Que reste-t-il ? ...
De ce qu’on a su,
De ce qui a déjà valu,
Que reste-t-il ?
Que reste-t-il
De l’étrange Nouvelle
Annonçant le grand Éveil,
Proclamée comme la Merveille ?
Que reste-t-il ? ...
Que reste-t-il
Quand la nouvelle est denrée périssable,
En ces jours où tout neuf est jetable,
Où plus rien n’est indispensable,
Parce que tout paraît remplaçable ?
Que reste-t-il ? ...
Ce qui reste,
Ce pourrait être pauvres grenailles,
Pitoyables fragments, rien qui vaille,
Des rogatons de minable boustifaille
Pour une humanité affamée, sur la paille,
Gisant entre les champs
de stupides batailles.
Voilà peut-être ce qui reste.
Ce qui reste,
Ce pourrait être la froide nudité
D’âmes et de cœurs décharnés,
Le creux ennui de vies esseulées
Dans un monde devenu inhospitalier
Quand tristement a pris congé
La plénitude d’un destin partagé.
C’est peut-être là ce qui reste.
Ce qui reste,
Ce pourrait être
encore la teneur
D’un secret confiné en la noirceur
De notre abîme d’horreurs
Où grouillent mille agents de peur,
Et qui attend la calme éclaircie d’un heur
Pour dégager discrète lueur
Où point l’espoir de bonheur.
Ce peut être cet intrigant reste.
Mais où
regarder
quand il ne reste
De l’étoile au firmament,
De la clarté venant d’Orient
Que la lumière des écrans,
Que néons et feux clignotants
Semant la ruée des passants
Dans les labyrinthes d’un sombre néant ?
Comment
dire
quand il ne reste
Pour dégager cette clarté
Que mots tragiquement évidés,
De viles pacotilles farcis, bourrés,
Tout juste capables d’aguicher,
Habiles surtout à fourvoyer
Une humanité en mal de frivolités ?
Comment
fêter
quand il ne reste
Du mystérieux événement
Que piteux souvenirs chancelants
Sur insipides décors ronflants,
Enfouis dans un apparat décadent
Où grognonne le dieu argent
Au grand plaisir des marchands ?
Que
faire
au milieu de tous ces restes ? ...
Au fond de l’abîme plonger résolument,
Affronter le monstrueux Léviathan
Des eaux troubles de ce temps
Qui s’en prend même aux enfants,
L’affronter en un singulier engagement,
Mais sans ferraille comme armement.
"Imprudent et inutile geste !"
De proclamer s’empressera-t-on.
Toutefois c’est clair que les canons
Ne savent pas donner le ton
Pour que se crée l’unisson
D’une immense et silencieuse clameur de fond
S’élevant contre la haine, vengeance
et courte vue des convictions.
"Simple et valeureuse geste !»
Faut-il rétorquer toutefois,
Que cette originelle voix
Au cœur du pauvre, du riche, du roi,
Montrant à l’humanité en désarroi
La seule et unique voie
Vers l’hospitalité d’un même toit.
.....
Alors en quête de ce qui reste
Par delà oripeaux, travaux et tas de cadeaux
Qui jonchent le vide,
le rien du beau,
Peut apparaître comme en un halo
Le souvenir du premier chaos :
Au commencement, la parole, le mot;
Puis s’annoncer la mission de dire à nouveau.
Dans le temps qui nous reste,
Redire
à neuf l’univers
Pour que le monde des experts
Géniteur de ses propres adversaires
Avec pouvoir de le défaire,
Trouve un espace salutaire
Pour s’établir à demeure et
être.
Le symbole de la crèche
Abritant le Verbe nourrisson
Reste toujours de saison :
La simplicité du son,
Du mot rajeuni capable d’innovation,
Est l’hôte, le séjour, la maison
De l’être de la mouvante création.
Le
mot
appelle
Et renouvelle...
Est ce qui reste
FERNAND COUTURIER
Oeuvre Serge Fiorio