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Channel: EMMILA GITANA
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LES ECRITS DANS L'ARBRE...Extrait

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N’oublie jamais la beauté des mots qui s’endorment
à même la terre. N’oublie jamais le verbe du verre et
la tentation du sable. N’oublie jamais les grammaires
subtiles dans les frondaisons de l’île. N’oublie jamais
de dire que tu aimes ceux que tu aimes. N’oublie
jamais le silence de ton enfance à jamais recommencée
sur le chemin de l’âge. N’oublie jamais la patience
et la passion.
Et la chanson que tu aimes. Et la mémoire est un
mille-feuille où les abeilles du jour se souviennent du
jour premier de la ruche.
N’oublie jamais les mots qui te donnaient la chaleur
au creux des nuits du froid et du doute.
N’oublie jamais que les mots sont l’eau du puits et qu’il
faut parfois demeurer silencieux et patient au bord de la
margelle.
N’oublie jamais les mots d’amour que contient la vie.
N’oublie jamais la beauté des mots dans le désordre
et la fureur de ce monde. Dans les forêts anxieuses
de l’insomnie. N’oublie jamais la beauté des mots,
c’est le lien précieux qui rassemble les humains.
Et porte le chant des hommes et des femmes.
Et la fulgurance des fleurs dans le verbe du partage

! DIAMON~11

 

PATRICK  CHEMIN

 

! DIAMON~11

 

michel charrier

Oeuvre Michel Charrier

 

 


POTEAUX D'ANGLE...Extrait

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Retour à l'effacement
à l'indétermination

Plus d'objectif
plus de désignation

Sans agir
sans choisir
revenir aux secondes
cascade sans bruit
îlots coulants
foule étroite
à part dans la foule des environnants

Habiter parmi les secondes, autre monde
si près de soi
du coeur
du souffle

Perpétuel incessant impermanent
train égal vers l'extinction

Passantes
régulièrement dépassées
régulièrement remplacées
passées sans retour
passant sans unir
sobres
pures
une à une descendant le fil de la vie
passant...

 

! DIAMON~11

 

HENRI MICHAUX

 

! DIAMON~11

 

HENRI MICHAUX

Oeuvre Henri Michaux

POTEAUX D'ANGLE...Extrait

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Les arbres frissonnent plus finement, plus amplement,
plus souplement, plus gracieusement, plus infiniment
qu'homme ou femme sur cette terre et soulagent davantage.
Les peurs, les appréhensions, les soucis, la mélancolie,
les tendresses, les émotions inexprimables, les arbres,
pourvu qu'il y ait un souffle de vent, savent les accompagner.
Le précieux, le véritablement précieux est distribué sans
le savoir et reçu sans contrepartie.

.......

 

Va jusqu’au bout de tes erreurs, au moins de quelques-unes, de façon à en bien pouvoir
observer le type. Sinon, t’arrêtant à mi-chemin, tu iras toujours aveuglément reprenant le même genre d’erreurs, de bout en bout de ta vie, ce que certains appelleront ta « destinée ». L’ennemi, qui est ta structure, force-le à se découvrir. Si tu n’as pas pu gauchir ta destinée, tu
n’auras été qu’un appartement loué.

.....

Au revers qui paraît l’endroit, au cœur d’une prise sans emprise, au long des heures, à l’orée de l’infiniment prolongé de l’espace et du temps, attrape-dehors, attrape-dedans, attrape-nigaud, dis, qu’est-ce que tu fais ?
Qu’est-ce que tu es, nuit sombre au-dedans d’une pierre ?

 

! DIAMON~11

 

HENRI MICHAUX

 

! DIAMON~11

 

PH

Oeuvre Philippe Charpentier

CHANSON POUR UNE AMIE MALHEUREUSE

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Ce matin, les oiseaux se sont réveillés avant l’arbre. Un fantôme qui passait, siffla. L’arbre
l’entendit et s’étira. Les oiseaux se posèrent, alors, sur chaque pensée, comme l’abeille gourmande sur le jour. Les oiseaux, le fantôme et l’eau lourde ; puis un poisson tiré au sort. Nous étions dix sous l’arbre àécosser l’amande. La route était jonchée de morts. Les manches relevées jusqu’au coude, complice, une femme enterrait l’amour.

 

! DIAMON~11

 

EDMOND JABES

 

! DIAMON~11

 

JAB

 

 

EX-VOTO

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En ex-voto j’aimerais clouer mon cœur
dans la chapelle de mon hameau nizonnais
mon cœur – ô ma barque naufragée
ferait escale entre Mère Sainte Anne
et Jésus crucifié

Mon cœur ma fidèle souvenance
plaqué en ex-voto serait la recouvrance
des prières tendrement enfantines
qui dès matines berçaient mes journées
au temps passé

Saints et saintes d’aujourd’hui
diraient mon cœur accroché
donnez langue et Parole
à Georges Perros cancérisé
à Max Jacob l’étouffé de Drancy
donnez au parais les jolies roses

Saints et saintes d’aujourd’hui
faites de la chapelle des antiennes
et des romances
le havre et la demeurance
de mon cœur trop chagriné
au long du temps passant
tout sanglotant

Saints et saintes de ma patrie
gravez sur mon cœur trop peinant
les mots de Compassion et de Merci
Pitié je vous prie
pour les artistes et les poètes
mendiants de l’impassible beauté

Et les saisons fileraient la laine
des heures et des journées
sur l’ex-voto en oraison sereine

Ô mon cœur dévôtement ex-voté !

! DIAMON~11



 
XAVIER GRALL

 

! DIAMON~11

 

xavier grall

Xavier Grall

 

 

ART POETIQUE...Extrait

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Voir que le fleuve est fait de temps et d’eau,
Penser du temps qu’il est un autre fleuve,
Savoir que nous nous perdons comme un fleuve
Et que les destins s’effacent comme l’eau.

Voir que la veille est un autre sommeil
Qui se croit veille, et savoir que la mort
Que notre chair redoute est cette mort
De chaque nuit, que nous nommons sommeil.

Voir dans le jour, dans l’année, un symbole
De l’homme, avec ses jours et ses années ;
Et transmuer l’outrage des années
En musique, en rumeur, en symbole.

Faire de mort sommeil, du crépuscule
Un or plaintif, voilà la poésie
Pauvre et sans fin. La poésie revient
Comme chaque aube et chaque crépuscule.

Parfois le soir, il émerge un visage
Qui nous épie de l’ombre d’un miroir ;
J’imagine que l’art ressemble à ce miroir
Qui nous révèle notre propre visage.

On nous dit qu’Ulysse, fatigué de merveilles,
Sanglota de tendresse en voyant son Ithaque
Modeste et verte. L’art est cette Ithaque,
Verte d’éternité et non pas de merveilles.

Il est aussi le fleuve sans fin
Qui passe et demeure, et reflète le même
Inconstant Héraclite, le même
Mais autre, tel le fleuve sans fin.

 

! DIAMON~11

 

JORGE LUIS BORGES

 

! DIAMON~11

 

Theodoros Ralli

Oeuvre Théodoros Ralli

 

 

 

 

ARTE POETICA

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Convertir el ultraje de los años
En una música, un rumor y un símbolo,

Ver en la muerte el sueño, en el ocaso
Un triste oro, tal es la poesía
Que es inmortal y pobre. La poesía
Vuelve como la aurora y el ocaso.

A veces en las tardes una cara
Nos mira desde el fondo de un espejo;
El arte debe ser como ese espejo
Que nos revela nuestra propia cara.

Cuentan que Ulises, harto de prodigios,
Lloró de amor al divisar su Itaca
Verde y humilde. El arte es esa Itaca
De verde eternidad, no de prodigios.

También es como el río interminable
Que pasa y queda y es cristal de un mismo
Heráclito inconstante, que es el mismo
Y es otro, como el río interminable.

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! DIAMON~11

 

JORGE LUIS BORGES

 

! DIAMON~11

 

Alexandre-Auguste-Hirsch

Oeuvre Alexandre Auguste Hirsch

 

EDITORIAL DU JOURNAL " COMBAT " , 8 AOUT 1945

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Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.

      En attendant, il est permis de penser qu'il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livréà tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d'idéalisme impénitent, ne songera à s'en étonner.

 

      Les découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu'elles sont, annoncées au monde pour que l'homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d'une littérature pittoresque ou humoristique, c'est ce qui n'est pas supportable.

 

      Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. On offre sans doute à l'humanité sa dernière chance. Et ce peut-être après tout le prétexte d'une édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.

 

      Au reste, il est d'autres raisons d'accueillir avec réserve le roman d'anticipation que les journaux nous proposent. Quand on voit le rédacteur diplomatique de l'Agence Reuter* annoncer que cette invention rend caducs les traités ou périmées les décisions mêmes de Potsdam*, remarquer qu'il est indifférent que les Russes soient à Koenigsberg ou la Turquie aux Dardanelles, on ne peut se défendre de supposer à ce beau concert des intentions assez étrangères au désintéressement scientifique.

 

      Qu'on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d'Hiroshima et par l'effet de l'intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale, où les grandes puissances n'auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.

 

      Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison.

 

! DIAMON~11

 

ALBERT CAMUS

 

! DIAMON~11

 

camus1

 

 

 


SOUVIENS-TOI

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Souviens-toi du ciel sous lequel tu es né
Connais l’histoire de chaque étoile
Souviens-toi de la lune, sache qui elle est
Je l’ai rencontrée une fois dans un bar à Yowa City
Souviens-toi de la naissance du soleil à l’aube
C’est le moment le plus fort
Souviens-toi du crépuscule et de l’abandon de la nuit
Souviens-toi de ta naissance, comment ta mère a lutté
pour te donner forme et souffle
Tu es le témoignage de sa vie, de celle de sa mère
Et tu es elles toutes
Souviens-toi de ton père, il est aussi ta vie
Souviens-toi de la terre, de qui tu es la peau
Terre rouge, terre noire, terre jaune, terre blanche
Terre brune, nous sommes terre
Souviens-toi des plantes, des arbres, des animaux
Qui ont tous leurs tribus, leurs familles
Leurs histoires, eux aussi, parle-leur
Ecoute-les, ils sont des poèmes vivants
Souviens-toi du vent, souviens-toi de sa voix
Elle connaît l’origine de l’univers
Une fois, j’ai entendu son chant Kiowa
Pour la danse de la guerre à l’angle
De la Quatrième Rue et de la Rue Centrale
Souviens-toi que tu es tous les hommes
Et que tous les hommes sont toi
Souviens-toi que tu es cet univers
Et que cet univers est toi
Souviens-toi que tout est mouvement, tout grandit
Tout est toi
Souviens-toi que le langage vient de ceci
Souviens-toi du langage qu’est la danse, la vie
Souviens-toi

 

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JOY HARJO

Poète amérindienne

 

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JOY

 

 

 

 

DENNIS BANKS

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« Depuis le début, les Nations Indiennes vivent une vie d’être humain en harmonie avec tout leur environnement. Nous croyons profondément que tous les membres de l’humanité sont reliés entre eux. Chacun a son propre but, son esprit et son caractère sacré.  Nous estimons avec la compréhension du Grand Esprit, notre Créateur, que nous devons suivre cette voie. Et selon cette interprétation, nous croyons que nous sommes reliés à toutes les autres espèces vivantes, celles qui ont des ailes, celles qui marchent à quatre pattes, toutes les plantes et tous les autres éléments de la vie, l’air, le feu, l’eau. Le soleil, la lune et les étoiles sont là pour nous guider.
Le Créateur nous a donnéégalement des instructions importantes sur la façon de vivre avec les autres, sur la manière dont les femmes doivent prendre soin des futures générations, comment les hommes doivent subvenir aux besoins des générations d’aujourd’hui et de demain. Ces instructions et leur compréhension ont constitué le fondement de notre démarche spirituelle, nous sommes amenés à les pratiquer tous les jours. Cette philosophie nous a toujours accompagné et supporté et nous ne devrons jamais l’abandonner, jamais! »

 

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DENNIS BANKS

Indien Anishinabe,
co-fondateur de l’ « American Indian Movement » (AIM) en 1968 pour protéger les traditions et la culture indienne.

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Amerindien-nourrissant-un-petit-castor2

 

 

POTEAUX D'ANGLE...Extrait

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Sans agir
sans choisir
revenir aux secondes
cascade sans bruit
îlots coulants
foule étroite
à part dans la foule des environnants

Habiter parmi les secondes, autre monde
si près de soi
du coeur
du souffle

Perpétuel incessant impermanent
train égal vers l’extinction

Passantes
régulièrement dépassées
régulièrement remplacées
passées sans retour
passant sans unir
sobres
pures
une à une descendant le fil de la vie
passant…

 

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HENRI MICHAUX

 

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marta orlowska 2

Marta Orlowska

 

 

DJELI MOUSSA CONDE AU NEW MORNING

LA DIFFERENCE

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 Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes

 

Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme

 

Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console

 

entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent

 

entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent

 

entre les pas sans trace
et les pas qui nous guident

 

où est la différence
la mystérieuse différence?

 

 

 

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JEAN-PIERRE SIMEON

 

 

 

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DIFFERENCE2

 

 

 

 

 

 

FRAGMENTS POUR DOMINER LE SILENCE

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Les forces du langage sont les dames solitaires,
désolées, qui chantent à travers ma voix que j’écoute
au loin. Et loin, sur le sable noir, gît une fille dense
de musique ancestrale. Où est la véritable mort ? J’ai
voulu m’éclairer à la clarté de mon manque de clarté.
Les bouquets se meurent dans le souvenir. La gisante
niche en moi avec son masque de louve. Celle qui
n’en put mais et implora des flammes et nous
brûlâmes.


Quand s’envole le toit de la maison du langage et
que les mots n’abritent plus, je parle.

Les dames en rouge se sont égarées dans leurs
masques et pourtant elles reviendront sangloter
parmi les fleurs.

La mort n’est pas muette. J’entends le chant des
endeuillés colmater les lézardes du silence. J’entends
tes pleurs très doux fleurir mon silence gris.


La mort a restitué au silence son prestige envoûtant.
Et je ne dirai pas mon poème, mais si, je dois le dire.
Même si le poème (ici, maintenant)
n’a pas de sens, ni de destin.

 

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ALEJANDRA PIZARNIK

 

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margarita georgiadis2

Margarita Georgiadis

 

 

 

L'UN ET L'AUTRE

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 L’un avec l’autre, l’un dans l’autre, l’un sans l’autre. Fil des apparences. Frôlement des mains, rires piétinés, ce presque rien, ce rapprochement des corps. A peine, à peine déplacés. L’un dans l’autre, surexposé, copié, épié, cicatrisé. Sur l’autre, le pied encré.

Sur les orteils la peau ombrée, flottement des ressemblances, des lettres chevillées. A la commissure des lèvres des mots épelés. Identique est la phrase décryptée.

Herbe sèche, folle à la lisière du pré. Images sépia de causeries sans fin. Extrémités des îles et des membres fractionnés. Heure oubliée reliant la naissance du mot, racine.

Main à la rime et poudre au poignet, bracelets indigo venus des mers de Chine. A la cheville, les mots s’enroulent tels des serpents. Peau d’écaille. Œil vert et or.

Pierres et verres polis sur la plage, étendue minérale, frises de lettres végétales. Vers le large, bois flotté, ventre ouvert, lucioles amassées.

L’un vers l’autre, dans l’autre imbriqué, unis au temps inespéré. Le fil s’étire et se noue aux genoux, inaudible, extensible. Un tatouage dans le cou.

L’été est une cible, quelque part dans le cœur une flèche a frappé. Sans jamais toucher le centre. Sans jamais le tuer.

Le cœur est un joyau, mille carats d’une vérité pure.

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MARIA-DOLORES CANO

http://reveusedemots.blogspot.fr/

 

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RIMA SALAMOUN

Oeuvre Rima Salamoun


LA TRAVERSEE...Extrait

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Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l’amour maternel
Pour qu’à chaque mois de mars je brille de toutes les feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
Comparéà moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je me suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection –
Pensées devenues vagues.
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.
Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement :
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et les fleurs m’accorder du temps.

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SYLVIA PLATH

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ANGE

J'AI TOUJOURS...

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J’ai toujours ton cœur avec moi
je le garde dans mon cœur
sans lui jamais je ne suis
là ou je vais, tu vas…
et tout ce que je fais par moi-même est ton fait…

je ne crains pas le destin
car tu es à jamais le mien
je ne veux pas d’autre monde, car
tu es mon monde, mon vrai…
tu es tout ce que la lune a toujours voulu dire
et tout ce que le soleil chantera

c’est le secret profond que nul ne connaît
c’est la racine de la racine
le bourgeon du bourgeon
et le ciel du ciel d’un arbre appelé vie
qui croît plus haut que l’âme ne saurait l’espérer
ou l’esprit le cacher…
c’est la merveille qui maintient les étoiles éparses.

je garde ton cœur
je l’ai dans mon cœur.

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E. E. CUMMINGS

 

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cum

L'EPREUVE OU LE TOUT PETIT LIVRE DE LA DIVINE DOUCEUR...Extrait

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« LA DIVINE DOUCEUR est paix, profonde paix, paix miséricordieuse, apaisement. C'est une main douce et maternelle, qui sait, qui conforte, qui répare sans heurt, qui remet dans la juste place. C'est un regard comme celui de la mère sur l'enfant naissant. C'est une oreille attentive et discrète, que rien n'effraie, qui ne juge pas, qui prend toujours le parti du bon chemin d'homme, où l'on pourra vivre même l'invivable. Elle est ferme comme la bonne terre sur qui tout repose. On peut s'appuyer sur elle, peser sans crainte. Elle est assez solide pour supporter la détresse, l'angoisse, l'agression, pour tout supporter : sans faiblir ni dévier. Elle est constante comme la parole du père qui ne plie pas. Ainsi est-elle le lieu sûr, où je cesse d'être à moi-même frayeur. C'est pourquoi c'est sottise de la croire faiblesse. Elle est la force même, la vraie, celle qui fait venir au monde et fait croître. L'autre, celle qui détruit et tue, n'est que l'orgie de la faiblesse. Mais la divine douceur est une douce fermeté, car pas un instant elle ne blesse le cour, elle ne meurtrit ce qui est au cour de l'homme, où il trouve vie. La divine douceur sauve tout, elle veut tout sauver. Elle ne désespère jamais de personne. Elle croit qu'il y a toujours un chemin. Elle est inlassablement inlassable à enfanter, soigner, nourrir, réjouir et conforter. La divine douceur est charnelle, elle est du corps. Elle ne se passe pas en idées et discours, en décisions, en états d'âme. Elle ne se soucie pas d'exhorter ou d'expliquer.
Elle est dans les mains, le regard, les lèvres, l'oreille attentive, le visage, le corps entier. Elle est dans les gestes du corps. Elle est l'âme aimante du corps agissant. Elle est la beauté aimante du corps humain. La divine douceur est sans preuve. Elle ne se donne pas par des arguments, des explications, des justifications. Elle paraît naïve et désarmée devant le soupçon; en fait, elle y est indifférente. Car elle se goûte. Pourquoi divine ? Parce qu'elle ne serait pas humaine ? C'est tout l'inverse: elle est divine d'être humaine, entièrement humaine en vérité. Elle est l'amour d'amitié. Elle est l'amour par-delà l'amour, parce qu'elle ne cherche ni preuve, ni satisfaction, ni possession, ni rien de semblable. Elle ne se donne pas par devoir, mais par goût. Elle ne sait même pas qu'elle se donne. Elle est d'un naturel exquis. Elle peut se faire service, et de mille façons. Mais elle est d'abord elle-même, ô douceur divine, et ce don-là précède tous les autres. Elle est présence, elle est hospitalité, elle est parole échangée. Elle est compassion. Elle est la discrétion même. Oh, qu'elle est désirable ! Elle est le sel de la vie. Le moment où on le sait, c'est celui de la douleur. »

 

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DESCLEE DE BROUWER

 

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robert marleau

Photographie Robert Marleau

http://www.robertmarleau.com

 

 

 

 

IL N'Y AURA PAS DE SUITE A CETTE PAROLE...Extrait

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Il n’y aura pas de suite à cette parole…
Une race nouvelle va naître, qui ne portera que son visage.
Sans ascendance, sans adoption. Sans reconnaissance, sans migration.
Niant toute aube tout de même que tout crépuscule…
Une race verticale jusque dans sa langue,
se proclamant partout chez elle.
Une race affamée, assoiffée et irascible ; d’une impatience irrépressible revendiquant toutes les justices.

 

Une race non point incendiaire, disant de soi, mais inflammable comme des moines de Bouddha
dans le cri d’exil des neiges de Tibet lancé en dragon de feu dans l’épouvante et l’émoi des foules ;
une race proliférant sur toute la surface du globe,
sans étreinte, mais par la splendeur de sa flamme exaltée dans l’arithmétique d’une multiplication
des latitudes par les longitudes,
vingt-quatre heures croix
vingt-quatre heures ;
dans la puissance du temps ;
à la racine carrée de nord ; à la racine cubique de sud ; à la racine bicarrée d’est ; et l’ouest, toujours à la puissance zéro comme pour dire l’unité destinale de même cendre, le nihilisme d’une terre rêvant éveillée,               
et déjà dans sa mort !
― le scandale de l’invraisemblable défaite de la lumière :
le soleil se dissolvant dans les ténèbres,       
vaincu, éteint ;
la nuit s’étalant et régnant en paix  
comme une évidence !
Une race nouvelle va naître,
qui n’aura que mépris            
pour nos vaines espérances.
Il n’y aura pas de suite à cette parole,
pas plus qu’il n’y aura de prédiction qui tienne debout
sur la fin prétendue de l’Histoire.
Une race nouvelle va naître.
Elle proclamera apporter à notre terre
la promesse de la ceindre d’un équateur de feu.
Il n’y aura pas de suite à cette parole
nous demandons quelle est la violence de l’infranchi

qui dort en lui s’attarde devant la carte des tueries
nous demandons quel jour voit son monde     
dans l'intimité de sa tempête
l'éclat intérieur qui la rend étrangère à toute séparation
Un grand fleuve d'ombres pressent l'invisible histoire
défaite dans son lit le tiers-mystère de toi.....
en sortie de nudité
La misère est un génocide, elle arrache à l'homme,
en le rendant totalement dépendant, sa taille d'homme.
Comment penser sa dignité, quand le vital n'est accessible que par la grâce des autres ?
Paroles mystérieuses de la clairvoyance, écoute initiale
où l'on entend rêver les fonds.
Ici la nuit vient boire en l'homme.
Eteins tes yeux, inutiles à la lumière de ce jour.
Renverse-les sur la nuit,
sur ce rivage de ténèbres où notre siècle a sa demeure, où sont détenues nos souffrances,
nos appels aveugles tâtonnant sans jamais trouver
l’issue d’une libération.
Eteins tes yeux.
Ouvre-les sur la myriade de trésors d’étoiles dissouts en tes larmes, l’océan emblavé de semences du ciel.
Eteins tes yeux.
Vois dans la nuit de tes iris l’étendue étoilée.
Trie. Offre nous cette pierre, cet astéroïde en errance
d’amour qui deviendra lumière de vie
avec l’émergence de regards nouveaux
Eteins tes yeux.
Dans l’innocence retrouvée,
feuillette les nuits du monde, et monte,
à la vierge page du sommeil de Jacob,
sur l’échelle verticale,
comme y vont et viennent de la terre au ciel
les anges inquiets…
Une race nouvelle va naître,
d’enfants très savants, légistes et mystiques-nés, qui dans le fossile retrouveront les mots de la tragédie,
et dans la poussière, les éclats des rires cyniques ruisselant des coupes d’ivresse des palais fantômes,
et dans les pierreries, le sang et les blessures réfugiés dans le scintillement des rubis,
et dans le vent, ils montreront les soupirs, les gémissements, les angoisses et les silences, comme autant d’antigènes de la peur,
et dans la lumière, appendus telles des apparitions, des visages à créer, des visages à perdre, selon qu’il est écrit en leurs rituels très secrets et très vénérés,
une race nouvelle va naître ; d’enfants très savants,
qui refusent le destin de mules à charger de famines que se léguaient de génération à génération
les humanités anciennes, sur le dos ne portant rien à elle mais le poids d’un rêve, d’une paix, trop lourde pour la poser sur les tables d’une loi qui n’a pas la force de l’amour.
Ils se tiennent au pied des Alpes, des Atlas et des Himalaya, et ils poussent ensemble.
La montagne bouge, elle se penche, elle s’incline. Les prières passent, enfin...   elles vont et se rejoignent là-bas, de l’autre côté des massifs, sur le front d’horizon,
pour y faire, exaucées, la source d’un orient nouveau.
Il n’y aura pas de suite à cette parole,
une race nouvelle va naître…

(…)

 

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LEOPOLD CONGO MBEMBA

http://www.recoursaupoeme.fr/l%C3%A9opold-congo-mbemba/il-n%E2%80%99y-aura-pas-de-suite-%C3%A0-cette-parole

 

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accol

 

NIZAR QABBANI

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Non loin de moi, elle prit un siège,

 s'y installa sans hâte et fut comme une rose

 exposant sa nonchalance

 sur la lèvre du vase.

 

 Le papier d'une lettre apparut, humble et soumis,

 dans sa main,

 moissonnant un reste de sa fidélité.

 

 Ma tasse de café s'échappait, elle, sans cesse

de ma main,

 dans le désir de rejoindre sa tasse.

 

 O le tourment infligé par ce capuchon dont le soleil

 auréolait sa tête ! ...

 Et ce poudroiement d'or que met en mouvement

  l'haleine de l'été !...

 

 Le voyage d'un rayon de lumière

 sur son genou

 ébranle les fondations de mon âme !

 

 Elle, de sa tasse, humait à loisir

 quelques gouttes de café,

 et moi j'en buvais au bord

 de ses paupières !

 

 Ah, ce récit conté par les deux yeux, qui me demandent

 d'être son esclave,

 comme sont les astres au ciel

 en leur perpétuelle ronde !

 

 Chaque fois que je la regarde

 longuement, elle rit,

 dénudant la blancheur de neige

  de ses dents.

 

 

 Partage avec moi le café du matin,

 et ne t'ensevelis pas dans la noire tristesse

 de l'irrésolution !

 

 Je suis ton voisin, ô dame mienne,

 et les collines elles-mêmes prennent des nouvelles

  de leurs voisines.

 

 Qui suis-je ? ... Laisse de côté

 les questions. Je suis

 une esquisse à la recherche des couleurs

  qui la font exister...

 

 Un rendez-vous, Madame ?

 Elle sourit

 et me montra du doigt

  son adresse sur l'enveloppe.

 

 J'y portais mes regards attentifs,

  et ne pus rien voir, sauf

 la marque du rouge à lèvres

 sur sa tasse de café.

 

.

 

NIZAR QABBANI

 

.

 

MAXEMILE

Oeuvre Maxemile

http://www.max-galli.com/

 

 

 

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