est-il, l’oiseau du vent,
cet oiseau ivre qui titube
comme une roussette aux ailes déchirées?

-Légendes et légendes, fables et fables. . .
Innombrables sont les légendes qui peuvent forcer la grotte
où a poussé cette liane vivante
qui vient enlacer tous les arbres;
innombrables, les fables qui entourent
l’éclosion de cet oiseau immatériel
qui tombe puis reprend son vol;

mais il en est deux autres qui me paraissent neuves
et que je n’ai connues que ces jours-ci:
tournoyait derrière ma porte
le vent humide de l’hiver,
tournoyait comme nos enfants
qui se cherchent et se cachent
quand s’illumine l’automne;

tournoyait avec violence
comme un sanglier poursuivi, ou un boeuf sauvage:
-D’où peut-il venir si ce n’est des forêts ou du désert?
disais-je. Puis,
lointaine et presque inaudible,
plus rien qu’une rumeur comme en cèlent les coquillages:
-Il vient de l’océan, disais-je, le vent...

. . .

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JEAN-JOSEPH RABEARIVELO

 

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Christine Salem, " Komor Blues "

L'OMBRE

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Mon ombre à mon côté va cheminant,
Spectre de feu, géant d'un bleu livide,
Me précédant en guide vigilant
Ou me suivant, espion muet et rapide.
 
Elle me quitte en entrant dans le bois
Mais, quand j'en sors, elle est là qui me guette.
Devant l'église elle est prise d'effroi,
En l'homme de tout temps crainte secrète.
 
Elle est signe à la fois sombre et luisant,
Parler du ciel à la parole obscure !
Jusqu'où va-t-elle aller, combien de temps,
Amer jeu du soleil qui me torture ?
 
Tout sous le ciel continue de briller
Mais l'ombre et l'homme, inséparables frères,
A quelque carrefour vont s'arrêter
Pour rejeter le fardeau de leurs fers...
 
Mais tant qu'il fera jour, les deux destins
Se chercheront dans leurs liens éternels :
L'ombre combien plus vaste que la terre,
Et l'homme, lui, encor plus léger qu'elle.
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JOVAN DUČIĆ

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JOVAN DUČIĆ
Oeuvre Aïdée Bernard
JOVAN DUČIĆ
 
JOVAN DUČIĆ

JE MARCHE ENCORE...

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Je marche encore comme si j'allais
à la rencontre de quelque chose, je regarde, je pense,
alors que devant moi tout n'est qu'inéluctable,
sans issue, sans sursis.

Pierre qui ne peut
que couler.
Rideau qui ne s'abaisse qu’une seule fois
et plus jamais ne se lève.
Histoire d'un oiseau dont on sait seulement
qu'il s'est envolé.

Il n'y a plus de vie, la mort n'arrive pas.
Incompréhensible, long, insupportablement long
destin de l'homme

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IVO ANDRIĆ
(1892-1975)

 

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giacometti-lhomme-qui-marche2

Oeuvre Albert Giacometti

" L'homme qui marche "

 

 

EL OTRO SUENO...Extrait

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J’ai passé ma vie à concilier les contraires.

Me disant : bien et mal ne sont pas si différents,

oui est souvent non, mon amie est mon ennemie,

le plaisir fait si mal qu’il s’apparente à la douleur

et les jours de fête sont jours d’ennui.

J’ai passé ma vie à grelotter au mois d’août

Et à mourir de soif auprès de la fontaine.

Mais c’est fini. Je ne veux pas que le rire

se déguise en pleurs, que les baisers blessent,

que la mort sauve, ni que le soleil d’été

soit ombre tout au fond, et le désert océan.

Je veux revenir en arrière, au temps où les choses

n’étaient pas si compliquées, où l’amour n’était pas la haine

où la neige était neige, et la paix et la guerre

étaient des mots uniques, distincts, sans équivoque,

et non la double face d’un même ennui.

Je ne veux pas transpirer au milieu des pingouins.

...

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LUIS ALBERTO DE CUENCA

Traduction Claude de Frayssinet

 

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solitude

 

 

 

POEMES D'AMOUR...Extrait

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Viens avec moi. Le matin ne le saura jamais,
et dans la maison nulle lampe n'épiera ta beauté...
Ton parfum imprègne comme un printemps les oreillers :
le jour a mis tous mes rêves en pièces, -
tresses-en une couronne.

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RAINER MARIA RILKE

 

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Justyna Magdalena Młynarska3,

 

L'URGENCE D'AIMER...Extrait

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Aimer, c'est faire en secret ce serment : Je m'engage de toutes mes forces à défendre ta liberté, à ménager autour de toi l'espace qui te sera nécessaire pour croître et fleurir ! Et même si je dois être surpris par l'évolution de l'autre, même s'il ne devient pas celui que j'attendais qu'il soit un jour, je m'engage à respecter son devenir ! C'est le défi que je relève. Que ta volonté soit faite et non la mienne ! Osons nous laisser surprendre ! N'emprisonnons pas nos proches -ni nos enfants !- dans la représentation que nous avons d'eux. Cassons les moules dans lesquels nous nous enfermons les uns les autres. Offrons-nous la confiance même de nous laisser errer, commettre des erreurs...
Que savons-nous du secret de nos destinées ? En devenant garant de la liberté de celui que j'aime, je lui épargne même de devoir fuir ! Rester ensemble n'est pas, comme au cimetière, une "concession perpétuelle" - c'est une offrande à renouveler chaque jour.

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CHRISTIANE SINGER

 

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AMOUR

 

 

REQUISITOIRE...Extrait

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quand le poème sera repu du miel blanc des tarentules

et de l'albumen d'un mauvais astre.

explosant sans espoir sous le coke de mes diètes

quand les berbères d'après toute fantasia

jetteront leurs calebasses au néant des carabines

un complot d'aigles ourdi par le chiffre vrai

de reconnaissance et de joie

signera ma fièvre humide comme l'avril

laiteux de l'amande et du torrent.


quand les veufs remueront le coeur gris du minaret

quand les enfants embrasseront les scorpions par le crochet.

la prose de l'exil sera suffisament trempée

pour couper son cordon ombilical à mon angoisse

et sectionner les pagaies qui battent jusqu'au délire

l'épine dorsale de ma fatigue


je te couche

petit monde des nostalgies

sur le regard naufrageur des morts

encore valides

qui lisent au chapitre des crimes crapuleux

le réquisitoire des arachnides.

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MOHAMMED KHAIR-EDDINE

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GHISLAINE SEGAL

Oeuvre Ghislaine Segal

 

 

 

 

 

IL Y A UN VIDE

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A côté de chaque ligne, il y a un vide.
Est-ce l’ombre que la ligne projette
ou le modèle qu’elle copie?
De toute manière, qu’est-ce qui soutient la ligne
et comment ne se perd-elle pas dans le vide?

Sous chaque couleur, il y a un vide.
Chaque couleur est-elle la naissance d’un abîme
ou seulement sa surface habitable ?
De toute façon, que dit ainsi la couleur
et que dirait-elle s’il n’y avait pas de vide?

Dans chaque corps, il y a un vide.
Le corps est-il un refuge du néant
ou seulement un malentendu entre ses cavités?
Mais alors pourquoi, au lieu de corps,
n’y a-t-il pas diverses densités de vide?

Dans la pensée même est le vide.
Est-il une condition de la pensée
ou est-ce à l’inverse la pensée qui le crée?
Néanmoins, pourquoi tant de fantômes de fantômes
et non le vide en sa plénitude de vide?

 

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ROBERTO JUARROZ

 

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W H I T E • S P A R K S

Photographie White Sparks

 

 

 

 

 

 

 

AMITIE EQUIVOQUE

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D’une nature plutôt curieuse, il avait été intéressé par l’arrivée de l’étrangère, dans le foyer d’accueil où il logeait depuis quelques années.
Personne ne l’avait averti du changement. Il ne savait ni qui elle était, ni d’où elle venait, ni qui l’avait présentée. Elle s’était installée alors qu’il était absent.
Cette jeune vie avait changé toutes les habitudes de la maison : les enfants étaient distraits et se disputaient les faveurs de l’étrangère, les parents s’inquiétaient de son bien-être, de son confort. Et lui, le vieux garçon un peu bougon, était subjugué.
C’était une belle fille, menue mais élancée, élégante. Peut-être un peu trop pâle, mais si vivante, si présente. Lui était fort, vigoureux. Il mettait de l’ardeur dans toutes ses entreprises.
Il aimait la nature, les longues promenades solitaires, la nuit, mais il appréciait aussi la chaleur douillette de la maison, la bonne chère, les soirées calmes dans sa famille d’accueil.
Elle était plus casanière ou plus peureuse.
Gourmande, elle mordait la vie.

Ils communiquaient peu, ils n’avaient pas le même langage. Ils s’observaient et s’admiraient mutuellement.

Elle aimait danser. Lui, l’observait, les yeux mi-clos, dans une attitude de grande méditation. Elle se savait attirante et évoluait, légère, rapide, tournait, virevoltait devant lui, le frôlant presque pour le taquiner, pour le séduire. Elle était décidée et voulait le troubler, mettre un peu de piquant dans sa vie de vieux garçon.
Plus les jours passaient, plus il devenait évident que le lien qui les unissait devenait puissant. Leurs hôtes étaient perplexes, à la fois attendris et inquiets. Ils comprenaient mal cette amitié, cette attirance, cette passion naissante. Ils ne voyaient pas d’avenir commun pour ces deux êtres si différents.
Un matin, elle a disparu. Elle avait quitté sa chambre sans se faire remarquer.
Très inquiète, toute la famille se mit à la recherche de l’étrangère qu’on leur avait confiée.
Elle les avait conquis par sa grâce, sa drôlerie, ils s’y étaient attachés. Ils en étaient responsables aussi.
Ils menèrent une rapide enquête de quartier. Personne ne put les renseigner.
L’angoisse gagna toute la famille quand un des enfants découvrit de minuscules gouttes de sang sur le seuil de la chambre. S’était-elle blessée ? Quand ? Où ? Comment ?
Ils mirent plus d’ardeur encore dans leurs recherches. Lui ne s’y mêla pas.
On aurait dit qu’il était insensible, soulagé peut-être du départ de celle qui avait troublé sa quiétude. Il posait sur tous un regard froid, indifférent lorsqu’ils racontaient leur quête.

On le soupçonna. On l’accusa. Il n’avoua pas. Il se retranchait dans le mutisme.
On ne trouva jamais de preuve de sa culpabilité. Mais pour ses hôtes, elle était évidente.
Il garda le secret : cette petite était mignonne à croquer, il l’avait donc croquée. Il n’avait jamais dégusté une telle souris de laboratoire de toute sa vie de chat !

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AGNES SCHNELL

 

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chatsouris2,


IL ETAIT NE...

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Il était né d'une poussière d'écume et d'un bloc de craie sur le bord d'une mer qui lui donna le sein. Et chaque vague le poussait à regarder plus loin, au delà des frontières qu'il ignorait encore. Le ciel était lourd de souvenirs à grandir.
Toujours il garda son cœur de falaise, rempart à la tourmente mais friable au zéphyr et chantait souvent des airs de marins en baissant le front comme pour une prière à la vie. Humble dans le soleil couchant.
Et sa peau de sel avait soif d'amour et d'histoires de vents. Quand celui du noroît lui traversait la tête, il l'écrivait à la craie sur les poussières d'écume. C'est parce qu'il était né...
Et la terre tourne en rond.

 

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JOËL GRENIER

 

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PIERRE EAU 2

 

 

 

VALENTINA LISITSA - Moonlight Sonata Op.27 No.2 Mov.1,2,3 (Beethoven)

JOEL GRENIER

LA MALADIE DE LYME, SCANDALE SANITAIRE

CONFIANCE

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Il faut rester en vie
Regarder et attendre
Continuer à respirer
Le ciel est tout entier ici
Si tu le veux tout commence encore
La nuit n’est que la fin du jour
Tu as ta place
Elle est juste sous tes pieds
L’heure est à ta montre
Confiance est ta compagne
Il n’y a que le soleil pour te montrer la route

 

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BRUNO RUIZ

inédit, mars 2016

 

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R O M A N -T Y K A • K R U G L I N S K I

PhotographieRoman -Tyka Kruglinski

 

 

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