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Channel: EMMILA GITANA
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JE EST UNE ILLUSION

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Loin d'ici la présomption, la prétention de se  risquer à courir sur les brisées de la poésie Rimbaldienne !  Je est une illusion, cette  paraphrase certes osée ou fantasque venant d'un quidam le laisserait peut-être entendre. Je m'en défends et me garde de toute velléité de ce genre, laissant aux poètes disparus la primauté et l'exclusive de l'assertion ; mais enfin, il me semble que cette image sied au texte conçu en vivant de si près la mer et les grands espaces... Alors, d'un commun accord, je vais comme je reviendrai ici apporter à ce texte plus de mystère et de clartéà la fois si tant est que mon vaisseau me le permette. Alors, lectrices, lecteurs accordez-moi ici la certitude d'un brouillon, l'ébauche  littéraire d'un humble marin à la recherche d'un autre sens à donner à son sillage, comme un rêve, une  illusion qui sourd de la brume des songes, le matin ; un seul regard contient une île et une seule larme, l'Océan.

J'aurais tant aimé entrevoir Novalis, Hölderlin ou Rimbaud, fussent-ils pour les deux derniers, embarqués qu'ils furent  à bord d'une numineuse  folie, de ces poèmes dont on dit qu'ils eussent été pour Hölderlin témoignages de la vraie folie ! Ainsi de l'illusoire, de l'illusion, de cette existence qui comme un don vacille, oscille entre les pôles du douloir et de l'extase où l'homme tente de tracer une voie, vers la Voie, parmi d'autres voix  ...

Préface poétique d'un marin solitaire à l'adresse de

 " AMITIÉ "

 

.

 

 

Ainsi de la beauté ou de la pureté
de tous leurs gages d'amour
valant mystères et secrets
Quels cieux à l'entour
ô cimes   vallons de nous  chavirés
J'en vis l'azur comme un rappel
l'élévation qui révèle leurs joyaux
et délivre la solitude de ses chaudes larmes
Au chapelet numineux et si vaste
d'un trouble à toujours nouveau
la féerie de l'oiseau   la migration
le survol des migrants sans nombre
planent sereins au royaume de l'ombre
de l'autre côté d'un ciel empyrée

 

Sans doute parce qu' entrevoir
encore plus d'intuitions  de lumières
fonde la relation avec force empathie
qui unit aux mondes vrais et mutants 
par-delà le Monde encore inachevé
lorsqu'ils vont si mal et affectent
le visage hâve des pauvres hères
des affligés et des damnés de la raison
assassine et meurtrière à l'envi
Depuis  l'existence qui merveilleusement
s'illusionne   aurais-je uniment
tenté d'en commuer la légende

 


Et lorsque le vent comme un peintre
retouche à l'infini    tel un magicien
les moutons de la mer et du ciel
la profondeur du plain-chant
n'en devient que plus solennelle
Je sombre dans la mélancolie
l'émoi d'une fascinante vision
Le chemin de ronde me révèle
être du vaste champ des étoiles
où aller errant par les siècles
intemporels    lointaine pérégrine

 

N'aurais-je pas assez vécu ici-bas
qu'importe les années   les acquis
j'abandonne à l'éphémère la lettre
de trop qui à mon prénom entrave
et grime le cours prodigue de l'ultime
nuit  ouvrant en esprit pour l'âme seule
afin que les sens   unitivement   suivent

 

Comme si l'inclination primaire 
à l'émerveillement à la découverte
valait gage de vérité et de fidélité
J'honore l'intelligence de l'univers
convergeant joyeux   ensemble
en un unique et même point    Oméga
qui vaille l'humble séjour ici-bas

 

Faut-il reléguer la horde des mots
le dessein sans appel de nos pensées
afin que beauté et pureté toujours
s'invitent et prévalent au diapason mélodieux 
des métamorphoses par lesquelles
nous allons de déconvenue en révélation
Je ne dirai point à l'instar du Poète
"Je est un autre"
mais j'oserais " Je est une illusion "
qui me conviendrait davantage !...

 

Je suis instant    une page cochée
inscrite au grand livre du probable
que l'on tourne d'un revers de main
sans jamais la déchirer car    ne manquerait-elle pas
Je suis l'apparence   le balbutiement
de la vie qui semble appareiller 
et non naufrager aux dires communs
Certes çà et là   des empreintes   le sillage
juste refermé   que l'on ignore d'avoir oublié
Et l'existence m'est cette insigne  illusion
un bourgeon puis     une feuille à la ramée tardée 
qui frémit aux vents de l'automne
avant que de recouvrir le sol d'ors
et de larmes opalines
Ô reflets d'antan   je vous aime
Illusions de moi dépassées
J'arrive

 

.

 

CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC

http://marin56.canalblog.com/archives/2016/06/29/34027880.html

 

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Stephanie Pui-Mun Law2,

Oeuvre Stéphanie Pui-Mun Law

 

 

 

 


RAINER MARIA RILKE

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Ô mes amis, vous tous, je ne renie
aucun de vous ; ni même ce passant
qui n’était de l’inconcevable vie
qu’un doux regard ouvert et hésitant.

Combien de fois un être, malgré lui,
arrête de son œil ou de son geste
l’imperceptible fuite d’autrui,
en lui rendant un instant manifeste.

Les inconnus. Ils ont leur large part
à notre sort que chaque jour complète.
Précise bien, ô inconnue discrète,
mon cœur distrait, en levant ton regard.

 

.

 

RAINER MARIA RILKE

 

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KIM SUK EUN,

Photographie Kim suk Eun

 

 

 

 

 

EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ?

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Est-ce ainsi que les hommes vivent
Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
A quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.

Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit.


Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola.

 

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.

Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu.

 

Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau

 

Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus.

 

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LOUIS ARAGON

 

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L’ÉCRITURE DU DÉSASTRE...Extrait

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« Si Autrui n’est pas mon ennemi (comme il l’est parfois chez Hegel – mais un ennemi bienveillant – et surtout chez Sartre dans sa première philosophie), comment peut-il devenir celui qui m’arrache à mon identité et dont la pression en quelque sorte de position – celle du prochain – me blesse, me fatigue, me poursuit en me tourmentant de telle sorte que moi sans moi je devienne responsable de ce tourment, de cette lassitude qui me destitue, la responsabilitéétant l’extrême du subissement : ce de quoi il me faut répondre, alors que je suis sans réponse et que je suis sans moi, sauf d’emprunt et de simulacre ou le « tenant lieu » du même : le tenant lieu canonique. La responsabilité, ce serait la culpabilité innocente, le coup depuis toujours reçu qui me rend d’autant plus sensible à tous les coups. C’est le traumatisme de la création ou de la naissance. Si la créature est « celui qui doit sa situation à la faveur de l’autre », je suis créé responsable, d’une responsabilité antérieure à ma naissance, comme elle est extérieure à mon consentement, à ma liberté, né, par une faveur qui se trouve être une prédestination, au malheur d’autrui, qui est le malheur de tous.»

 

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 MAURICE BLANCHOT

 

 

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leonora carrington,,

Oeuvre Leonora Carrington

AIME CESAIRE...Extraits

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" Briser la boue. Briser dans l'acceptation humble et patiente d'un long chemin à rempierrer. Briser la boue pour fonder un nouveau ciel et une nouvelle terre si bien qu'on ne pensera plus à ce qui était avant. Homme du oui dans le refus retentissant."

...

 

C’est quoi une vie d’homme ? c’est le combat de l’ombre et de la lumière… c’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur… je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté. ~

 

 

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AIME CESAIRE

 

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inde3

PATRICK ASPE

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La revanche est amère aux pas du condamné
retour sans larmes
éloge d'une mélopée

la réalité c'est prendre possession des proximites
retourner sur soi la flamme des brasiers

la rose sur le chemin secourue
porte frappée aux errances apparues

la source
le socle d'une charrue

la seule page qui va au cahiers des vertiges
vertu
maladive maladresse

tes lèvres comme tes cuisses avancent à mes lèvres

reflets incertains

toujours nos corps
virages brefs

 

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PATRICK ASPE

 

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andrea kiss

Photographie Andréa Kiss

 

GAUTIER CAPUCON, CAMILLE BERTHOLLET PIAZZOLA/OBLIVION

L'ORIGINE DE LA PAROLE...Extrait

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Il aurait dit sans doute que la radio était allumée depuis longtemps mais il n'y prêtait guère attention dans les allées et venues, les appels, les conversations d'un étage à l'autre qui préparaient le départ. Mais soudain ! Quelle musique tout autre! Deux voix de femmes qui se répondent avec une majesté et une simplicité qu'il n'eût jamais supposées possibles. Un dialogue, mais qui serait tout autant un jeu d'échos, de reflets tant la seconde voix paraît retracer, du point où elle l'écoute, la forme de la première, bien que non sans une ombre d'hésitation quelquefois, qui ressemble à de la tristesse. - En viendra-t-il à penser, lui qui écoute aussi, maintenant, et avec déjà quelle fièvre ! que c'est comme une montagne qui se réfléchirait dans un lac, dont l'eau ne se riderait qu'avec beaucoup de douceur, troublant à peine l'image ? Ou comme une couleur - un rouge presque grenat, hanté de bleu - qui a trouvé dans une autre, étendue auprès, la consonance qui ne défait pas pour autant sa solitude, son repli sur soi, son silence? Mais ce serait alors se fermer à l'impression qui le gagne aussi, d'un changement que la plus jeune des voix introduit quand même dans la figure de l'autre; et qui fait que ce signe est modifié peu à peu, jusqu'au moment où peut-être, sans qu'on l'ait su à temps, il sera devenu tout à fait autre. Non, ce n'est pas une eau qui dort, ce répons, c'est un fleuve en son haut pays, et l'amont va prendre fin, un matin, l'eau va couler dans des terres basses où la cime qui s'y redoublait hier encore ne sera plus aux lointains que ce rouge ou bleu qui s'embrume. Ce chant a en lui le mystère de la répétition infinie, mais il est aussi une attente, il connaît l'angoisse de la durée.

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YVES BONNEFOY

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shashiko Imaï2

Oeuvre Shashiko Imaï


LETTRE DE JEAN FERRAT A PROPOS DE " NUIT ET BROUILLARD "

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Jean Ferrat répond à un fanatique sioniste...

…qui critiquait sa célèbre chanson « Nuit et brouillard ».

 

Extrait de l’interview de Meir Weintrater, rédacteur en chef de la revue sioniste de gauche (si, si c’est officiel ), l’Arche dans le n° de mars-avril 2005, au cours de laquelle il se livre à un violent réquisitoire contre Jean Ferrat accusé de quasi négationnisme.

 

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Monsieur Jean Ferrat
07530 ANTRAIGUES

 

Monsieur Meir WEINTRATER

 

Rédacteur en chef de la revue « L’Arche»

 

Antraigues, le 24 février 2005

 

Monsieur,

 

Je viens de prendre connaissance de votre interview publiée par « Nouvelles d’Arménie Magazine» de janvier 2005 et ne saurais rester sans réagir à vos déclarations me concernant et concernant aussi ma chanson: «Nuit et brouillard », car c’est la première fois depuis 42 ans qu’elle suscite une réaction de cette nature. C’est la première fois qu’on me reproche, en définitive, de n’avoir pas parlé uniquement de l’extermination des juifs.
Vous osez le faire. J’ai envie de dire : « Tant pis pour vous », mais je vous rappelle que justement, «Nuit et brouillard» est dédiéà toutes les victimes des camps d’extermination nazis quelles que soient leurs religions et leurs origines, à tous ceux qui croyaient au ciel ou n’y croyaient pas et bien sûr, à tous ceux qui résistèrent à la barbarie et en payèrent le prix.

 

Que vous puissiez justement, faire un compte dérisoire en regrettant que :
«Le seul moment ou l’identité juive apparaît est dans Samuel et Jéhovah» me paraît particulièrement indigne. Je ne puis également accepter vos interprétations tendancieuses qui concernent les résistants que je célèbre et qui seraient, d’après vous, : « essentiellement communistes ». Je passe sur l’évocation de
«Vishnou » que je n’aurais utilisé que pour la rime alors qu’il symbolisait pour moi toutes les autres croyances possibles.

 

Si j’avais aujourd’hui à regretter quelque chose, c’est de n’avoir pas cité les autres victimes innocentes des nazis, les handicapés, les homosexuels et les Tsiganes. Mais il est temps, à présent, d’en venir à votre affirmation finale:
«Aujourd’hui, un tel texte (vous parlez, bien entendu, de « Nuit et
brouillard ») serait attaqué pour négationnisme implicite ».

 

Je me demande par quelle dérive de la pensée on peut en arriver là, et si vos propos ne relèvent pas simplement de la psychiatrie.

 

Jean Ferrat

 

.

 

 

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UNE COLOMBE UNE AUTRE...Extrait

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...

Vous migrateurs que l’aube esquisse
dans les pressentiments d’hiver
sûrs d’épouser le pur tracer
de l’infaillible main de l’air


visible songe sagittal
vecteur d’un ouvrage majeur
sur le souffle secret des dieux


pilotes calmes & lucides
parmi ces méandres célestes
ces labyrinthes cristallins
où des vents furieux désespèrent


élan dont la cadence
va soudain s’amplifier
comme sensible à l’impatience
d’un berger abyssin
ou d’une aube de Casamance


vous n’êtes pas l’Exode
d’une bible invisible
ni le dernier symbole
d’un verset oublié


vous venez d’une partition
avec le bleu pouvoir de faire
de l’air glacial de l’Allemagne
un air de Mozart ou de Berg

O grand songe vous traversez
dans votre régate nocturne
l’écume & la rumeur
du tumulte des hommes

vous glissez entre les étoiles
sur le soyeux tissu de l’ombre
unique intense égal effort
annulant toutes les frontières

Energie d’un peuple d’ailes
royaume est votre mouvement
un léger royaume invisible
dans sa rythmique souveraine
son innocente trajectoire
oh si docile à la lumière
à sa douce légalité

 

.

 

RAYMOND FARINA

 

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P E D R O D I A Z M O L I N S

Photographie Pedro Diaz Molins

 

 

EUGENIO MONTALE

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Apporte-moi le tournesol, que je le transplante

Dans mon terrain brûlé par l'air salin ;

Et qu'il montre tout le jour aux miroirs bleus

Du ciel l'anxiété de son visage jaune pâle.

Les choses obscures tendent à la clarté,

Les corps s'épuisent en flux

De teintes : elles en musique. S'effacer

est donc le destin suprême.

Apporte-moi la plante qui nous mène

Là où surgissent de blondes transparences

Et s'évapore la vie telle une essence ;

Apporte-moi le tournesol affolé de lumière.

 

.

 

EUGENIO MONTALE

 

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Anita Stoll22

Oeuvre Anita Stoll

SEPT HEURES MOINS SEPT...Extrait

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Un obscur poète
dans un hameau perdu
a décrété cette année
année de la poésie

cette année-là
les paysans
quoi qu'ils aient semé
ont moissonné des poèmes

les voisins
sur la corde à linge
avaient étendu des poèmes
mois de mai

les étalagistes
étalaient des poèmes

un vers de poésie
a disparu sur le rivage
nul ne le cherche

le vent
a dérobé
un hémistiche
sur le fil d'étendage du voisin

les amoureux indigents
dans l'obscurité de la nuit
hors de la vue des patrouilles
ont diffusé des tracts de poésie

l'hôtel des monnaies
a frappé des pièces de deux
et quatre vers

les prostituées
de leurs clients sans le sou
acceptaient des poèmes

les demoiselles vierges
pour prix de la fiancée
réclamaient des recueils de poèmes
les banques
envisageaient l'ouverture d'agences
de poésie

les caissiers
dans leurs caisses
constataient un déficit de poèmes

un jeune va-nu-pieds
a troqué
un quatrain
contre un cran d'arrêt

la mairie
pour l'octroi des permis de construire
à défaut de plans
acceptait aussi des poèmes

les négociants en poésie
avec des barques sans voiles
faisaient de la contrebande de poèmes

les matelots
rejetaient à la mer
les excédents de poèmes

les pharmacies
rendaient à leurs clients
la monnaie en poèmes

un pêcheur
féru de poésie
pêchait le poisson
dans le miroitement du disque lunaire

les petits épiciers
sur les portes de leurs échoppes ont écrit :
" ici on n'accepte pas les poèmes "

les cambistes chevronnés
pour favoriser l'accalmie
se sont
croisé les bras

les hommes d'état
en quête de solution
consultaient
des politiciens férus de poésie

c'était un poète
homme d'état
ou bien un politicien
poète
sa poésie était entachée de politique
et sa politique
dénuée de poésie

féru de poésie et poète
féru de vin
et buveur
il a passé quelques mois en prison
où il n'a pas fait de poésie
ni bu de vin
mais a récité des poèmes
pour les autres
qui ne connaissaient ni le vin
ni la poésie

les agents du recensement
ont identifié
cent vingt-quatre mille
jeunes poètes

fruit d'une insomnie la nuit la plus longue
un court poème

à une profondeur de vingt mille lieues
sous les mers
un hémistiche
ondulait
parmi les algues

quelqu'un de coté-là du mur
quelqu'un de ce côté-ci
ni celui-là ne sait
ni celui-ci
il n'y a que le poète qui sache

huit à dix poissons petits et grands
et un hémistiche sur un papier
dans le filet des pêcheurs

quand je n'ai rien dans la poche
j'ai la poésie
quand je n'ai rien dans le frigo
j'ai la poésie
quand je n'ai rien dans le cœur
je n'ai rien

dans une chambre d'hôtel exiguë
j'ai composé un poème
sur la steppe

au point du jour
mon poème a fané
au lever du soleil
mon poème a passé

dans les vieux souliers de mon enfance
toujours se sont dissimulés
deux trois ébauches de poèmes

le cerf-volant que petit
j'avais lâché au vent
s'est aujourd'hui posé sur mon poème

un mot
sur un papier
le papier
à l'hameçon d'un pêcheur féru de poésie

dans ma paire de chaussettes blanches
on a trouvé
un pur distique

face au joug du temps
le havre du poème
face à la tyrannie de l'amour
le havre du poème
face à la criante injustice
le havre du poème

 

.

 

ABBAS KIAROSTAMI

Traduction Tayebeh Hashemi et Jean-Restom Nasser

 

.

 

tham61,

Photographie Thami Benkirane

 

 

 

 

 

ENSEMBLE ENCORE

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Merci Thami

 

 Mes proches, je vous lègue
La certitude inquiète dont j'ai vécu,
Cette eau sombre trouée de reflets d'un or.
Car, oui, tout ne fut pas un rêve, n'est-ce-pas ?
Mon amie, nous unîmes bien nos mains confiantes,
Nous avons bien dormi de vrais sommeils,
Et le soir, ç'avait bien été ces deux nuées
Qui s'étreignaient, en paix, dans le ciel clair.
Le ciel est beau, le soir, c'est à cause de nous.

Mes amis, mais aimées,
Je vous lègue les dons que vous me fîtes,
Cette terre proche du ciel, unie à lui
Par ces mains innombrables, l'horizon.
Je vous lègue le feu que nous regardions
Brûler dans la fumée des feuilles sèches
Qu'un jardinier de l'invisible avait poussées
Contre un des murs de la maison perdue.
Je vous lègue ces eaux qui semblent dire
Au creux, dans l'invisible, du ravin
Qu'est oracle le rien qu'elles charrient
Et promesse l'oracle. Je vous lègue
Avec son peu de braise
Cette cendre entassée dans l'âtre éteint,
Je vous lègue la déchirure des rideaux,
Les fenêtres qui battent,
L'oiseau qui resta pris dans la maison fermée.

Qu'ai-je à léguer ? Ce que j'ai désiré,
La pierre chaude d'un seuil sous le pied nu,
L'été debout, en ses ondées soudaines,
Le dieu en nous que nous n'aurons pas eu.
J'ai à léguer quelques photographies,
Sur l'une d'elles,
Tu passes près d'une statue qui fut,
Jeune femme avec son enfant rentrant riante
Dans l'averse soudaine de ce jour-là,
Notre signe mutuel de reconnaissance
Et, dans la maison vide, notre bien
Qui reste auprès de nous, à présent, dans l'attente
de notre besoin d'elle au dernier jour.

.

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YVES BONNEFOY

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Abbas Kiarostami

Photographie Abbas Kiarostami

 

JEAN LAVOUE

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Je fus marqué au feu de déserts inconnus
Dont les froides arêtes souvent me visitaient
J'eus pour seuls compagnons
D'autres marchants brûlés
Aux braises de leurs rêves

Une parole au cœur
Sans hâte ils s’en allaient
Fraterniser vers d’autres mains

Le bief de la rencontre était en eux
Un vide ouvert
Une frontière à vif
Une épaule offerte aux caresses de la nuit
A laquelle nul ne pouvait se dérober.

Je reconnus leur chant à l'espace silencieux
Qu'ils laissaient derrière eux
Je naquis dans leurs yeux
D'une source étonnée
Je les suivis sans hâte
Et sans me retourner

Ignorant du chemin
Et de leur vin secret
Dans l’éclat des silences
Je savais avec eux vers quel matin j'allais

Nul pas ne précédait mon pas
Tout espace m’était accordé.

 

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JEAN LAVOUE
www.enfancedesarbres.com

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Nora douady

Oeuvre Nora Douady

VIVRE DANS LE FEU, CONFESSIONS

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« Même chose qu'avec la mer : solitude, solitude, solitude.
Les livres m'ont plus apporté que les gens. Le souvenir d'une personne pâlit toujours devant le souvenir d'un livre, - je ne parle pas des souvenirs d'enfance, non, que des souvenirs d'adulte !
J'ai mentalement tout vécu, tout saisi. Mon imagination court toujours devant. J'ouvre les fleurs encore en bouton, effleure de manière grossière les choses les plus tendres et je le fais sans le vouloir, je ne peux pas ne pas le faire ! Donc, je ne peux pas être heureuse ? "M'oublier" artificiellement, je ne veux pas. Ce genre d'expérience me dégoûte. Naturellement - je ne peux pas, mon regard, en avant ou en arrière, est trop perçant.
Reste la sensation d'une solitude totale, sans remède. Le corps de l'autre - un mur, il empêche de voir son âme. Oh, que je déteste ce mur !
Je ne veux pas du paradis, où tout est béat, aérien, - j'aime tellement les visages, les gestes, l'existence quotidienne ! Je ne veux pas de la vie non plus, où tout est si clair, si simple et grossier-grossier ! Mes yeux et mes mains arrachent involontairement les voiles - si brillants ! - de tout. »

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MARINA TSVETAÏEVA

 

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tham68,

Photographie Thami Benkirane

http://www.benkiranet.aminus3.com

 


UN ARPÈGE DE FEUILLES DANS L'AILE BLEUE DU VENT

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Un jour la vie sera comme une main ouverte
Nos royaumes réels tous les chants déchiffrés


Je serai parmi vous comme un arbre immobile
Et le soir tombera très doux sur une épaule
Alors je chanterai comme on parle à l’oreille
Un arpège de feuilles dans l’aile bleue du vent


Quelque part le bonheur en nous fera ses nids
Le soleil entrera partout dans les mémoires
Et chacun vibrera de sa harpe profonde
Chacun sa dissonance en l’accord inouï


J’entends depuis toujours un impossible orchestre
J’entends depuis toujours nos échos se brisant
Et tu l’entends peut-être ami du bord du vide
Cette musique d’homme au bout de la jetée


Elle vient de si loin il faut tant de silence
pour la sentir en toi monter avec le sang
Elle vient par milliers de ces voix anonymes
Où tu te reconnais où tu te perpétues


Un jour la vie sera comme une main ouverte
Et le soir tombera très doux sur une épaule

 

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JEAN VASCA

 

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emile nolde

Oeuvre Emile Nolde

 

 

 

UNE PRISON SANS MUR

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à Michelle Vallée

 

Même le désespoir ne tient pas ses promesses.

Les feuilles ouvrent leurs mains comme un enfant

les yeux vers ce qui est donné,

le soleil ou la pluie, le sommeil ou la fête,

le trèfle à quatre feuilles ou le chant des lutins,

la braise sous les mots traduisant le silence

dans une langue inconnue.

 

À chaque printemps je redeviens celui qui naît,

celui qui ne sait rien.

Ne comptez pas sur moi

pour vous rendre des comptes.

Je m'abandonne aux autres.

Je ne vends pas je donne.

Je n'achète pas je prends.

Je ne prie pas je crie.

Je ne tue pas je vis.

 

Avec des mots enfarinés au levain de révolte

je boulange la nuit le pain tendre des jours.

Nous sommes tous nés de l'ivresse des étoiles,

du silence des poissons,

du murmure des pierres.

J'aime la chasse sans fusil ni gibier,

la prière sans dieu, la guerre sans soldat.

           Les pieds nus sur la terre

je rêve de racines.

Je ramasse les miettes

et tous les mots tombés au milieu de la route.

 

J'écris pour échapper au temps, à l'hiver et aux larmes.

Je dessine des fleurs sur l'envers du décor

et des visages dans la nuit,

des étoiles qui chantent avec les tournesols.

Je coiffe le réel avec des cheveux d'ange.

J'écris pour les oiseaux, les animaux, les fous,

des galets dans la voix et un chat dans la gorge.

J'écris pour les aveugles, les mourants, les amis.

J'ai des rêves sans fin au bout de chaque doigt.

 

Cherchant la vérité hors des sentiers battus

à plus de cinquante ans je fais encore l'enfant.

Mêlé au sang, mêlé aux rires

j'avance comme l'eau dans le creux des rochers.

J'ai dormi dans les ronces

pour rejoindre l'été dans le sang des hommes

et pour guider la sève jusqu'au seuil des étoiles,

donner des noms aux fleurs et aux petits oiseaux

comme on trace une carte.

J'ai donné ma vie pour quelques mots,

donné ma voix, rongé ma croix

pour lorgner les mirages où vont boire les loups.

J'ai allumé un feu

avec tous les drapeaux dont on fait les linceuls.

J'ai remplacé la poudre aux yeux

par la poussière du temps, le souvenir par l'espoir.

Il ne reste de moi que quelques phrases éparses,

quelques fleurs, quelques rires,

une cendre encore vive qui implore le feu.

On ne s'évade pas d'une prison sans mur.

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JEAN-MARC LA FRENIERE

http://lafreniere.over-blog.net

 

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abbas-kiarostami_

Photographie Abbas Kiarostami

MESSAGE PERSONNEL - FRANCOISE HARDY

CE QUI FUT SANS LUMIERE...Extrait

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Nous regardions nos arbres, c'était du haut

De la terrasse qui nous fut chère, le soleil

Se tenant près de nous cette fois encore

Mais en retrait, hôte silencieux

Au seuil de la maison en ruines, que nous laissions

A son pouvoir, immense, illuminée.

Vois, te disais-je, il fait glisser contre la pierre

Inégale, incompréhensible, de notre appui

L'ombre de nos épaules confondues,

Celle des amandiers qui sont près de nous

Et celle même du haut des murs qui se mêle aux autres,

Trouée, barque brûlée, proue qui dérive,

Comme un surcroît de rêve ou de fumée.

Mais ces chênes là-bas sont immobiles,

Même leur ombre ne bouge pas, dans la lumière,

Ce sont les rives du temps qui coule ici où nous sommes,

Et leur sol est inabordable, tant est rapide

le courant de l'espoir gros de la mort.

Nous regardâmes les arbres toute une heure.

Le soleil attendait, parmi les pierres,

Puis il eut compassion, il étendit

Vers eux, en contrebas dans le ravin

Nos ombres qui parurent les atteindre

Comme, avançant le bras, on peut toucher

Parfois, dans la distance entre deux êtres,

Un instant du rêve de l'autre, qui va sans fin.

 

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YVES BONNEFOY

 

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Bernard Liegeois

Photographie Bernard Liégeois

 

 

RETENU PAR CE QUI S'EN VA...Extrait

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Merci Thami , de nous faire connaître cet auteur...!

 

Je laisserai la porte ouverte
et le vent sur le seuil sera
l’autre porte de la vie sans limite
que l’on n’enferme pas.

Allez, mes pas,
oublier l’étreinte de la terre
par les pentes qui sont déjà du ciel.

M’accompagneront ceux
qui toujours avancent
parce qu’ils n’ont plus rien
où appuyer leur dos.

Parce que tout est devant,
dans le nouveau paysage.
Toutes les couleurs ont attendu
la fin de la pluie
et font danser l’étoffe du monde.

 

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JEAN-FRANCOIS MATHE

 

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tham69,

Photographie Thami Benkirane

http://www.benkiranet.aminus3.com

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