Je défendrais la posture suivante : nécessité de la poésie ; nécessité, si on est poète, de se revendiquer comme poète. Pas d’excuse. Je suis contre la posture du renoncement.
- Vous parlez au nom de qui ?
En mon nom propre. Je vois les choses ainsi, c’est tout.
- Et vous justifiez l’existence de la poésie ?
La conception de la poésie qui résulte des hypothèses avancées ne peut donner à la poésie aucune des justifications qui sont généralement proposées comme raisons de son existence, de sa survie. Elle n’amène pas non plus à admettre ce qui lui est souvent annoncé comme faisant partie de ses devoirs.
En même temps j’affirmerais fortement que la question de la poésie ne concerne pas que les poètes. La chute de la poésie menace la langue d’aphasie. La chute de la poésie menace chacun en sa mémoire, menace sa faculté d’être libre.
- Vous parlez comme si le poète était possesseur de la langue.
La poésie, c’est vrai, donne à quelqu’un comme aucune autre activitéà mon sens la mémoire de sa propre langue.
Parce que la poésie contient le futur de la langue,
la langue paraît étrange dans la poésie extrême-contemporaine parce qu'elle y représente certains traits de son futur.
La langue paraît étrange dans la poésie extrême-contemporaine parce qu'elle y présente certains traits oubliés de son passé.
La poésie préserve le passé de la langue dans son présent."
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JACQUES ROUBAUD
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Oeuvre Igor bitman